roman ado·roman young adult

Les Facétieuses (2022)

Auteure : Clémentine Beauvais

Editeur : Sarbacane

Collection : Exprim’

Pages : 320

Clémentine Beauvais vivote depuis son retour en France un an plus tôt. Déprimée, peut-être aussi un peu perdue, elle est en panne d’inspiration et ce n’est certes pas la demande de Tibo, son éditeur, qui la motive. C’est qu’il attend un roman fantastique et que Clémentine préfère les récits réalistes. Alors qu’elle s’interroge sur son avenir en tant qu’écrivaine, une proposition d’emploi la place face à un événement historique incongru autour duquel un mystère vient titiller sa curiosité et relancer sa fibre chercheuse : Louis XVII, fils du roi Louis XVI et de Marie-Antoinette, est mort dans de terribles conditions dans un cachot froid, sombre et humide. Mais où donc était sa Marraine la Bonne Fée ? Pourquoi l’a-t-elle abandonné à une mort certaine ? Et surtout qui était-elle ? Clémentine entend bien répondre à ses questions et tirer un essai ou un roman de son enquête.

Si le sujet avait déjà de quoi surprendre, la présence de Clémentine Beauvais en tant qu’héroïne du récit vient complètement flouter les contours et rompre la frontière entre réalité et fiction. Je dois dire que les trois premiers chapitres m’ont plongée dans une intense perplexité, me faisant douter de ma culture générale et remettant en question la qualité des cours d’Histoire reçus tout au long de ma scolarité. Honteuse de mes propres limites j’ai fini par aller googler l’existence d’une école de marraines ou de Bayardine de Seyrigeac. Quel talent !

Essai, uchronie, enquête, récit de vie, roman fantastique, Les Facétieuses est un peu tout ça à la fois, pas vraiment classable… Si le texte m’a semblé parfois un peu long, j’ai ressenti ce besoin d’aller au bout pour avoir le fin mot de l’histoire. Clémentine Beauvais fait partie de ces auteur.e.s qui arrive à captiver par leur écriture immersive et nous donner envie d’obtenir les réponses promises. Par ailleurs, sa plume déborde d’humour et parvient à captiver par un sujet original, preuves à l’appuie de citations d’ouvrages aux titres, auteurs et éditeurs réels, interrogeant le lecteur sur les limites entre le réel et l’imaginaire. C’est brillant !

Je vous invite à lire les avis d’Isabelle et de Lucie.

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L’héroïne, Clémentine Beauvais, autrice jeunesse déprimée par une série d’échecs littéraires et amoureux, trébuche sur une curieuse énigme historique :
Qui était la Marraine la Bonne Fée du petit prince Louis XVII, fils de Louis XVI et Marie-Antoinette ?

Comment cette fée – dotée, comme toutes ses consœurs de l’époque, de pouvoirs magiques puissants _ a-t-elle pu abandonner le petit prince à une mort atroce ? Plus étrange encore, pourquoi a-t-elle disparu des archives de l’Histoire après la Révolution ?
Et si derrière ces mystères se trouvait la clef d’un autre, encore plus grand :
Que s’est-il passé le jour où la magie s’est évaporée ?

roman ado

Agence Lovecraft, tome 3. Tempus Fugit -2022)

Auteur : Jean-Luc Marcastel

Illustrateur : VADERETRO

Editeur : Gulf Stream

Pages : 245

Après un premier tome palpitant qui offrait une mise en bouche des plus alléchantes et un deuxième tome intéressant malgré quelques longueurs, l’Agence Lovecraft nous entraine de nouveau à l’aventure dans un troisième volet qui démarre tambour battant pour ne laisser que peu de répit à ses héros ou ses lecteurs car, comme le dit le titre Tempus Fugit, « le temps passe vite ».

En effet, alors que l’arrivée de Cthulhu semble imminente, l’équipage du Nautilus doit récupérer la clé de R’lyeh, domaine où sommeille la terrible créature. Pour se faire, Sergueï n’a d’autres choix que de retourner dans le corps du Yithien quelques 375 millions d’années plus tôt. Mais alors que l’Agence Lovecraft croit maitriser ce voyage temporelle, ils découvrent que c’est le Yithien qui tire les ficelles et que cela pourrait changer bien des choses…

Je pense qu’à ce jour ce troisième volume est le plus abouti de la série. En apportant des réponses à plusieurs questions mais aussi dans la multiplicité des actions qui se croisent et s’entrecroisent, le récit prend une forme plus immersive et gagne en qualité. Chaque chapitre apporte quelques choses et permet à l’histoire d’avancer sur différentes temporalités ou différentes scènes, tout en étant connectées les unes aux autres. On sent combien l’auteur maitrise son histoire tant il parvient à faire jouer un rôle essentiel à tous ses personnages et à faire se connecter entre eux des évènements.

Difficile d’en dire d’avantage sans révéler l’histoire, aussi je vais me contenter de dire que Tempu Fugit est un troisième volume parfaitement réussi qui redéfinit les liens et connections entre les personnages et nous rapproche un peu plus du final qui s’annonce explosif.

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L’arrivée de Cthulhu dans notre monde est imminente. Pour l’empêcher, l’Agence Lovecraft doit récupérer la clé de R’lyeh, cette cité engloutie où patiente l’impitoyable monstre. Cette clé, Sergueï l’a aperçue lorsqu’il a été projeté des millions d’années en arrière dans le corps d’un Yithien. Pas d’autre choix que de retourner dans ce lointain passé pour semer des indices que Ryan et Marie devront retrouver dans le présent. Mais un détail lourd de conséquence a été négligé : en échangeant à nouveau son corps avec le Yithien, Sergueï permet à la créature d’un autre temps d’atteindre l’Agence Lovecraft. Or, c’est précisément ce qu’elle cherchait à faire…

poésie·roman ado

J’ai vu Sisyphe heureux (2020)

Auteure : Katerina Apostolopoulou

Editeur : Bruno Doucey

Pages : 128

Pépites du Salon de Montreuil – Roman adolescents européen 2020

« Il faut imaginer Sisyphe heureux » disait Albert Camus.
« J’ai vu Sisyphe heureux. » lui répond Katerina Apostolopoulou.

Dans ce recueil de trois poèmes narratifs, l’auteure nous raconte la Grèce de son enfance, berceau de ses histoires dans laquelle évoluent ses personnages : une jeune veuve, un couple et un vieil ermite. Tous ont en commun leur pauvreté, leur ténacité et leur résilience. Chacun a pris son parti de cette répétition des tâches et y trouve le bonheur dans ces petits riens qui remplissent l’existence d’amour, de partages, de solidarité.

Leur situation paraît presque enviable si l’on regarde attentivement ce mode de vie qui se perd, un mode de vie certes assez pauvre mais dans lequel on n’est jamais seul, toujours soutenu et entouré. Là où notre société consumériste nous confronte à la difficulté de faire moultes choix chaque jour, les héros de ce recueil se contentent de ce qu’ils ont sans se poser de question, ils accueillent et prennent ce que la vie leur donne comme une évidence. Leur liberté semble arbitraire et pourtant…

Je découvre la poésie narrative avec ce recueil et je dois dire que si la poésie y prend toujours cette forme, y déverse toujours les émotions ainsi, alors c’est une poésie que j’apprécie. Racontant personnage et existence, chacune des trois histoires se suffit de peu de mots pour nous dire l’attachement et les valeurs qui rendent la vie plus belle.

L’auteure imprègne par ailleurs ces textes de cette double culture qui est la sienne. Et si, confrontée à mes propres limites, je me suis contentée de lire le texte en français, je ne peux nier avoir été attiré par la langue grecque, si inaccessible. Elle interroge sur l’écriture et le sens, et je n’ai pu m’empêcher de penser que peut-être Katerina Apostolopoulou avait encore plus à nous dire…

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Vivre pauvre sans être rustre
Avoir peu et tout offrir
Garde le meilleur pour l’ami ou l’étranger
Reprendre tous les matins le même chemin
Savoir que toute la vie sera ainsi
Et en sourire
Moi
J’ai vu
Sisyphe heureux.

Lecture à voix haute·roman ado·roman jeunesse

Jefferson fait de son mieux (2022)

Auteur : Jean-Claude Mourlevat

Illustrateur : Antoine Ronzon

Editeur : Gallimard Jeunesse

Pages : 304

Après le succès de Jefferson chez nous – notamment auprès de Juliette qui en a fait son livre de chevet (je suis bien incapable de dire combien de fois elle la relut) – l’annonce d’une suite fut accueillie avec grand enthousiasme. Ma demoiselle la d’ailleurs dévoré dès sa sortie mais il m’aura fallu plus de temps pour me lancer et, si j’ai apprécié la lecture, je n’y ai pas retrouvé le plaisir ressenti à la lecture du premier tome.

Simone, la lapine dépressive rencontrée lors de l’expédition Ballardeau, prend de court Jefferson et Gilbert, son ami de toujours, lorsqu’elle annonce être partie par besoin de changer d’existence et notamment de la remplir de l’amitié et de l’affection qui lui font défaut. Les deux amis se lancent à sa recherche, persuadés que Simone n’est peut-être pas aussi en sécurité qu’elle l’affirme. Bientôt accompagnés du vieux et sage blaireau, Mr Hild et de l’inimitable Walter Schmitt, ils tentent d’élucider le mystère de ce départ précipité en suivant les quelques traces laissées derrière la lapine.

C’est toujours un plaisir de lire Jean-Claude Mourlevat dont la plume séduit par l’ironie discrète qui vient questionner innocemment notre jugement, nous faisant rire en dénonçant des sujets de société graves qui méritent une attention particulière. Cette nouvelle aventure de Jefferson attire l’attention du lecteur sur la solitude et la fragilité dans laquelle elle peut plonger les personnes qui en souffrent. Déstabilisées, elles deviennent des cibles idéales pour des personnes sans scrupules capables de manipuler leurs émotions pour en tirer avantage.

Pourtant, abordé à la manière d’un bon polar et porté par une sacrée équipe de personnages qui ne manquent ni d’humour, ni de ressources, le sujet divertit tout en donnant à réfléchir. Si j’adhère complètement au précédé, le sujet m’a mise mal à l’aise et j’ai vraiment peiner à suivre les aventures du hérisson détective dès lors qu’on comprend qu’il est question de manipulation dans sa forme la plus extrême, bien que le texte ne manque ni de subtilité ni bienveillance. J’imagine que c’est un sujet trop sensible pour moi… En tout cas, Juliette a pris beaucoup de plaisir à retrouver Jefferson et à suivre la petite équipe de détectives, même si elle a nettement préféré le premier.

Je vous invite à lire les avis d’Isabelle et de Lucie.

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Quatre ans après la mémorable expédition Ballardeau, la vie a repris son cours tranquille pour Jefferson. Jusqu’à ce coup de fil de Gilbert, le cochon : « _ Jeff ! Viens vite ! _ Comment ça, viens vite ? Tu es où ? _ Je suis chez Simone. Il y a un lézard. _ Il y a quoi ? _ Un truc qui cloche. Viens. _ Mais c’est où ? J’ai pas de voiture, moi. » Découvrant que la gentille lapine dépressive a disparu, les deux compagnons filent sur ses traces… et au-devant de bien des ennuis.

Nouvelle·roman ado

Je ne dirai pas le mot (2022)

Auteure : Madeleine Assas

Editeur : Actes Sud jeunesse

Collection : d’une seule voix

Pages : 80

Il est son ami d’enfance, son meilleur ami, celui avec qui elle a tant partagé depuis la petite enfance, mais cette année, il n’est plus le même. Il a grandi, il est devenu plus beau et elle a d’avantage conscience de sa présence. Ce n’est pas seulement parce que la cage d’ascenseur lui parait plus petite, c’est surtout son cœur qui bat plus vite, les papillons qui volent dans son ventre. Il est tellement plus qu’un ami… Mais comment le lui dire ? Et s’il ne ressentait pas la même chose ? Elle tente de lui écrire une lettre, de poser les mots sur le papier pour rendre ses émotions palpables. Mais s’il la rejetait ? Si elle le perdait ?

Je ne dirai pas le mot raconte le premier amour, les émotions que cela soulève et la difficulté de les exprimer par les mots, par peur qu’ils ne soient pas partagés. Aimer n’est qu’un mot mais l’exprimer est bien plus difficile que de le dire. Madeleine Assas parvient à nous faire revivre les sensations d’un premier amour avec les doutes et les craintes qui l’entourent, mais aussi avec tout le courage qu’il faut pour embrasser ce nouveau sentiment en osant enfin lui donner une chance d’exister. Son héroïne s’interroge sur le poids des mots dans la construction d’une relation, tout en se confrontant à la réalité d’un attachement qui n’a pas besoin d’être nommé pour exister. Un texte plein de justesse !

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Ils sont amis d’enfance et habitent le même immeuble. Depuis quelques temps, son regard sur lui a changé, et elle a l’impression que lui non plus ne la regarde pas pareil. Comme si entre eux, inexplicablement, tout était différent. Ou est-ce qu’elle se fait des idées ? SMS effacés, brouillons de lettre qui finissent à la poubelle… Et si mettre un mot – LE mot – sur ce sentiment nouveau, c’était prendre le risque de le perdre ?

roman ado

Les désaccordés (2023)

Auteure : Anne Cortey

Illustrateur : Cyril Pedrosa

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Médium +

Pages : 192

Les rentrées, Zoé connait. Depuis la mort de sa mère, son père a la bougeotte et elle le suit selon les offres d’emploi qui se présentent à lui. Professeur de ukulélé, il vient justement de se faire engager dans un conservatoire qui souhaite élargir son offre de cours. Le ukulélé, ils en partagent le plaisir du jeu. Pour l’adolescente la musique est aussi un moyen de canaliser ses tensions et de se réaliser, d’apporter du concret à sa vie… et d’enchanter celle des autres.

Parmi ces autres, il y a Gloria, sa nouvelle meilleure amie, qui regarde le monde à travers l’objectif de son appareil photo, capturant ce qu’il a de plus beau, et saisissant ces instants de la vie qui donnent envie de se battre et qui permettent d’oublier la maladie, cette assassine qu’elle refuse de nommer pour ne pas lui donner plus de pouvoir qu’elle n’en a déjà.

Il y a aussi Achille, si discret et pourtant si concerné par ce qu’il voit. Très protecteur, il veille sur les plus fragiles et s’assure que tout va bien. Passionné par le skate, il n’aime rien tant que faire des figures pour enchanter le monde de Gloria et lui mettre des étoiles plein les yeux, des yeux qui derrière l’objectif savent si bien voir la beauté artistique qui se dessine sous les pieds de son ami.

Et enfin il y a Ugo dont la mère enseigne le violoncelle dans le même conservatoire que le père de Zoé. Il déverse sa colère sur les autres et connaît mieux le bureau de la CPE que les murs de la salle de classe. Pourtant si on gratte un peu la surface, on découvre un être sensible et bien plus fragile qu’il ne souhaite le montrer. Il n’a pas encore trouvé l’instrument qui lui permettra de s’accorder aux autres mais il sait déjà à quel rythme il doit avancer.

Quatre adolescents, quatre tempos qui tendent à s’accorder sur un même rythme pour avancer côte à côte, car c’est bien connu, à plusieurs on est plus fort. L’écriture poétique et touchante d’Anne Cortey – je découvre cette auteure avec ce titre et je compte bien lire d’autres textes après celui-ci – et ses mots ont littéralement résonné en moi. J’ai vraiment pris plaisir à suivre la balade de ces quatre jeunes qui se cherchent et se trouvent dans l’art. L’art qui prend différentes formes mais tient une place essentielle pour chacun d’eux, entraînant le lecteur sur son passage.

Outre la beauté du texte, j’ai aimé la justesse des émotions dépeintes dans ces figures de l’adolescence, de ces jeunes comme j’aimerais en croiser plus dans la littérature jeunesse, des adolescents qui avancent malgré les coups durs, qui savent se prendre en main et s’entourer d’amis dont les notes résonnent en accords avec les leurs. L’univers artistique me touche tout particulièrement ainsi que la forme du texte qui se déroule aussi naturellement que l’attachement se fait entre les héros.

Par ailleurs, j’aimerais aussi saluer le travail éditorial pour le choix de mettre des pages colorées, vertes en l’occurrence, pour marquer le changement de narration quand chacun des personnages se livre sur son histoire personnelle. Ca peut paraître simple mais ça fait un effet incroyable. Sans oublier les deux illustrations de Cyril Pedrosa, également artiste de la couverture, qui viennent apporter une forme de lumière artistique sur l’ensemble. L’effet est saisissant et fait de cet objet-livre une petite beauté.

Vous l’aurez compris, aucune fausse note pour Les désaccordés. C’est un énorme coup de ❤ !

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Dans la vie il faut se battre. Zoé le sait bien en arrivant dans ce nouveau lycée, avec tous ces nouveaux camarades. A chacun ses manières de se réaliser, contre ses parents, contre la maladie, contre soi-même parfois. Et à chacun ses instruments : un appareil photo pour capturer la beauté du monde, un ukulélé pour l’enchanter, un skate pour le parcourir. Mais seul, c’est toujours plus difficile. Pour Zoé, le moment est venu de jouer collectif.

Nouvelle·roman ado

Pas sûr que les cow-boys s’embrassent (2021)

Auteur : Henri Meunier

Illustratrice : Nathalie Choux

Editeur : Actes Sud junior

Pages : 128

Recueil de dix-sept histoires qui ne sont en fait que l’expression de sept jeunes autour d’un seul et même fil rouge, Pas sûr que les cow-boys s’embrassent joue sur l’alternance de narrateur pour nous laisser entrevoir les relations de ce groupe, les liens qui les unissent, leur amitié, leur amour, mais aussi les blessures et les coups durs. Unis et solidaires, ils avancent côte à côte, s’épaulent dans les moments difficiles, échangent des baisers, et tentent de se sauver d’une vie de famille bancale et étouffante, voir carrément violente.

Henri Meunier livre un récit percutant dans sa construction et les blessures qu’il dessine dans les non-dits, les glissant entre les mots, entre les lignes. Touchants, ses personnages sont multiples et déversent chacun leur tour la douleur de leur existence, la quête du plaisir et leur espoir d’une vie plus belle pour un parent qui se retrouve seul, un petit-frère qu’on ne veut pas voir prendre les coups que l’on endure déjà, mais aussi pour soi, parce que le bonheur est un droit !

L’écriture retransmet les émotions avec beaucoup de justesse. Même si j’ai eu du mal à donner un âge aux personnages de par le décalage entre leur façon de s’exprimer et leurs actes, j’ai été très sensible au choix des mots, à la forme désuète de ce « parler jeune » qui donne un charme suranné et pourtant intemporel aux événements. Par ailleurs, les illustrations en noir et blanc de Nathalie Choux viennent installer un décor et appuyer la douleur et la détresse de ses ados paumés.

Pas sûr que les cow-boys s’embrassent est un récit qui m’a surprise par son histoire, bien loin des amourettes d’écoliers auxquelles je m’attendais mais m’a littéralement prise par la main pour affronter un tourbillon émotionnel que je n’avais pas vu venir.

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Attention, les secrets, c’est vachement précieux. Jeanne aime Pascal. Mais elle aime aussi Wilfried, qui est amoureux fou de Sophie qui ne sait pas si elle préfère lui ou Alphonse. Alphonse qui n’embrasse pas comme un amoureux. Mais au fond, est-ce que les cow-boys s’embrassent ? Une petite bande d’amis racontent leurs éclats de vie. Cette vie qui ondule, pétille, hésite, prend son envol.

roman ado

Pax Automata (2022)

Auteur : Ariel Holzl

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Medium +

Pages : 352

Repéré dès sa sortie, c’est le billet de Tachan qui m’avait définitivement convaincue que Pax Automata était un roman qui me plairait. J’en ressors complètement séduite.

Uchronie steampunk, le récit nous amène dans le Paris de la Belle Epoque à la veille de l’inauguration de l’exposition universelle. Napoléon III a vaincu les prussiens à Sedan et Ada Lovelace a pris la tête du Royaume Uniforme après avoir renversé la Reine Victoria. Humains et automates coexistent dans ce monde en pleine évolution, marqué par des progrès technologiques et politiques. Ces derniers, soumis aux lois de la Pax Automata (qui ne sont pas sans rappeler les lois de la robotique d’Isaac Asimov), sont assignés à des rôles subalternes, souvent ingrats, et ne doivent pas plus ressembler aux humains qu’ils ne peuvent ressentir d’émotions. Mais sont-ils réellement aussi impassibles ?

Philémon de Fernay jurerait pourtant avoir vu trembler cet automate sur lequel il s’apprêtait à tirer. Elève pilote à la prestigieuse école de Saint-Cyr, il excelle dans l’art du vol aérien mais a le cœur bien trop généreux pour tirer sur qui que ce soit. Aussi, lorsqu’il découvre un automate enfant bien trop humanisé, dans des gravats qu’il est chargé de trier, il choisit de l’emmener avec lui, quitte à se mettre en danger, plutôt que de le laisser tomber entre de mauvaises mains. Il comprend bientôt qu’il vient de plonger au cœur d’une intrigue politique qui va bien au-delà d’une simple entorse à la loi.

Pax Automata est un roman palpitant porté par quatre adolescents intéressants, dont le développement ne les rend que plus attachants au fur et à mesure de l’avancée dans l’intrigue. Ferdinand, meilleur ami de Philémon, amène une énergie exubérante et un humour à toute épreuve ; Zélie, la romanicielle, éblouie par ses talents de mécanographe et son intelligence ; Elisa, camarade et rivale à l’école de pilotage, apporte un talent naturelle pour l’infiltration et une force mystérieuse qui les sortira de bien des mauvais pas. La fine équipe se complète à merveille et ne manque jamais de ressources pour rebondir et tenter de sauver l’empire français. Il est peut-être juste regrettable que les « méchants » restent dans l’ombre et n’ont qu’un petit rôle à jouer. J’aurais aimé plus de dangers et une intrigue politique plus développée…

Mais ce qui fait la richesse du récit est qu’Ariel Holz parvient à nous faire vivre les évènements en les rendant réalistes, du fait d’une intrigue politique portée par de vrais acteurs de l’Histoire, en les plaçant dans un Paris et une Europe imaginée mais pourtant bien crédible. C’est tout simplement captivant !

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1889. L’empereur Napoléon III, grand vainqueur de Sedan, s’apprête à inaugurer l’exposition universelle organisée dans un Paris grouillant d’automates en tout genre. Lors de la parade d’ouverture, Philémon de Fernay, jeune élève de saint-Cyr, a le privilège de piloter le Zéphyr, le nouvel aéronef crée par Clément Ader. Mais tout déraille lorsque l’engin volant s’écrase sur la salle des machines et la pulvérise. Sous les gravats, Philémon découvre alors le corps d’un enfant automate aux traits particulièrement réalistes. Quel fabricant a bien pu enfreindre la loi principale de la Pax automata qui interdit la conception d’automates ressemblant à des humains ? Même Zélie, la romanicielle et mécanographe hors pair, n’a jamais rien vu de pareil ! Plus mystérieux encore…Une fois activé, l’enfant automate est capable de faire exploser n’importe quel mécanisme à proximité. Serait-ce une arme secrète dirigée contre l’Empire ?

masse critique·roman ado

Hop hop hop l’amour ! (2022)

Auteure : Julie Lerat-Gersant

Editeur : Scrineo

Pages : 208

Sortie le 09 février 2023

Ann, quinze ans tout rond, est en seconde. Elle a une petite sœur qu’elle adore, une mère actrice et un père sage-femme. Elle a grandi dans une famille unie et aimante. Aussi, lorsqu’elle tombe sur un sexto sur le portable de sa mère, son univers s’écroule : sa mère a un amant !

Julie Lerat-Gersant signe un premier roman sur l’adolescence et raconte les bouleversements émotionnels qui viennent submerger une jeune fille lorsqu’elle prend conscience que sa mère est simplement humaine. Mais, si l’adolescence est l’élément clef de l’histoire, c’est le lien mère-fille qui en est le moteur. En effet, l’auteure prend soin de décrire la relation d’Ann et sa mère avant le texto et surtout ensuite, avec l’évolution de ses sentiments sur une histoire qui la dépasse et la pousse dans ses retranchements les plus sombres. C’es probablement cet aspect de l’histoire qui m’a d’ailleurs le plus accroché.

Car Hop Hop Hop l’amour reste malgré tout un roman porté par des adolescents auxquels je n’ai pas réussi à m’identifier et dans lesquels je n’ai pas réussi à retrouver les adolescents de mon entourage. Les débordements émotionnels avec mise en danger m’ont gênée et je n’ai pas toujours réussi à comprendre le comportement d’Ann. Pourtant, Ann est une jeune fille très sincère, à laquelle on s’attache plutôt facilement et j’ai apprécié suivre son évolution et la voir remonter la pente après être descendue si près des portes de l’état dépressif.

Elle est entourée de personnages intéressants, pas toujours à l’image de ce qu’elle mérite, mais qui chacun apporte une personnalité propre et un regard sur le monde qui va avec. Chacun a une histoire et un vécu différent, et là où Ann vit avec ses deux parents, beaucoup sont confrontés à la séparation de leurs parents avec ce que cela engendre de positif et de négatif. Pas facile de se construire quand les modèles familiaux sont si divers qu’on ne sait pas à quoi se raccrocher. Encore une fois ceux sont les adultes qui m’ont le plus séduite ; membres du monde artistique, ils sont haut en couleur et apportent une belle énergie à l’ensemble.

Au final je me rends compte que j’ai un avis mitigé sur ce roman : j’ai été touché par la relation mère-fille et j’ai aimé l’écriture dynamique et drôle de l’auteure, qui a su décrire la beauté de l’équilibre familial et les difficultés émotionnelles du passage à l’âge adulte. Mais je ne suis clairement pas amatrice de récits dans lequel les adolescents ont des comportements aussi borderline.

Je remercie Babelio et les éditions Scrineo pour l’envoie de ce titre dans le cadre de Masse Critique Privilège.

Je m’appelle Ann. Sans « e ». Jusqu’ici, mon prénom mis à part, tout était à peu près normal dans mon existence : une vie de lycéenne tranquille avec une petite sœur plutôt sympa et des parents attentionnés, actrice et sage-femme… Une famille unie, quoi ! Et pourtant, je viens de découvrir le plus terrible des secrets : ma mère trompe mon père avec son metteur en scène. Depuis ce virage à 360°, adieu l’insouciance : ma famille est en plein naufrage. Et le pire du pire ? Sa troupe de théâtre va venir répéter dans mon lycée après les vacances de Noël ! Entre un voyage à Londres, un baiser raté, le cinéma de Michael Curtiz et de plus en plus de mensonges, je tente de démasquer la face cachée de ma confidente depuis ma plus tendre enfance : ma mère. Allez, hop hop hop, je ne vais quand même pas la laisser me gâcher la vie !

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Ma petite bonne (2022)

Auteur : Jean-François Chabas

Editeur : Talents Hauts

Collection: Les héroïques

Pages : 228

Nada avait dix-sept quand Ife fut achetée par sa famille comme domestique. Désormais quarantenaire, elle se remémore cette époque de sa vie avec le recul suffisant pour se rendre compte de l’erreur de penser que son comportement était normal en se basant sur le fait que tout le monde faisait de même. Car plutôt que domestique, Ife tient plus la place d’une esclave. Son quotidien n’est que labeur et humiliation. Si Nada n’est déjà pas tendre avec elle, ce n’est rien comparé à ce que lui fait subir Albertine, sa grand-mère, particulièrement violente et raciste envers la jeune éthiopienne.

Ma petit bonne dénonce la Kafala, cette forme d’esclavage moderne acceptée au Liban et dans d’autres pays du Moyen-Orient, en plaçant sous le même toit deux jeunes filles du même âge, différente dans leurs origines et leur place dans le foyer. Si Nada est très autocentrée et ne songe pas un instant aux difficultés rencontrées par Ife, elle se confronte pourtant peu à peu à la dure réalité d’une pratique abusive qui enferme des jeunes filles dans une vie qu’elles n’ont pas choisi mais qu’elles subissent par devoir pour faire vivre une famille rester au pays.

En suivant l’évolution de Nada dans sa famille et sa communauté libanaise, le lecteur est invité à découvrir une culture et une façon de vivre différente, une société dans laquelle se confronte un fort désir de modernité et des traditions ancestrales. Au contact d’Ife, Nada prend bientôt conscience que la Kafala n’est pas le seul problème de leur culture, que la place des femmes en général est à redéfinir, de même que celle des homosexuels.

Jean-François Chabas signe un titre sensible et percutant, qui interroge sur le pouvoir des hommes dans les sociétés patriarcales, sur la place des femmes et le rôle qu’elles ont à jouer dans leur émancipation, en commençant peut-être par regarder les autres femmes comme leurs égales. Ma petit bonne est un récit essentiel qui met le doigt sur des problèmes de société actuels et une étude ethnologique intéressante sur les sociétés moyen-orientales aux prises avec leur désir de modernité écrasé par le poids des traditions.

L’avis de Lucie est à lire ICI.

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1993, Beyrouth – Nada, 17 ans, ne voit rien à redire à ce que sa famille « achète » une nouvelle domestique : Ife, une jeune Ethiopienne au visage tatoué et à la docilité têtue. D’abord indifférente et complice des méthodes archaïques, des propos racistes et de la violence de sa grand-mère, Nada va progressivement remettre en question son rapport à leur « petite bonne ». Les tensions et évolutions qui traversent la famille de Nada sont à l’image de celles qui fracturent les sociétés moyen-orientales tiraillées entre tradition et modernité.