Nouvelle·roman ado

Je ne dirai pas le mot (2022)

Auteure : Madeleine Assas

Editeur : Actes Sud jeunesse

Collection : d’une seule voix

Pages : 80

Il est son ami d’enfance, son meilleur ami, celui avec qui elle a tant partagé depuis la petite enfance, mais cette année, il n’est plus le même. Il a grandi, il est devenu plus beau et elle a d’avantage conscience de sa présence. Ce n’est pas seulement parce que la cage d’ascenseur lui parait plus petite, c’est surtout son cœur qui bat plus vite, les papillons qui volent dans son ventre. Il est tellement plus qu’un ami… Mais comment le lui dire ? Et s’il ne ressentait pas la même chose ? Elle tente de lui écrire une lettre, de poser les mots sur le papier pour rendre ses émotions palpables. Mais s’il la rejetait ? Si elle le perdait ?

Je ne dirai pas le mot raconte le premier amour, les émotions que cela soulève et la difficulté de les exprimer par les mots, par peur qu’ils ne soient pas partagés. Aimer n’est qu’un mot mais l’exprimer est bien plus difficile que de le dire. Madeleine Assas parvient à nous faire revivre les sensations d’un premier amour avec les doutes et les craintes qui l’entourent, mais aussi avec tout le courage qu’il faut pour embrasser ce nouveau sentiment en osant enfin lui donner une chance d’exister. Son héroïne s’interroge sur le poids des mots dans la construction d’une relation, tout en se confrontant à la réalité d’un attachement qui n’a pas besoin d’être nommé pour exister. Un texte plein de justesse !

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Ils sont amis d’enfance et habitent le même immeuble. Depuis quelques temps, son regard sur lui a changé, et elle a l’impression que lui non plus ne la regarde pas pareil. Comme si entre eux, inexplicablement, tout était différent. Ou est-ce qu’elle se fait des idées ? SMS effacés, brouillons de lettre qui finissent à la poubelle… Et si mettre un mot – LE mot – sur ce sentiment nouveau, c’était prendre le risque de le perdre ?

roman ado

Les désaccordés (2023)

Auteure : Anne Cortey

Illustrateur : Cyril Pedrosa

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Médium +

Pages : 192

Les rentrées, Zoé connait. Depuis la mort de sa mère, son père a la bougeotte et elle le suit selon les offres d’emploi qui se présentent à lui. Professeur de ukulélé, il vient justement de se faire engager dans un conservatoire qui souhaite élargir son offre de cours. Le ukulélé, ils en partagent le plaisir du jeu. Pour l’adolescente la musique est aussi un moyen de canaliser ses tensions et de se réaliser, d’apporter du concret à sa vie… et d’enchanter celle des autres.

Parmi ces autres, il y a Gloria, sa nouvelle meilleure amie, qui regarde le monde à travers l’objectif de son appareil photo, capturant ce qu’il a de plus beau, et saisissant ces instants de la vie qui donnent envie de se battre et qui permettent d’oublier la maladie, cette assassine qu’elle refuse de nommer pour ne pas lui donner plus de pouvoir qu’elle n’en a déjà.

Il y a aussi Achille, si discret et pourtant si concerné par ce qu’il voit. Très protecteur, il veille sur les plus fragiles et s’assure que tout va bien. Passionné par le skate, il n’aime rien tant que faire des figures pour enchanter le monde de Gloria et lui mettre des étoiles plein les yeux, des yeux qui derrière l’objectif savent si bien voir la beauté artistique qui se dessine sous les pieds de son ami.

Et enfin il y a Ugo dont la mère enseigne le violoncelle dans le même conservatoire que le père de Zoé. Il déverse sa colère sur les autres et connaît mieux le bureau de la CPE que les murs de la salle de classe. Pourtant si on gratte un peu la surface, on découvre un être sensible et bien plus fragile qu’il ne souhaite le montrer. Il n’a pas encore trouvé l’instrument qui lui permettra de s’accorder aux autres mais il sait déjà à quel rythme il doit avancer.

Quatre adolescents, quatre tempos qui tendent à s’accorder sur un même rythme pour avancer côte à côte, car c’est bien connu, à plusieurs on est plus fort. L’écriture poétique et touchante d’Anne Cortey – je découvre cette auteure avec ce titre et je compte bien lire d’autres textes après celui-ci – et ses mots ont littéralement résonné en moi. J’ai vraiment pris plaisir à suivre la balade de ces quatre jeunes qui se cherchent et se trouvent dans l’art. L’art qui prend différentes formes mais tient une place essentielle pour chacun d’eux, entraînant le lecteur sur son passage.

Outre la beauté du texte, j’ai aimé la justesse des émotions dépeintes dans ces figures de l’adolescence, de ces jeunes comme j’aimerais en croiser plus dans la littérature jeunesse, des adolescents qui avancent malgré les coups durs, qui savent se prendre en main et s’entourer d’amis dont les notes résonnent en accords avec les leurs. L’univers artistique me touche tout particulièrement ainsi que la forme du texte qui se déroule aussi naturellement que l’attachement se fait entre les héros.

Par ailleurs, j’aimerais aussi saluer le travail éditorial pour le choix de mettre des pages colorées, vertes en l’occurrence, pour marquer le changement de narration quand chacun des personnages se livre sur son histoire personnelle. Ca peut paraître simple mais ça fait un effet incroyable. Sans oublier les deux illustrations de Cyril Pedrosa, également artiste de la couverture, qui viennent apporter une forme de lumière artistique sur l’ensemble. L’effet est saisissant et fait de cet objet-livre une petite beauté.

Vous l’aurez compris, aucune fausse note pour Les désaccordés. C’est un énorme coup de ❤ !

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Dans la vie il faut se battre. Zoé le sait bien en arrivant dans ce nouveau lycée, avec tous ces nouveaux camarades. A chacun ses manières de se réaliser, contre ses parents, contre la maladie, contre soi-même parfois. Et à chacun ses instruments : un appareil photo pour capturer la beauté du monde, un ukulélé pour l’enchanter, un skate pour le parcourir. Mais seul, c’est toujours plus difficile. Pour Zoé, le moment est venu de jouer collectif.

Nouvelle·roman ado

Pas sûr que les cow-boys s’embrassent (2021)

Auteur : Henri Meunier

Illustratrice : Nathalie Choux

Editeur : Actes Sud junior

Pages : 128

Recueil de dix-sept histoires qui ne sont en fait que l’expression de sept jeunes autour d’un seul et même fil rouge, Pas sûr que les cow-boys s’embrassent joue sur l’alternance de narrateur pour nous laisser entrevoir les relations de ce groupe, les liens qui les unissent, leur amitié, leur amour, mais aussi les blessures et les coups durs. Unis et solidaires, ils avancent côte à côte, s’épaulent dans les moments difficiles, échangent des baisers, et tentent de se sauver d’une vie de famille bancale et étouffante, voir carrément violente.

Henri Meunier livre un récit percutant dans sa construction et les blessures qu’il dessine dans les non-dits, les glissant entre les mots, entre les lignes. Touchants, ses personnages sont multiples et déversent chacun leur tour la douleur de leur existence, la quête du plaisir et leur espoir d’une vie plus belle pour un parent qui se retrouve seul, un petit-frère qu’on ne veut pas voir prendre les coups que l’on endure déjà, mais aussi pour soi, parce que le bonheur est un droit !

L’écriture retransmet les émotions avec beaucoup de justesse. Même si j’ai eu du mal à donner un âge aux personnages de par le décalage entre leur façon de s’exprimer et leurs actes, j’ai été très sensible au choix des mots, à la forme désuète de ce « parler jeune » qui donne un charme suranné et pourtant intemporel aux événements. Par ailleurs, les illustrations en noir et blanc de Nathalie Choux viennent installer un décor et appuyer la douleur et la détresse de ses ados paumés.

Pas sûr que les cow-boys s’embrassent est un récit qui m’a surprise par son histoire, bien loin des amourettes d’écoliers auxquelles je m’attendais mais m’a littéralement prise par la main pour affronter un tourbillon émotionnel que je n’avais pas vu venir.

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Attention, les secrets, c’est vachement précieux. Jeanne aime Pascal. Mais elle aime aussi Wilfried, qui est amoureux fou de Sophie qui ne sait pas si elle préfère lui ou Alphonse. Alphonse qui n’embrasse pas comme un amoureux. Mais au fond, est-ce que les cow-boys s’embrassent ? Une petite bande d’amis racontent leurs éclats de vie. Cette vie qui ondule, pétille, hésite, prend son envol.

roman ado

Pax Automata (2022)

Auteur : Ariel Holzl

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Medium +

Pages : 352

Repéré dès sa sortie, c’est le billet de Tachan qui m’avait définitivement convaincue que Pax Automata était un roman qui me plairait. J’en ressors complètement séduite.

Uchronie steampunk, le récit nous amène dans le Paris de la Belle Epoque à la veille de l’inauguration de l’exposition universelle. Napoléon III a vaincu les prussiens à Sedan et Ada Lovelace a pris la tête du Royaume Uniforme après avoir renversé la Reine Victoria. Humains et automates coexistent dans ce monde en pleine évolution, marqué par des progrès technologiques et politiques. Ces derniers, soumis aux lois de la Pax Automata (qui ne sont pas sans rappeler les lois de la robotique d’Isaac Asimov), sont assignés à des rôles subalternes, souvent ingrats, et ne doivent pas plus ressembler aux humains qu’ils ne peuvent ressentir d’émotions. Mais sont-ils réellement aussi impassibles ?

Philémon de Fernay jurerait pourtant avoir vu trembler cet automate sur lequel il s’apprêtait à tirer. Elève pilote à la prestigieuse école de Saint-Cyr, il excelle dans l’art du vol aérien mais a le cœur bien trop généreux pour tirer sur qui que ce soit. Aussi, lorsqu’il découvre un automate enfant bien trop humanisé, dans des gravats qu’il est chargé de trier, il choisit de l’emmener avec lui, quitte à se mettre en danger, plutôt que de le laisser tomber entre de mauvaises mains. Il comprend bientôt qu’il vient de plonger au cœur d’une intrigue politique qui va bien au-delà d’une simple entorse à la loi.

Pax Automata est un roman palpitant porté par quatre adolescents intéressants, dont le développement ne les rend que plus attachants au fur et à mesure de l’avancée dans l’intrigue. Ferdinand, meilleur ami de Philémon, amène une énergie exubérante et un humour à toute épreuve ; Zélie, la romanicielle, éblouie par ses talents de mécanographe et son intelligence ; Elisa, camarade et rivale à l’école de pilotage, apporte un talent naturelle pour l’infiltration et une force mystérieuse qui les sortira de bien des mauvais pas. La fine équipe se complète à merveille et ne manque jamais de ressources pour rebondir et tenter de sauver l’empire français. Il est peut-être juste regrettable que les « méchants » restent dans l’ombre et n’ont qu’un petit rôle à jouer. J’aurais aimé plus de dangers et une intrigue politique plus développée…

Mais ce qui fait la richesse du récit est qu’Ariel Holz parvient à nous faire vivre les évènements en les rendant réalistes, du fait d’une intrigue politique portée par de vrais acteurs de l’Histoire, en les plaçant dans un Paris et une Europe imaginée mais pourtant bien crédible. C’est tout simplement captivant !

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1889. L’empereur Napoléon III, grand vainqueur de Sedan, s’apprête à inaugurer l’exposition universelle organisée dans un Paris grouillant d’automates en tout genre. Lors de la parade d’ouverture, Philémon de Fernay, jeune élève de saint-Cyr, a le privilège de piloter le Zéphyr, le nouvel aéronef crée par Clément Ader. Mais tout déraille lorsque l’engin volant s’écrase sur la salle des machines et la pulvérise. Sous les gravats, Philémon découvre alors le corps d’un enfant automate aux traits particulièrement réalistes. Quel fabricant a bien pu enfreindre la loi principale de la Pax automata qui interdit la conception d’automates ressemblant à des humains ? Même Zélie, la romanicielle et mécanographe hors pair, n’a jamais rien vu de pareil ! Plus mystérieux encore…Une fois activé, l’enfant automate est capable de faire exploser n’importe quel mécanisme à proximité. Serait-ce une arme secrète dirigée contre l’Empire ?

masse critique·roman ado

Hop hop hop l’amour ! (2022)

Auteure : Julie Lerat-Gersant

Editeur : Scrineo

Pages : 208

Sortie le 09 février 2023

Ann, quinze ans tout rond, est en seconde. Elle a une petite sœur qu’elle adore, une mère actrice et un père sage-femme. Elle a grandi dans une famille unie et aimante. Aussi, lorsqu’elle tombe sur un sexto sur le portable de sa mère, son univers s’écroule : sa mère a un amant !

Julie Lerat-Gersant signe un premier roman sur l’adolescence et raconte les bouleversements émotionnels qui viennent submerger une jeune fille lorsqu’elle prend conscience que sa mère est simplement humaine. Mais, si l’adolescence est l’élément clef de l’histoire, c’est le lien mère-fille qui en est le moteur. En effet, l’auteure prend soin de décrire la relation d’Ann et sa mère avant le texto et surtout ensuite, avec l’évolution de ses sentiments sur une histoire qui la dépasse et la pousse dans ses retranchements les plus sombres. C’es probablement cet aspect de l’histoire qui m’a d’ailleurs le plus accroché.

Car Hop Hop Hop l’amour reste malgré tout un roman porté par des adolescents auxquels je n’ai pas réussi à m’identifier et dans lesquels je n’ai pas réussi à retrouver les adolescents de mon entourage. Les débordements émotionnels avec mise en danger m’ont gênée et je n’ai pas toujours réussi à comprendre le comportement d’Ann. Pourtant, Ann est une jeune fille très sincère, à laquelle on s’attache plutôt facilement et j’ai apprécié suivre son évolution et la voir remonter la pente après être descendue si près des portes de l’état dépressif.

Elle est entourée de personnages intéressants, pas toujours à l’image de ce qu’elle mérite, mais qui chacun apporte une personnalité propre et un regard sur le monde qui va avec. Chacun a une histoire et un vécu différent, et là où Ann vit avec ses deux parents, beaucoup sont confrontés à la séparation de leurs parents avec ce que cela engendre de positif et de négatif. Pas facile de se construire quand les modèles familiaux sont si divers qu’on ne sait pas à quoi se raccrocher. Encore une fois ceux sont les adultes qui m’ont le plus séduite ; membres du monde artistique, ils sont haut en couleur et apportent une belle énergie à l’ensemble.

Au final je me rends compte que j’ai un avis mitigé sur ce roman : j’ai été touché par la relation mère-fille et j’ai aimé l’écriture dynamique et drôle de l’auteure, qui a su décrire la beauté de l’équilibre familial et les difficultés émotionnelles du passage à l’âge adulte. Mais je ne suis clairement pas amatrice de récits dans lequel les adolescents ont des comportements aussi borderline.

Je remercie Babelio et les éditions Scrineo pour l’envoie de ce titre dans le cadre de Masse Critique Privilège.

Je m’appelle Ann. Sans « e ». Jusqu’ici, mon prénom mis à part, tout était à peu près normal dans mon existence : une vie de lycéenne tranquille avec une petite sœur plutôt sympa et des parents attentionnés, actrice et sage-femme… Une famille unie, quoi ! Et pourtant, je viens de découvrir le plus terrible des secrets : ma mère trompe mon père avec son metteur en scène. Depuis ce virage à 360°, adieu l’insouciance : ma famille est en plein naufrage. Et le pire du pire ? Sa troupe de théâtre va venir répéter dans mon lycée après les vacances de Noël ! Entre un voyage à Londres, un baiser raté, le cinéma de Michael Curtiz et de plus en plus de mensonges, je tente de démasquer la face cachée de ma confidente depuis ma plus tendre enfance : ma mère. Allez, hop hop hop, je ne vais quand même pas la laisser me gâcher la vie !

roman ado

Ma petite bonne (2022)

Auteur : Jean-François Chabas

Editeur : Talents Hauts

Collection: Les héroïques

Pages : 228

Nada avait dix-sept quand Ife fut achetée par sa famille comme domestique. Désormais quarantenaire, elle se remémore cette époque de sa vie avec le recul suffisant pour se rendre compte de l’erreur de penser que son comportement était normal en se basant sur le fait que tout le monde faisait de même. Car plutôt que domestique, Ife tient plus la place d’une esclave. Son quotidien n’est que labeur et humiliation. Si Nada n’est déjà pas tendre avec elle, ce n’est rien comparé à ce que lui fait subir Albertine, sa grand-mère, particulièrement violente et raciste envers la jeune éthiopienne.

Ma petit bonne dénonce la Kafala, cette forme d’esclavage moderne acceptée au Liban et dans d’autres pays du Moyen-Orient, en plaçant sous le même toit deux jeunes filles du même âge, différente dans leurs origines et leur place dans le foyer. Si Nada est très autocentrée et ne songe pas un instant aux difficultés rencontrées par Ife, elle se confronte pourtant peu à peu à la dure réalité d’une pratique abusive qui enferme des jeunes filles dans une vie qu’elles n’ont pas choisi mais qu’elles subissent par devoir pour faire vivre une famille rester au pays.

En suivant l’évolution de Nada dans sa famille et sa communauté libanaise, le lecteur est invité à découvrir une culture et une façon de vivre différente, une société dans laquelle se confronte un fort désir de modernité et des traditions ancestrales. Au contact d’Ife, Nada prend bientôt conscience que la Kafala n’est pas le seul problème de leur culture, que la place des femmes en général est à redéfinir, de même que celle des homosexuels.

Jean-François Chabas signe un titre sensible et percutant, qui interroge sur le pouvoir des hommes dans les sociétés patriarcales, sur la place des femmes et le rôle qu’elles ont à jouer dans leur émancipation, en commençant peut-être par regarder les autres femmes comme leurs égales. Ma petit bonne est un récit essentiel qui met le doigt sur des problèmes de société actuels et une étude ethnologique intéressante sur les sociétés moyen-orientales aux prises avec leur désir de modernité écrasé par le poids des traditions.

L’avis de Lucie est à lire ICI.

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1993, Beyrouth – Nada, 17 ans, ne voit rien à redire à ce que sa famille « achète » une nouvelle domestique : Ife, une jeune Ethiopienne au visage tatoué et à la docilité têtue. D’abord indifférente et complice des méthodes archaïques, des propos racistes et de la violence de sa grand-mère, Nada va progressivement remettre en question son rapport à leur « petite bonne ». Les tensions et évolutions qui traversent la famille de Nada sont à l’image de celles qui fracturent les sociétés moyen-orientales tiraillées entre tradition et modernité.

masse critique·roman ado

Oscar Goupil – A London Mystery (2022)

Auteure : Camille Guénot

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Médium

Pages : 240

Oscar Goupil a treize ans, des parents fantasques et une vie plutôt solitaire. Alors que les vacances de Noël débutent, ses parents s’absentent sans la prévenir, ne lui laissant que quelques instructions concernant son planning griffonnées sur un bout de papier. Il est envoyé chez Léonie, une vieille grand-tante installée à Londres qui le loge dans une ancienne chambre de bonne, située au sous-sol de sa demeure, et l’envoie travailler à la National Gallery. Sur place, l’adolescent ordinaire, découvre des choses qui le sont bien moins et il se retrouve bientôt au cœur d’une enquête visant à retrouver des artistes contemporains mystérieusement disparus.

Enquête policière, récit initiatique, aventure fantastique, A London Mystery est un mélange de tout ça à la fois. Avec ses personnages fantasques, exubérants, caractériels ou plus discrets, ce premier roman de Camille Guénot est une véritable bouffée d’oxygène en cette fin d’année, une aventure passionnante au cœur même de l’art et un voyage à travers les époques.

Le texte amène une réflexion très intéressant sur l’art en général mais plus particulièrement sur l’accueil et l’interprétation d’une œuvre, et de son artiste, selon l’époque à laquelle ils appartiennent. L’auteure s’inspire d’artistes réels pour créer ses personnages et les intègre à son histoire avec brio, faisant d’eux des esprits aussi libres que leurs œuvres. C’est assez fascinant mais surtout cela vient mettre du peps et de l’humour au récit.

J’ai aussi apprécié l’imprégnation anglaise de l’histoire avec des personnages secondaires qui se comportent de façon très guindé, entre style classieux et obsolète. Le jeune Danny avec sa joie de vivre et ses origines plus que modestes semble tout droit sorti d’un roman de Dickens. Quant à Oscar, c’est typiquement le genre de héro auquel on s’attache et qu’on prend plaisir à voir évoluer. Par ailleurs, l’auteure s’amuse à glisser des références à la littérature anglaise renforçant l’impression, que l’on pouvait ressentir dès l’exergue, pour sa passion pour les livres.

Oscar Goupil – A London Mystery est un roman pour les amoureux des livres et les amateurs d’art, des formes artistiques dont Camille Guénot semble encenser la diversité des genres tout en soulignant les débordements. A méditer…

Je vous invite à vous rendre sur l’Île aux Trésors pour y lire l’avis d’Isabelle.

Je remercie Babelio et les éditions l’école des loisirs pour la lecture de ce titre dans la cadre de Masse Critique.

Chers lecteurs, Si vous aimez le confort douillet de votre quotidien, si vous exécrez le mystère et la magie, reposez ce livre et passez votre chemin. Car ce qui vous attend entre ces pages n’est pas pour les âmes sensibles. Je vous le tout dis tout net : je suis un garçon ordinaire à qui des choses extraordinaires vont arriver. Tout commence par la lettre que mes parents m’ont laissé, m’obligeant à passer les vacances de Noël à Londres, chez mes grand-tante Léonie. Et je vous assure que, vu sa réputation, c’est loin d’être un cadeau. Mais attention, le train part… Vous me suivez ?

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Les lettres du Père Noël

Letters from Father Christmas

Auteur : J. R. R. Tolkien

Traducteurs : Gérard-Georges Lemaire & Céline Leroy

Editeur : Christian Bourgois

Pages : 208

J’ai découvert les Lettres du Père Noël de Tolkien il y a quelques années, réunies dans un format poche. Séduite par l’histoire qui se dessine sur une trentaine de lettres et plus de vingt années, le format ne m’avait pas convaincu. Aussi la réédition en grand format par les éditions Christian Bourgois m’a sautée dans les mains alors que j’arpentais les allées d’une librairie.

Avec son grand format, sa couverture rigide, sa tranche tissée et son signet en tissu, ce recueil se classe dans la catégorie des beaux livres, faits pour durer. Et cela tombe bien car c’est typiquement le genre d’ouvrage qu’on prend plaisir à relire durant l’Avent d’une année sur l’autre, comme une histoire fractionnée qu’on prendrait plaisir à (re)découvrir chaque jour jusqu’à l’arrivée de Noël.

Si les premières lettres adressées à l’aîné de la fratrie Tolkien ne font que quelques lignes, certaines atteignent les quatre ou cinq pages d’écriture dans lesquelles le Père Noël raconte ses aventures au Pôle Nord avec son assistant Ours Polaire, et plus tard l’elfe Ilbereth. Si certaines années il ne se passe rien d’extraordinaire d’autres, la maison s’est écroulée et il a fallu déménagé et d’autres sont marquées par des guerres avec les gobelins des cavernes. Le tout rythmé par les bêtises d’Ours Polaire.

Christopher, troisième né de la fratrie, est probablement celui qui est le plus enthousiaste de cette correspondance et il écrit au Père Noël avec une rigueur que seule la force des choses restreindra. C’est d’ailleurs à ce fils que nous devons ce livre car il a pris soin de conserver les lettres et les illustrations qui les accompagnaient. La richesse de cet ouvrage tient d’ailleurs dans le fait que les lettres, enveloppes et illustrations de la main de J.R.R. Tolkien servent d’illustrations et laissent une emprunte de ce travail d’écriture qui consistait plutôt en un rituel de Noël pour sa famille.

Si l’édition française joue sur la différence de police d’écriture pour différencier la main de chaque personnage ayant contribué à l’écriture, les lettres d’origines nous montrent la créativité de l’auteur pour qui, écrire ces lettres devait représenter un travail énorme, car il écrivait de façon différente pour chaque personnage. L’écriture tremblotante du Père Noël me semble particulièrement difficile à maitriser, même si j’imagine qu’au fil des ans elle fut plus aisée à réaliser.

Plus qu’un récit d’aventures, Les Lettres du Père Noël, sont une immersion dans l’intimité de la famille Tolkien. Une correspondance étalée sur plusieurs années qui voit naître et grandir les enfants, qui nous raconte les petits rituels de Noël avec notamment le bas de laine que les enfants ne sont autorisés à suspendre qu’un temps, et qui nous rappelle combien l’auteur était créatif.

Chaque mois de décembre, une enveloppe portant un timbre du pôle Nord parvenait aux enfants de J.R.R. Tolkien. A l’intérieur se trouvaient une lettre rédigée dans une étrange écriture arachnéenne ainsi qu’un magnifique dessin en couleur. Ces lettres venaient du Père Noël et racontaient de merveilleuses histoires sur la vie au pôle Nord. La fois où tous les rennes se sont échappés et ont disséminé les cadeaux un peu partout ; La fois où l’ours polaire, sujet aux mésaventures, a grimpé au sommet du pôle Nord et est passé par le toit de la maison du Père Noël pour tomber dans la salle à manger ; et toutes les fois où des guerres ont éclaté contre la horde de gobelins qui vivent dans les grottes sous la maison !

De la première lettre adressée au fils aîné de Tolkien en 1920 à la dernière lettre poignante adressée à sa fille en 1943, cette nouvelle édition propose plusieurs éléments inédits tout en faisant la part belle aux reproductions charmantes des lettres, illustrations et enveloppes décorées. Une formidable célébration pour les lecteurs de tous âges.

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Escadrille 80 (1986/2017)

Going Solo

Auteur : Roald Dahl

Illustrateur : Quentin Blake

Traducteurs : Janine Hérisson & Henri Robillot

Editeur : Folio

Collection : Junior

Pages : 272

Après les souvenirs d’enfance relatés dans Moi, Boy, Roald Dahl signe une deuxième récit autobiographique qui nous entraîne dans sa vie de jeune adulte. Il n’a qu’une petite vingtaine d’année lorsqu’il est envoyé en Tanzanie par la compagnie pétrolière qui l’emploie. Quelques temps plus tard, la Seconde Guerre Mondiale est déclarée…

Alors qu’il entre dans la vie active, le tout jeune homme est animé d’un fort désir de voyager à travers le monde, d’aller à la découverte de pays dont il ne connait rien, là où la faune et la flore sont un dépaysement rien que par le nom qu’elles portent, là où il fait chaud et où chaque regard est un émerveillement. L’Afrique représente tout cela à la fois pour le jeune Roald Dahl qui vient chercher l’aventure et l’exotisme.

Avec sa verve habituelle, il nous raconte la beauté des paysages et relate des souvenirs marquants qui ont pimenté son quotidien. Si l’Afrique se révèle pleine de merveilles, Dahl est confronté à plusieurs reprises à sa phobie des serpents. Mais ce n’est pas sans malice qu’il nous raconte comment il a sauvé la vie de son jardinier alors qu’un mamba noir l’approchait par derrière, ou comment le chien de ses voisins fut retrouvé mort alors qu’on tentait de faire sortir un mamba vert de leur maison. Les dangers sont nombreux mais l’auteur réussit toujours à nous faire sourire, voir rire, même dans des situations qui semblent désespérés.

Ces premiers chapitres sont aussi l’occasion de découvrir l’emprunte de l’homme blanc sur le peuple africain. La colonisation est passée par là, et avec elle la soumission d’un peuple privé de sa culture et de son identité. Si l’on perçoit de la bienveillance et une forme de respect dans les relations de Roald Dahl avec son boy ou encore son jardinier, on ne peut que constater que les anglais ont des postes à responsabilités alors que les africains ont des emplois subalternes qui les placent sous la domination de l’homme blanc. Les échanges de l’auteur avec son employé permettent également de mettre en avant la différence culturelle et de valeurs source d’incompréhensions.

Lorsque la guerre est déclarée, le récit se recentre sur Roald Dahl et son enrôlement dans la Royal Air Force, et sur le conflit qui oppose l’Angleterre au reste de l’Europe. Après une formation éclaire, le jeune homme rejoint l’escadrille 80 auquel il est affecté ; les informations erronées du positionnement de son campement sont à l’origine du terrible accident au cours duquel il subit de très graves blessures qui le clouent au lit pendant de longs mois. Après quoi il repart au front, prêt à affronter les nazis et leurs alliés, prêt à défendre la Grèce, le Moyen-Orient et le canal de Suez.

La poésie du texte renvoie à la beauté des paysages qui, vus du ciel, prennent encore un aspect différent. De la haut, il raconte la sensation de liberté, la solitude et l’oubli momentané des conflits. Bien vite rattrapé par les avions ennemis, le soldat n’oublie pas la fragilité de l’existence, la chance d’être en vie et la peur omniprésente de se faire tuer. Il n’oublie pas non plus sa mère, dont les nouvelles se font de plus en plus rares, son désir de la revoir, la prochaine lettre qu’il lui écrira… Roald Dahl semble porté par les anges, confronté à la mort, il revient toujours, il survit et ne peut que s’étonner de sa chance quand la RAF ne se compose que d’une quinzaine d’avions alors que la Luftwaffe en aligne des milliers bien plus performants et mieux équipés.

Le récit nous raconte aussi ces hommes extraordinaires, morts bien trop jeunes, pour des idéaux auxquels ils croyaient réellement, mais souvent à cause de décisions prises par des bureaucrates trop éloignés de la réalité des combats pour en comprendre la portée. Il nous raconte aussi la guerre comme on ne nous l’apprend pas dans les livres d’Histoire : l’implication de la France de Vichy dans la campagne de Syrie, l’envoi de milliers de femmes italiennes aux soldats de Mussolini pour trompés leur ennui, le manque d’informations communiquées aux soldats britanniques loin de chez eux – Roald Dahl découvrira bien tardivement la capture et l’extermination des juifs par les nazis…

Escadrille 80 est un véritable exercice de mémoire, un témoignage de la Seconde Guerre Mondiale raconté par un soldat britannique, un aviateur de la RAF localisé en Afrique orientale, au Moyen-Orient et en Europe du sud. Enrichi de lettres à sa mère, de photographies prises par l’auteur et de pages de son carnet de vol, Escadrille 80 n’en est pas moins une aventure digne d’une aventure de Roald Dahl, remplie de malice et d’ironie, une aventure qui a la particularité de n’avoir rien de fictif.


Pour découvrir un autre pan de la vie de Roald Dahl, on pourra regarder le téléfilm To Olivia qui revient sur la relation de l’auteur avec son épouse, Patricia Neal, au moment de la perte de leur fille ainée suite à des complications liées à la rougeole. Si le film n’a rien d’exceptionnel, il permet de comprendre comment l’écriture a permis à Dahl de faire son deuil.


Pour découvrir d’autres faits majeurs des combats opposants l’armée britannique aux allemands en Afrique du Nord durant la Seconde Guerre Mondiale, je recommande la série SAS : Rogue Heroes qui revient sur la mise en place de la formation des Special Air Services menés par l’officier David Stirling.

L’aventure mène le jeune Roald Dahl de Londres jusqu’en Afrique orientale. Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, il devient pilote de la RAF. Sillonner les airs à bord d’un Tiger Moth, croiser de mortels mambas verts ou des lions affamés, s’écraser en avion avant de devenir écrivain… Après Moi, Boy, le récit d’un destin haletant, passionnant, et vrai du début à la fin !

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D’après Tristan & Isolde (2022)

Auteure : Christine Féret-Fleury

Editeur : Gulf Stream

Collection : Prélude

Pages : 128

Histoire d’amour contrariée, D’après Tristan & Isolde transpose cette romance universelle au début du vingtième siècle. Alors qu’elle vient de perdre son frère dans la guerre d’indépendance irlandaise, Isolde soigne un jeune soldat anglais, sauvant ainsi la vie de celui qui lui a pris son ainé. Promise à un anglais, elle quitte bientôt sa famille à qui le mariage assure sécurité et stabilité et, est accueillie par le cousin de son promis, Tristan, qui n’est autre que le soldat anglais. Bientôt les deux jeunes gens s’avouent leurs sentiments, tentant de les faire vivre dans l’ombre d’un mari, d’un oncle trahi.

La force de cette tragique histoire d’amour tient à la profondeur des sentiments qu’éprouvent les deux amoureux. Avoir fait le choix de placer le récit à une époque plus contemporaine accroit l’intemporalité de l’interdit et permet de mettre en avant le fait que les mariages forcés existaient encore il y a peu en Europe et existent encore dans certains pays. Mais c’est aussi un questionnement sur les droits des femmes qui se met en place au travers d’Isolde et de sa cousine Brangaine. Chacune est soumise à des choix qui va bien au-delà de leur liberté.

Christine Féret-Fleury s’approprie l’univers romantique et tragique de l’œuvre de Wagner, elle-même inspirée d’un poème médiéval. L’amour et surtout le tragique de cette romance, qui s’achève douloureusement, m’ont vraiment touchée. J’ai cependant regretté ne pas retrouver la poésie et le lyrisme qu’avait si bien su transmettre Fabien Clavel dans sa réécriture de La Traviata.

D’après Tristan & Isolde est une jolie réécriture qui touchera les adolescents et leur fera (re)découvrir un classique littéraire en les sensibilisants à l’œuvre lyrique. Il sera par ailleurs aisé d’écouter la pièce en fond de lecture, l’auteure précisant en entrée de chaque chapitre à quelle partie de l’opéra se référait. L’universalité du thème et le questionnement féministe sont par ailleurs des éléments essentiels qui encre ce roman dans notre époque.

Je remercie chaleureusement les éditions Gulf Stream pour l’envoi de ce titre et pour leur confiance renouvelée.

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Alors qu’elle pleure la perte de son frère, fauché par la guerre opposant l’Irlande à l’Angleterre, Isolde se prend de pitié pour Tristan, un soldat britannique agonisant.
Elle le sauve d’une mort certaine… avant de découvrir qu’il n’est autre que le meurtrier de son frère.
Perturbée par des sentiments naissants et rongée par le remords, elle accepte un mariage arrangé avec un noble anglais pour sauver sa famille de la misère. Isolde rejoint sa nouvelle demeure et est accueillie par le neveu de son époux… Tristan !
Tiraillée entre devoir et passion, la jeune fille doit faire un choix.