roman graphique

Yuan, journal d’une adoption (2019)

Auteure : Marie Jaffredo

Editeur : Vents d’Ouest

Pages : 128

Après la lecture du Printemps de Sakura, j’avais très envie de découvrir d’autres BD de Marie Jaffredo. Yuan, Journal d’une adoption est un récit intime que l’auteure nous livre sur son expérience de l’adoption avec tout ce que cela implique d’émotions, d’interrogations et d’obligations. Véritable parcours du combattant, le chemin les conduit à Nanchang, préfecture de la province de Jiangxi en Chine durant l’hiver 1996, à la rencontre de leur fille, Yuan.

Une rencontre qui ne se passe pas forcément comme ils l’avaient espéré, les réponses à leurs questions restant évasives et formelles. Jetés dans le grand bain de la parentalité de façon assez brutale, Marie et son époux semblent pourtant trouver un rythme avec cette enfant qui semble aussi perdue qu’eux. Rapidement, les habitudes s’installent et un lien se crée entre eux et leur fille rebaptisée Margaux.

En marge de l’adoption, c’est tout une culture qu’ils découvrent, une façon de vivre complètement différente de celle qu’ils connaissent. Entre deux rendez-vous administratifs sous tensions, ils font du tourisme « forcé », une façon de découvrir le pays de leur enfant et son histoire dont certains événements doivent être oubliés, comme les manifestations de la place Tien’anmen.

Yuan, Journal d’une adoption est comme son nom l’indique un journal qui propose de suivre une famille dans son cheminement vers l’adoption avec ses difficultés, ses craintes mais aussi ses joies et petits bonheurs qui font que l’aventure est belle. L’auteure y livre un témoignage sincère et sans filtre, emprunt d’un panel d’émotions.

Janvier 1996, Marie et Armand reçoivent un courrier qui va bouleverser leur vie ! Yuan Yang, petite fille de 6 mois vient en effet de leur être « attribuée » par les autorités chinoises. Cette nouvelle, après des années d’essais infructueux pour avoir un enfant, est l’aboutissement d’un vrai parcours du combattant : procédures administratives, enquête sociale, de police, de bonnes mœurs, profil psychologique…
Une fois leur dossier d’adoption accepté et après de longs mois d’attente, le couple est enfin autorisé à partir à la rencontre de ce bébé tant espéré dans son pays d’origine.
En même temps que leur fille, ils découvrent alors une culture et pays multimillénaire qui commence à peine à s’ouvrir au monde.

BD/manga·masse critique

Les ambassadeurs – La révélation (2023)

Auteur : Benoît Broyart

Illustrateur : Laurent Richard

Editeur : Jungle

Pages : 121

Malika est une lectrice solitaire ; Hugo et Valentine sont jumeaux et subissent un père alcoolique, chasseur de surcroit ; Tom est l’aîné d’une famille recomposée, il aime la nature et passe beaucoup de temps dans la cabane qu’il s’est construit ; Alex est enfant de professeurs, transgenre iel cherche à définir son identité. Après un nuit d’orage, ils se réveillent transformés, leur visage étant devenu animal. Les animaux de la forêt, avec qui ils peuvent désormais communiquer, en font leurs ambassadeurs afin que les hommes prennent conscience de leur impact sur la nature et corrigent le tir avant qu’il ne soit trop tard.

Fable écologique, l’histoire prend place dans une bourgade bretonne où la nature est omniprésente entre mer et forêt. Mais comme partout ailleurs, l’homme prend de plus en plus de place, élargissant son emprise sur le terrain cherchant à améliorer son quotidien au détriment de la vie des animaux dont l’espace est de plus en plus restreint. J’ai aimé la façon dont Benoît Broyart introduit ses personnages et leur environnement tant familial que géographique. Cela permet aussi de voir qu’ils sont concernés par le monde dans lequel ils vivent, soucieux de leur environnement et de l’avenir de la planète.

Pourtant, leur transformation survient sans vraiment d’explication ni la moindre manifestation visuelle qui permettrait de comprendre ce qui a bien pu leur arriver. Ils se réveillent comme ça tout simplement… A partir de là, les choses s’enchainent à toute allure sans vraiment nous laisser le temps d’assimiler les choses ni tout simplement nous les expliquer. C’est assez décevant car le sujet est vraiment intéressant et l’idée d’ambassadeurs particulièrement pertinente. On sent que l’auteur a un message à faire passer mais il ne prend tout simplement pas le temps de le faire.

Visuellement, j’ai d’emblée accroché aux personnages, et la nature environnante et les animaux m’ont définitivement séduite. Le traitement des couleurs est réussi avec une palette naturelle de bleu, vert et marron. Le trait de Laurent Richard est agréable, et réussit à donner vie à cet univers fantastique/écologique avec réalisme.

Je réalise que j’aurais vraiment aimé être plus réceptive à ce titre qui avait tout pour me plaire, d’autant plus que ma fille a adoré et espère vivement une suite. Ca aurait été chouette de partager ça avec elle. Je remercie chaleureusement les éditions Jungle ! et Babelio pour l’envoi de ce titre dans le cadre de Masse critique privilège.

Quelque part en Bretagne, le quotidien de Malika, Valentine, Hugo, Tom et Alex est bouleversé un matin, peu après le passage d’une tempête. Ils vont subir une transformation physique étrange et pour eux, la vie ne sera plus jamais comme avant… Une mission de taille leur a été confiée, ils seront désormais les ambassadeurs de la nature. Quelles seront les réactions de leur entourage ? Réussiront-ils à faire évoluer les mentalités ?

manga

Le secrets des écailles bleues (2013/2022)

Aoi uroko to suna no machi (2013), Le secret des écailles bleues, 2 volumes, de Yoko Komori, Delcourt/Tonkam, collection Moonlight, 2022.

Tokiko et son père quittent la grande ville de Tokyo pour venir s’installer chez la grand-mère maternelle de la jeune fille dans un village en bord de mer. Rapidement, on s’aperçoit que Tokiko a un lien particulier avec la mer, un lien noué quelques années plus tôt alors qu’elle a failli se noyer. Elle ne garde que de vagues souvenirs de son sauvetage qui lui revient régulièrement en rêve : une queue de poisson, des écailles bleues… Est-ce que les sirènes existent ? Tout en cherchant des réponses, la fillette commence une nouvelle vie et fait peu à peu sa place dans sa nouvelle école auprès de nouveaux amis dont ce garçon secret au visage familier…

Série en deux tomes, Le secret des écailles bleues m’a attirée par la douceur qui se dégage des couvertures. Je n’avais pas spécialement prévu de la lire, c’était avant tout pour mes filles, mais elles me l’ont tellement recommandé que je me suis laissée tenter et grand bien m’en a pris car j’ai tout simplement adoré. L’histoire est bien plus profonde qu’un questionnement sur l’existence des sirènes et nous entraîne au cœur d’un secret que se partagent tous les adultes du village, un secret qui revient sur les origines du village tel qu’il existe aujourd’hui et sur la disparition plus récente d’un jeune homme.

L’arrivée de Tokiko n’est pas anodine et vient justement interroger ce secret dont l’histoire semble étroitement liée à la sienne. En parallèle, l’auteure amène une réflexion sur le sentiment d’abandon et de perte d’un être cher en soulevant un questionnement sur l’importance de connaître les détails pour faire son deuil et pouvoir avancer vers l’avenir en acceptant le passé.

Portée par des illustrations emplies de douceur, la série nous entraîne dans un récit qui oscille entre réalité et imaginaire, le tout créant une ambiance poétique mystérieuse et chaleureuse. On y découvre aussi la vie des pêcheurs japonais, leurs croyances et la façon plus simple de vivre quand on n’est pas pris dans le rythme de la ville.

Tachan a lu cette série également, voici son avis.

À l’approche de la rentrée scolaire, Tokiko et son père emménagent dans une petite ville côtière. En écoutant le bruit des vagues, la jeune fille sent remonter en elle le souvenir confus du jour où une sirène l’a sauvée de la noyade…

BD/manga·Première lecture

Sous les arbres – 4 tomes (2019 à 2022)

Dans L’automne de Monsieur Grumpf, nous faisons la rencontre de toute une communauté vivant au cœur de la forêt. Les feuilles jaunies tapissent le sol et Monsieur Grumpf aimerait pouvoir en dégager sa porte, mais il y a toujours quelqu’un pour le déranger : Monsieur écureuil tente désespérément de finir ses réserves de nourriture, partagé entre la collecte de glands et ses jumeaux turbulents ; Monsieur Hérisson prendrait bien un dernier petit vers… avant d’aller profiter de l’hiver sous sa couette.

C’est avec beaucoup de plaisir que je découvre cet automne Sous les Arbres en compagnie du bougon et bien silencieux blaireau de la forêt. Sous ses airs revêches et ses GRUMPF se cache un cœur généreux, une âme sensible… Ses voisins le savent et le lui rendent bien. C’est un très beau premier tome qui montre que la générosité est toujours récompensée, soigné dans un écrin aux chaudes couleurs automnales.

Dans Le frisson de l’hiver, le lecteur découvre un renard maladroit qui subit le froid de l’hiver, torturé par une écharpe trop longue qui lui joue de mauvais tours. Les chutes s’accumulent quand ce n’est pas la neige qui tombe littéralement sur la tête du pauvre animal. Timide, le pauvre renard aimerait inviter la jolie renarde à sortir mais leurs rencontres tournent court tant la coquine ne peut s’empêcher de rire des malheurs du goupil.

Comme son titre l’indique, ce deuxième tome prend place en hiver où l’on retrouve les animaux de la forêt dans un paysage neigeux. Alors que certains sont passés en hibernation, d’autres continuent de vivre en tentant de s’accoutumer à la saison morte. La répétition des événements crée un comique de situation ponctué de romance, le tout orchestré par une écharpe récalcitrante. On y retrouve les valeurs d’entraide et de solidarité, accompagnées ici du courage.

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Dans Un chouette été, l’histoire débute en haut d’un arbre où vit un hibou, qui n’est pas sans rappeler le Maître Hibou des Aventures de Winnie L’ourson. Confortablement installé sur son fauteuil douillet, il aimerait pouvoir lire mais ce n’est pas gagné. Au pied de son arbre, se trouve une mare dans laquelle les enfants de la forêt viennent se rafraichir et jouer au ballon, poussant des cris d’exaltation et de joie. En fond sonore, les grognements du voisin crapaud…

Un troisième volume sous le soleil d’été qui apporte un peu de chaleur dans la forêt et dans les cœurs. L’histoire met en avant la complicité et la force des liens intergénérationnels en nous rappelant qu’il ne suffit bien souvent que d’un pas vers l’autre pour changer les choses et se rapprocher. Les illustrations sont pleines de douceur et font ressortir la luminosité estivale contrastée par la fraîcheur bienvenue qu’apporte la nuit.

Dans Le premier printemps de nouveaux personnages nous sont présentés : un sanglier et son petit dont il apparaît immédiatement que c’est le premier printemps. Un peu maladroit, père et fils quitte la douceur du foyer pour aller cueillir des fleurs pour maman. Mais le marcassin semble allergique et éternue énormément. Bientôt il fait montre d’un caractère assez fort pour faire entendre à son papa désemparé qu’il préfère rester jouer dans le salon. Lorsque le papa s’enrhume et se met à éternuer, la relation père-fils prend un tournant qui les entraîne hors les murs.

Ce quatrième et dernier volume est très certainement celui qui m’a le plus touchée. Avec beaucoup de pudeur, l’auteur aborde le deuil et la difficulté d’élever seul un enfant. Un sentiment d’autant plus fort face aux difficultés auxquels un bébé peut confronter son parent. L’humour reste présent et on sent la force des liens qui unissent ces deux êtres qui n’ont qu’eux pour avancer.

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Sous les Arbres est une très jolie série de bandes dessinées, idéale pour initier les petits lecteurs à ce format de par sa taille proche de l’album et un récit qui se suffit de peu de mots. Avec ses personnages touchants et les valeurs véhiculées, l’ensemble forme une aventure pleine de tendresse qui s’égraine au fil des saisons avec humour. Les illustrations sont pleine de poésie, le trait est réaliste, mais en même temps tellement inspiré par l’univers de l’animation, et nous raconte l’histoire de cette communauté animalière solidaire. A lire sans modération !

roman graphique

Le Bal des Folles – Bd (2021)

Auteure : Victoria Mas

Adaptation de : Véro Cazot

Illustratrice : Arianna Melone

Editeur : Albin Michel

Pages : 136

Eugénie Cléry se fait interner sur ordres de son père à l’hôpital de la Salpêtrière, dénoncée par une grand-mère qui a révélé que la jeune fille communiquait avec les esprits. Dirigé par le Docteur Charcot, l’hôpital tient plutôt lieu d’asile dans lequel on envoie les femmes jugées encombrantes ou dérangeantes. Parfaitement saines d’esprit à leur arrivée, il est assez rare qu’elles en ressortent en bonne santé… Quand elles en ressortent.

Je n’ai pas lu le roman de Victoria Mas, mais j’en ai vu l’adaptation cinématographique de Mélanie Laurent. L’histoire est particulièrement intéressante et suffisamment révoltante pour toucher un public un tant soit peu intéressé aux droits des femmes. Elle met en lumière la condition précaire des femmes soumises aux règles imposées par les hommes dans une société exclusivement pensée par et pour eux. L’auteure y dénonce le machisme et le patriarcat qui ont tôt fait de condamner une femme devenue encombrante.

Sous couvert de la folie, ces dernières se confrontent aux autorités (in)compétentes dont elles deviennent esclaves, sujets d’études et d’expérimentation quand elles ne servent pas leur plus bas instincts. On découvre ainsi que ce Bal des Folles permet à la classe la plus aisée de s’acoquinait avec ces aliénées, s’amusant un peu plus à leurs dépens. Tout simplement scandaleux !

Je ne pourrais comparer réellement l’adaptation qui m’a cependant semblée assez fidèle à ce que j’en ai vu, quoi que peut-être traitée assez rapidement sur certains aspects. Probablement un parti pris que de dénoncer plus que de s’attarder sur des situations scandaleuses, mais le message est suffisamment fort pour dénoncer et révéler des faits qui ont de quoi glacer le sang. Je n’ai pas été séduites par les visages des personnages mais j’ai aimé l’ensemble des illustrations à l’aquarelle qui retransmettent avec pudeur les mots de l’auteure.

Cette adaptation du Bal des Folles me semble être une belle entrée en matière avant de se lancer dans la lecture du roman.

« Vous savez que je ne suis pas folle ! Je ne souffre de rien. Vous redoutez juste ce que vous ne comprenez pas ! »
Véro Cazot et Arianna Melone s’emparent du best-seller de Victoria Mas et nous dévoilent, dans les pas d’Eugénie, une société de femmes prisonnières des hommes… Un monde où la folie, les ombres et l’humanité n’apparaissent pas toujours là où on les attendait.

roman graphique

Furieuse (2022)

Auteur : Geoffroy Monde

Illustrateur : Mathieu Burniat

Editeur : Dargaud

Pages : 229

Pépites du Salon de Montreuil – BD/Manga 2022

Vieil ivrogne avachi sur son trône, le Roi Arthur n’est plus que l’ombre du héros qu’il fut lorsqu’il repoussa les terribles créatures descendues des enfers pour répandre la terreur sur Terre. L’épée forgée par Merlin s’ennuie et voit bientôt une porte de sortie se profiler à l’horizon lorsque le vieux et répugnant Baron de Cumbre vient réclamer la main de la Princesse Ysabelle. Cette dernière entend bien choisir sa destinée et prend la poudre d’escampette, aidée de l’épée dont la volonté propre n’a besoin que d’une main pour reprendre du service. Ysa découvre bientôt que le monde n’est que misère et déchéance, d’autant plus si l’on est une femme…

Mythe arthurien, heroic fantasy, aventure féministe, Furieuse est un peu tout ça à la fois. Avec ses 229 pages, ce roman graphique revisite le genre en plaçant le pouvoir entre les mains d’une jeune femme, qui refuse le destin qu’on a choisit pour elle. Les codes sont ici détournés avec talent et beaucoup d’humour par Geoffroy Monde et Mathieu Burniat qui signent un titre engagé en faveur des femmes, prisonnières de leur condition dans un monde pensé par et pour les hommes.

Surprenant, Furieuse est une pépite de la BD comme on en croise rarement avec son style unique, les dessins et le récit semblant se promener d’un registre à un autre en s’inspirant, ça et là, du meilleur et du pire pour notre plus grand plaisir. Divertissant, le récit ne manque pas d’interroger sur le pouvoir et son utilisation au travers d’une arme qui n’est pas sans rappeler l’anneau unique du Seigneur des Anneaux.

Merci Isabelle pour la découverte. Son avis est par ICI.

Le roi Arthur, celui de la légende ? Un vieil ivrogne décrépit qui passe ses journées vautré sur son trône. Sa gloire désormais bien lointaine, il la doit à l’épée magique que Merlin lui a forgée pour terrasser les hordes de démons venues envahir le royaume de Pendragon.

Devenue témoin de sa déchéance, l’arme enchantée s’ennuie ferme tandis que la princesse Ysabelle fulmine car son débris de père l’a promise en mariage à l’ignoble petit baron de Cumbre. Toutes deux bien décidées à se trouver un meilleur destin, Ysa et l’épée s’allient pour fuir le château et partir à la recherche de Merlin et de Maxine, la grande soeur disparue.

Mais le vaste monde peut se montrer bien cruel pour une princesse qui n’a connu que la vie de palais. Et les intentions de l’épée sont peut-être moins nobles qu’il n’y paraît…

roman graphique

Le printemps de Sakura (2022)

Auteure/Illustratrice : Marie Jaffredo

Editeur : Vents d’Ouest

Pages : 108

Sakura vit à Tokyo avec son papa depuis la mort de sa mère trois ans plus tôt, des suites d’un dramatique accident de vélo. Français, Guillaume, tente de gérer au mieux l’éducation de sa fille, le rôle du père et de la mère tout en étant très pris par son travail. Alors qu’un déplacement en Inde s’impose à lui, il organise la garde de Sakura chez Obaa, sa grand-mère maternelle. D’abord un peu frileuse à l’idée d’aller chez cette parente qu’elle ne connaît pas, Sakura découvre une nouvelle façon de vivre et une porte ouverte sur les souvenirs d’une mère qu’elle n’a pas vraiment connu.

Le printemps de Sakura nous invite à un voyage dans la campagne japonaise au cœur même d’une vie chargée de valeurs traditionnelles avec ce que cela implique de croyances et de folklores. La fillette, privée de sa mère japonaise, revient aux sources de ses origines pour y découvrir un mode de vie au rythme de la nature. Auprès de son aïeule, elle redécouvre également cette mère partie trop tôt et dont son père ne lui parle jamais. Cette plongée dans l’autre moitié de ses origines culturelles lui permet de se redécouvrir également et de faire son deuil en appréhendant la mort sous un angle différent.

Calme et apaisante, l’ambiance générale du récit est presque contemplative. La narration appelle à l’éveil des sens entre les moments passés dans le jardin les mains dans la terre, dans la forêt à caresser la mousse ou au bord de la mer, le nez au vent ou encore le plaisir de marcher dans la nature avec pour seuls bruits le chant des oiseaux ou l’eau du torrent qui s’écoule. On appréciera aussi le temps passé en cuisine durant lesquels Obaa-san apprend à choisir ses ingrédients et à les cuisiner pour en faire ressortir toutes les saveurs. On en ressort avec une impression de bien être et une envie de voyager !

Sakura, 8 ans vit à Tokyo. Depuis le décès accidentel de sa maman quelques années auparavant, la fillette n’arrive pas à surmonter son chagrin. Obligé de s’absenter quelques semaines pour raisons professionnelles, son papa, français d’origine, décide de la confier à sa grand-mère japonaise. Mais les premiers moments avec cette aïeule vivant de façon traditionnelle au rythme de la nature, plongent l’enfant dans un désarroi encore plus grand ! Pourtant, contre toute attente, ce séjour va profondément transformer Sakura… Le temps d’un printemps auprès de Masumi, aussi douce que joyeuse, la fillette découvrira en elle des ressources insoupçonnées, lui permettant de dépasser le drame, et de s’ouvrir de nouveau à la vie. Cette résurrection passera par l’éveil de ses sens et la découverte de plaisirs simples : la pêche aux coquillages, la saveur des dorayakis, la sensation du sable chaud, le chant des roseaux, les senteurs du jardin, l’air de la mer, les rencontres avec les villageois ou encore la compagnie affectueuse d’un chat l’aideront à passer le cap de la résilience.

roman graphique

Béatrice (2020)

Auteur/Illustrateur : Joris Mertens

Editeur : Rue de Sèvres

Pages : 112

Dans la foule matinale qui se presse vers la gare, un manteau rouge attire le regard. C’est Béatrice, jeune vendeuse de gants dans une boutique des Galeries La Brouette. La sourire aux lèvres, elle semble affronter sa routine quotidienne un livre à la main, comme pour tromper l’ennui de sa solitude. Un sac rouge abandonné sur les quais attise sa curiosité. Jusqu’à ce que cette dernière soit la plus forte et que la jeune femme emporte l’objet subtilisé chez elle. Elle y découvre un album photos empli des souvenirs d’un jeune couple ayant vécu dans les années 30. Béatrice tente alors de rassembler les souvenirs de cette jeune femme qui lui ressemble et de celui qui fut son époux.

Album sans textes, Béatrice est une bande dessinée qui déroule son histoire à la manière d’un storyboard avec ses visuels pris sous différents angles qui permettent de nous faire entrer dans le récit en tant que spectateur et acteur. Les illustrations s’imposent pour nous raconter cette histoire qui s’inscrit dans le temps au travers d’une héroïne qui semble chercher la vie dans le souvenirs d’une autre existence. Parcourant les rues de Paris à la recherche de lieux disparus ou transformés par les années, Béatrice semble combler sa solitude en vivant la vie d’une autre, et alors qu’elle semble enfin avoir trouver le seul lieu encore existant, l’histoire bascule, mélangeant réalité et imaginaire, présent et passé.

Pour son premier titre, Joris Mertens frappe fort en livrant un récit qui joue uniquement sur le visuel pour transmettre les émotions fortes et justes de la solitude et du désir de vivre et d’aimer. Au travers de sa jeune héroïne, il raconte aussi l’enfermement et les risques de se couper du monde en vivant une vie qui ne nous appartient pas. L’alternance couleurs/noir et blanc permet de jouer sur le temps et la répétition d’une situation à travers les époques, le sac devenant le portail et gardien des souvenirs d’une vie passée. Béatrice séduit sur le fond et la forme, et encourage à découvrir les futurs titres de l’auteur.

Je remercie Blandine pour la découverte.

Béatrice prend chaque jour le train pour se rendre au travail. Dans la cohue de la gare, un sac à main rouge attire son attention. Jour après jour, à chaque passage dans la gare, il semble l’attendre. Succombant à sa curiosité dévorante, Béatrice, en emportant l’objet chez elle, ouvre les portes d’un monde nouveau…

roman graphique

De Cape et de Mots – BD (2022)

Adaptation : Flore Vesco & Kerascoët

Illustrations : Kerascoët

Editeur : Dargaud

Pages : 103

Il y a un peu plus de six ans, je découvrais Flore Vesco lors d’une lecture partagée, avec mon fils, de son premier roman De cape et de mots. Emportée par les mots et l’ambiance général du récit, je crois qu’aucun des romans de l’auteure ne m’a autant transportée depuis. C’est donc avec plaisir que j’ai redécouvert l’histoire de Serine dans cette adaptation en roman graphique.

Parfaitement réussie, l’adaptation a su conserver et préserver les scènes clés et les dialogues en les restituant avec toute la malice et la saveur des jeux de mots, charades, mots d’esprit et autres calembours dont l’auteure nous régale à chaque nouveau récit. Le duo Kerascoët a su donner vie à un univers et ses personnages avec toute la simplicité et l’humour que l’on pouvait attendre.

Surfant sur la vague des adaptations de romans jeunesses, il ne fait aucune doute que De cape et de mots séduira un public plus large de jeunes lecteurs moins attirés par les romans que la bande dessinée. Et si cela permet de faire découvrir Flore Vesco aux plus réfractaires, alors ce ne peut être que positif.

D’autres avis sur : L’île aux trésors et LivresdAvril.

Au palais, les demoiselles de compagnie se succèdent. Aucune d’elles n’est capable de satisfaire les caprices d’une reine tyrannique. Serine décide de tenter sa chance. Avec son goût des bons mots et ses facéties, la jeune fille va souffler une vent de folie sur le cour. Sans se douter qu’elle est en train de risquer sa vie.

BD/manga

La Bibliothèque des Vampires, tome 1

Auteur : David Boriau

Illustrateur : Man Luo

Editeur : Glénat

Collection : Tchô ! La collec…

Pages : 48

Alice intègre une école d’art et se lit d’amitié avec Azaléa, une jeune fille passionnée par le fantastique et les mystères. Si pour Alice cette première année est l’occasion de suivre les traces de sa grand-mère tout en vivant sa passion, les motivations de sa nouvelle amie sont différentes puisqu’elle semble s’être inscrite avant tout dans l’espoir de lever le voile sur le mystère qui entoure l’école. Pourtant, Alice n’hésite pas à suivre Azaléa dans ses recherches, fuyant la réalité d’une vie de famille difficile. Bientôt, les deux amies se voient révéler bien plus de secrets qu’elles ne l’avaient imaginer et sont invitées à partager du temps et faire connaissance avec Tio, le vampire.

Réinterprétation du mythe vampire, La Bibliothèque des Vampires amène un questionnement quant à leur façon de se nourir et la recherche de leur âme disparue. Le point de départ est particulièrement intéressant puisqu’il interroge le rapport entre l’artiste et son art, et notamment l’idée qu’une œuvre d’art réussie serait imprégnée de l’âme de son artiste. C’est vraiment pertinent et bien amené ! Le concept m’a vraiment séduite et, cumulé à cet univers très artistique, j’ai trouvé que cela donnait des bases solides au récit.

Cependant, j’ai regretté la vitesse à laquelle s’installe l’histoire. Trop rapide, les personnages n’ont pas le temps d’être vraiment développés et le récit se dévoile trop facilement, sans qu’il n’y ait de réelles investigations ou de surprises. J’aime par ailleurs beaucoup le style graphique, surtout la richesse des décors et l’expressivité des visages, et certaines planches sont vraiment de toute beauté… Mais, je crois qu’une dizaine de pages supplémentaire n’aurait pas été de trop pour étoffer un peu l’ensemble et le rendre encore plus intéressant. Je chipote… Je n’en reste pas moins intéressée par la suite, qui aura sans doute encore bien des choses à dévoiler.

Il y a un secret dans cette Bibliothèque unique, un secret que jamais personne avant eux, n’avait découvert ! Un secret qui révèle une destinée surprenante aux immortels de la nuit, aux vampires.