roman graphique

Le Bal des Folles – Bd (2021)

Auteure : Victoria Mas

Adaptation de : Véro Cazot

Illustratrice : Arianna Melone

Editeur : Albin Michel

Pages : 136

Eugénie Cléry se fait interner sur ordres de son père à l’hôpital de la Salpêtrière, dénoncée par une grand-mère qui a révélé que la jeune fille communiquait avec les esprits. Dirigé par le Docteur Charcot, l’hôpital tient plutôt lieu d’asile dans lequel on envoie les femmes jugées encombrantes ou dérangeantes. Parfaitement saines d’esprit à leur arrivée, il est assez rare qu’elles en ressortent en bonne santé… Quand elles en ressortent.

Je n’ai pas lu le roman de Victoria Mas, mais j’en ai vu l’adaptation cinématographique de Mélanie Laurent. L’histoire est particulièrement intéressante et suffisamment révoltante pour toucher un public un tant soit peu intéressé aux droits des femmes. Elle met en lumière la condition précaire des femmes soumises aux règles imposées par les hommes dans une société exclusivement pensée par et pour eux. L’auteure y dénonce le machisme et le patriarcat qui ont tôt fait de condamner une femme devenue encombrante.

Sous couvert de la folie, ces dernières se confrontent aux autorités (in)compétentes dont elles deviennent esclaves, sujets d’études et d’expérimentation quand elles ne servent pas leur plus bas instincts. On découvre ainsi que ce Bal des Folles permet à la classe la plus aisée de s’acoquinait avec ces aliénées, s’amusant un peu plus à leurs dépens. Tout simplement scandaleux !

Je ne pourrais comparer réellement l’adaptation qui m’a cependant semblée assez fidèle à ce que j’en ai vu, quoi que peut-être traitée assez rapidement sur certains aspects. Probablement un parti pris que de dénoncer plus que de s’attarder sur des situations scandaleuses, mais le message est suffisamment fort pour dénoncer et révéler des faits qui ont de quoi glacer le sang. Je n’ai pas été séduites par les visages des personnages mais j’ai aimé l’ensemble des illustrations à l’aquarelle qui retransmettent avec pudeur les mots de l’auteure.

Cette adaptation du Bal des Folles me semble être une belle entrée en matière avant de se lancer dans la lecture du roman.

« Vous savez que je ne suis pas folle ! Je ne souffre de rien. Vous redoutez juste ce que vous ne comprenez pas ! »
Véro Cazot et Arianna Melone s’emparent du best-seller de Victoria Mas et nous dévoilent, dans les pas d’Eugénie, une société de femmes prisonnières des hommes… Un monde où la folie, les ombres et l’humanité n’apparaissent pas toujours là où on les attendait.

roman graphique

Furieuse (2022)

Auteur : Geoffroy Monde

Illustrateur : Mathieu Burniat

Editeur : Dargaud

Pages : 229

Pépites du Salon de Montreuil – BD/Manga 2022

Vieil ivrogne avachi sur son trône, le Roi Arthur n’est plus que l’ombre du héros qu’il fut lorsqu’il repoussa les terribles créatures descendues des enfers pour répandre la terreur sur Terre. L’épée forgée par Merlin s’ennuie et voit bientôt une porte de sortie se profiler à l’horizon lorsque le vieux et répugnant Baron de Cumbre vient réclamer la main de la Princesse Ysabelle. Cette dernière entend bien choisir sa destinée et prend la poudre d’escampette, aidée de l’épée dont la volonté propre n’a besoin que d’une main pour reprendre du service. Ysa découvre bientôt que le monde n’est que misère et déchéance, d’autant plus si l’on est une femme…

Mythe arthurien, heroic fantasy, aventure féministe, Furieuse est un peu tout ça à la fois. Avec ses 229 pages, ce roman graphique revisite le genre en plaçant le pouvoir entre les mains d’une jeune femme, qui refuse le destin qu’on a choisit pour elle. Les codes sont ici détournés avec talent et beaucoup d’humour par Geoffroy Monde et Mathieu Burniat qui signent un titre engagé en faveur des femmes, prisonnières de leur condition dans un monde pensé par et pour les hommes.

Surprenant, Furieuse est une pépite de la BD comme on en croise rarement avec son style unique, les dessins et le récit semblant se promener d’un registre à un autre en s’inspirant, ça et là, du meilleur et du pire pour notre plus grand plaisir. Divertissant, le récit ne manque pas d’interroger sur le pouvoir et son utilisation au travers d’une arme qui n’est pas sans rappeler l’anneau unique du Seigneur des Anneaux.

Merci Isabelle pour la découverte. Son avis est par ICI.

Le roi Arthur, celui de la légende ? Un vieil ivrogne décrépit qui passe ses journées vautré sur son trône. Sa gloire désormais bien lointaine, il la doit à l’épée magique que Merlin lui a forgée pour terrasser les hordes de démons venues envahir le royaume de Pendragon.

Devenue témoin de sa déchéance, l’arme enchantée s’ennuie ferme tandis que la princesse Ysabelle fulmine car son débris de père l’a promise en mariage à l’ignoble petit baron de Cumbre. Toutes deux bien décidées à se trouver un meilleur destin, Ysa et l’épée s’allient pour fuir le château et partir à la recherche de Merlin et de Maxine, la grande soeur disparue.

Mais le vaste monde peut se montrer bien cruel pour une princesse qui n’a connu que la vie de palais. Et les intentions de l’épée sont peut-être moins nobles qu’il n’y paraît…

roman graphique

Le printemps de Sakura (2022)

Auteure/Illustratrice : Marie Jaffredo

Editeur : Vents d’Ouest

Pages : 108

Sakura vit à Tokyo avec son papa depuis la mort de sa mère trois ans plus tôt, des suites d’un dramatique accident de vélo. Français, Guillaume, tente de gérer au mieux l’éducation de sa fille, le rôle du père et de la mère tout en étant très pris par son travail. Alors qu’un déplacement en Inde s’impose à lui, il organise la garde de Sakura chez Obaa, sa grand-mère maternelle. D’abord un peu frileuse à l’idée d’aller chez cette parente qu’elle ne connaît pas, Sakura découvre une nouvelle façon de vivre et une porte ouverte sur les souvenirs d’une mère qu’elle n’a pas vraiment connu.

Le printemps de Sakura nous invite à un voyage dans la campagne japonaise au cœur même d’une vie chargée de valeurs traditionnelles avec ce que cela implique de croyances et de folklores. La fillette, privée de sa mère japonaise, revient aux sources de ses origines pour y découvrir un mode de vie au rythme de la nature. Auprès de son aïeule, elle redécouvre également cette mère partie trop tôt et dont son père ne lui parle jamais. Cette plongée dans l’autre moitié de ses origines culturelles lui permet de se redécouvrir également et de faire son deuil en appréhendant la mort sous un angle différant.

Calme et apaisante, l’ambiance générale du récit est presque contemplative. La narration appelle à l’éveil des sens entre les moments passés dans le jardin les mains dans la terre, dans la forêt à caresser la mousse ou au bord de la mer, le nez au vent ou encore le plaisir de marcher dans la nature avec pour seuls bruits le chant des oiseaux ou l’eau du torrent qui s’écoule. On appréciera aussi le temps passé en cuisine durant lesquels Obaa-san apprend à choisir ses ingrédients et à les cuisiner pour en faire ressortir toutes les saveurs. On en ressort avec une impression de bien être et une envie de voyager !

Sakura, 8 ans vit à Tokyo. Depuis le décès accidentel de sa maman quelques années auparavant, la fillette n’arrive pas à surmonter son chagrin. Obligé de s’absenter quelques semaines pour raisons professionnelles, son papa, français d’origine, décide de la confier à sa grand-mère japonaise. Mais les premiers moments avec cette aïeule vivant de façon traditionnelle au rythme de la nature, plongent l’enfant dans un désarroi encore plus grand ! Pourtant, contre toute attente, ce séjour va profondément transformer Sakura… Le temps d’un printemps auprès de Masumi, aussi douce que joyeuse, la fillette découvrira en elle des ressources insoupçonnées, lui permettant de dépasser le drame, et de s’ouvrir de nouveau à la vie. Cette résurrection passera par l’éveil de ses sens et la découverte de plaisirs simples : la pêche aux coquillages, la saveur des dorayakis, la sensation du sable chaud, le chant des roseaux, les senteurs du jardin, l’air de la mer, les rencontres avec les villageois ou encore la compagnie affectueuse d’un chat l’aideront à passer le cap de la résilience.

roman graphique

Béatrice (2020)

Auteur/Illustrateur : Joris Mertens

Editeur : Rue de Sèvres

Pages : 112

Dans la foule matinale qui se presse vers la gare, un manteau rouge attire le regard. C’est Béatrice, jeune vendeuse de gants dans une boutique des Galeries La Brouette. La sourire aux lèvres, elle semble affronter sa routine quotidienne un livre à la main, comme pour tromper l’ennui de sa solitude. Un sac rouage abandonné sur les quais attise sa curiosité. Jusqu’à ce que cette dernière soit la plus forte et que la jeune femme emporte l’objet subtilisé chez elle. Elle y découvre un album photos emplis des souvenirs d’un jeune couple ayant vécu dans les années 30. Béatrice tente alors de rassembler les souvenirs de cette jeune femme qui lui ressemble et de celui qui fut son époux.

Album sans textes, Béatrice est une bande dessinée qui déroule son histoire à la manière d’un storyboard avec ses visuels pris sous différents angles qui permettent de nous faire entrer dans le récit en tant que spectateur et acteur. Les illustrations s’imposent pour nous raconter cette histoire qui s’inscrit dans le temps au travers d’une héroïne qui semble chercher la vie dans le souvenirs d’une autre existence. Parcourant les rues de Paris à la recherche de lieux disparus ou transformés par les années, Béatrice semble combler sa solitude en vivant la vie d’une autre, et alors qu’elle semble enfin avoir trouver le seul lieu encore existant, l’histoire bascule, mélangeant réalité et imaginaire, présent et passé.

Pour son premier titre, Joris Mertens frappe fort en livrant un récit qui joue uniquement que le visuel pour transmettre les émotions fortes et justes de la solitude et du désir de vivre et d’aimer. Au travers de sa jeune héroïne, il raconte aussi l’enfermement et les risques de se couper du monde en vivant une vie qui ne nous appartient pas. L’alternance couleurs/noir et blanc permet de jouer sur le temps et la répétition d’une situation à travers les époques, le sac devenant le portail et gardien des souvenirs d’une vie passée. Béatrice séduit sur le fond et la forme, et encourage à découvrir les futurs titres de l’auteur.

Je remercie Blandine pour la découverte.

Béatrice prend chaque jour le train pour se rendre au travail. Dans la cohue de la gare, un sac à main rouge attire son attention. Jour après jour, à chaque passage dans la gare, il semble l’attendre. Succombant à sa curiosité dévorante, Béatrice, en emportant l’objet chez elle, ouvre les portes d’un monde nouveau…

roman graphique

De Cape et de Mots – BD (2022)

Adaptation : Flore Vesco & Kerascoët

Illustrations : Kerascoët

Editeur : Dargaud

Pages : 103

Il y a un peu plus de six ans, je découvrais Flore Vesco lors d’une lecture partagée, avec mon fils, de son premier roman De cape et de mots. Emportée par les mots et l’ambiance général du récit, je crois qu’aucun des romans de l’auteure ne m’a autant transportée depuis. C’est donc avec plaisir que j’ai redécouvert l’histoire de Serine dans cette adaptation en roman graphique.

Parfaitement réussie, l’adaptation a su conserver et préserver les scènes clés et les dialogues en les restituant avec toute la malice et la saveur des jeux de mots, charades, mots d’esprit et autres calembours dont l’auteure nous régale à chaque nouveau récit. Le duo Kerascoët a su donner vie à un univers et ses personnages avec toute la simplicité et l’humour que l’on pouvait attendre.

Surfant sur la vague des adaptations de romans jeunesses, il ne fait aucune doute que De cape et de mots séduira un public plus large de jeunes lecteurs moins attirés par les romans que la bande dessinée. Et si cela permet de faire découvrir Flore Vesco aux plus réfractaires, alors ce ne peut être que positif.

D’autres avis sur : L’île aux trésors et LivresdAvril.

Au palais, les demoiselles de compagnie se succèdent. Aucune d’elles n’est capable de satisfaire les caprices d’une reine tyrannique. Serine décide de tenter sa chance. Avec son goût des bons mots et ses facéties, la jeune fille va souffler une vent de folie sur le cour. Sans se douter qu’elle est en train de risquer sa vie.

BD/manga

La Bibliothèque des Vampires, tome 1

Auteur : David Boriau

Illustrateur : Man Luo

Editeur : Glénat

Collection : Tchô ! La collec…

Pages : 48

Alice intègre une école d’art et se lit d’amitié avec Azaléa, une jeune fille passionnée par le fantastique et les mystères. Si pour Alice cette première année est l’occasion de suivre les traces de sa grand-mère tout en vivant sa passion, les motivations de sa nouvelle amie sont différentes puisqu’elle semble s’être inscrite avant tout dans l’espoir de lever le voile sur le mystère qui entoure l’école. Pourtant, Alice n’hésite pas à suivre Azaléa dans ses recherches, fuyant la réalité d’une vie de famille difficile. Bientôt, les deux amies se voient révéler bien plus de secrets qu’elles ne l’avaient imaginer et sont invitées à partager du temps et faire connaissance avec Tio, le vampire.

Réinterprétation du mythe vampire, La Bibliothèque des Vampires amène un questionnement quant à leur façon de se nourir et la recherche de leur âme disparue. Le point de départ est particulièrement intéressant puisqu’il interroge le rapport entre l’artiste et son art, et notamment l’idée qu’une œuvre d’art réussie serait imprégnée de l’âme de son artiste. C’est vraiment pertinent et bien amené ! Le concept m’a vraiment séduite et, cumulé à cet univers très artistique, j’ai trouvé que cela donnait des bases solides au récit.

Cependant, j’ai regretté la vitesse à laquelle s’installe l’histoire. Trop rapide, les personnages n’ont pas le temps d’être vraiment développés et le récit se dévoile trop facilement, sans qu’il n’y ait de réelles investigations ou de surprises. J’aime par ailleurs beaucoup le style graphique, surtout la richesse des décors et l’expressivité des visages, et certaines planches sont vraiment de toute beauté… Mais, je crois qu’une dizaine de pages supplémentaire n’aurait pas été de trop pour étoffer un peu l’ensemble et le rendre encore plus intéressant. Je chipote… Je n’en reste pas moins intéressée par la suite, qui aura sans doute encore bien des choses à dévoiler.

Il y a un secret dans cette Bibliothèque unique, un secret que jamais personne avant eux, n’avait découvert ! Un secret qui révèle une destinée surprenante aux immortels de la nuit, aux vampires.

BD/manga

Miss Charity, tome 2. Le Théâtre de la vie (2023)

D’après : Marie-Aude Murail

Auteur : Loïc Clément

Illustratrice : Anne Montel

Editeur : Rue de Sèvres

Pages : 120

Alors que le premier volume s’attachait à nous présenter les personnages et nous entrainait dans les pas d’une Charity âgée de cinq à quinze ans, ce deuxième tome s’attarde sur une période plus courte (de quinze à dix-huit ans) mais aussi plus riche émotionnellement. Charity est désormais adolescente et elle est à cet âge où l’on attend d’elle qu’elle quitte la chambre d’enfant et ses animaux, pour se tourner vers les mondanités et se trouver un époux.

Période difficile pour Charity qui peine à retrouver l’élan nécessaire à l’étude ou aux arts. Isolée de ses amis d’antan, elle subit la présence de sa cousine Ann, frivole et immature, que sa mère encourage à voir le plus possible. Heureusement que son cousin Philip, aussi malade soit-il, lui apporte la joie de discussions intellectuelles qui lui font défaut depuis le départ de sa gouvernante. Mais s’il apporte un peu de légèreté, ce deuxième volume est aussi celui des chagrins et des déceptions qui soumettent Charity à des situations délicates auxquelles elle ne peut parfois faire face qu’en appelant à l’aide, et viennent définitivement clore le chapitre de l’enfance.

Le petit théâtre de la vie est l’occasion pour l’auteur d’aborder des sujets sensibles, comme celui des troubles mentaux ou de la maladie ; mais on y dénonce également les conditions de vie et de travail dans les pensionnats qui accueillent des jeunes filles, souvent orphelines, et les soumettent à des privations élémentaires qui aboutissent trop souvent à des drames irréversibles. Mais Miss Charity ne serait pas complet s’il n’y avait pas le lapin Peter, les voyages dans le nord de l’Angleterre et l’Ecosse avec ce qu’ils apportent de liberté et de nature à notre jeune héroïne.

L’adaptation de Loïc Clément est à nouveau parfaitement réussie, l’essence même du roman de Marie-Aude Murail est préservée et chaque émotion parfaitement transmise. Anne Montel sublime le récit par des illustrations à l’aquarelle qui retransmettent la poésie et la luminosité du texte.

Charity, à 15 ans, n’est plus une enfant. Tandis que sa mère ne songe qu’à la faire entrer dans le monde, la jeune fille, impatiente et curieuse, peine à trouver ses marques dans la vie. Loin de Blanche, plongée en pleine tragédie, et sans le bon précepteur Herr Schmal à ses côtés, ses passions d’antan ne parviennent plus à combler ses attentes. C’est auprès d’Ann, sa cousine frivole, que Charity va alors choisir de découvrir les joies de l’insouciance. Elle n’échappera cependant pas aux moments douloureux de l’existence que lui feront traverser son pauvre cousin Philip et sa bonne Tabitha. Son entrée dans l’âge adulte pourrait bien se faire sur les cendres de son enfance.

roman graphique

HOKA HEY ! (2022)

Auteur/Illustrateur : Neyef

Editeur : Rue de Sèvres

Collection : Label 619

Pages : 224

Sélection officielle 2023 et Sélection Fauve des lycéens – Festival d’Angoulême

Lorsqu’il croise le chemin de Little Knife, No Moon et de l’irlandais Sully, Georges ne connait rien à la culture Lakota. Parqué dans une réserve indienne, il a été élevé par le pasteur qui l’administre selon les préceptes de la Bible, avec l’espoir d’en faire un homme « presque aussi intelligent qu’un blanc ». Entre l’éliminer ou l’emmener avec eux, le groupe choisit de poursuivre la route avec lui, une route semée d’embuches et au bout de laquelle, Little Knife entend assouvir sa soif de vengeance en tuant l’assassin de sa mère. Le voyage permet à Georges de découvrir la culture de son peuple Lakota : la chasse, la spiritualité, le rapport à la nature et à toutes les créatures vivants en sein, et d’interroger ses origines.

Conquête de l’ouest, vengeance, voyage initiatique et quête d’identité sont les thèmes centraux de ce western qui nous entraîne dans un Far West digne des meilleurs films du genre. Porté par des personnages attachants, le récit alterne les scènes violentes et d’autres plus contemplatives. Ces dernières permettent de découvrir les personnages, leur histoire et de vraiment saisir la complexité d’appartenir à deux cultures différentes, à deux mondes qui s’opposent, surtout quand l’une est persuadée d’être dans son bon droit en faisant disparaître l’autre. Natifs américains et irlandais puisent leur force dans le désir de garder leur identité et de sauver ce qu’il leur reste d’humanité.

La mise en page suit la forme en cases traditionnelles des bandes dessinées mais Neyef joue avec la profondeur des plans pour inviter son lecteur à plonger au cœur même du récit et être toujours au plus près de ses héros. Par ce biais, il nous fait également voyager dans des paysages incroyables, encore sauvages pour la plupart, mais souvent déjà fracturés par le passage du chemin de fer. Le choix des couleurs vient appuyer les émotions et sensations en leur donnant plus ou moins de profondeur, et en dynamisant la lecture par un jeu d’ombre et lumière du plus bel effet. L’ensemble est un véritable petit bijou d’esthétisme.

Hoka Hey !, « En avant ! », est un cri de guerre, qui prend tout son sens dans ce récit palpitant au cours duquel, des âmes esseulées vont s’ouvrir les unes aux autres pour trouver qui elles sont et veulent être. Avec des thématiques très actuelles, ce roman graphique s’inscrit dans l’actualité en interrogeant notre rapport aux autres et à la nature. Par ces personnages attachants, il interroge nos actions et notre Histoire, car s’identifier à un personnage et vibrer avec lui, c’est aussi apprendre à se mettre à la place de l’autre. Pour Gabrielle et moi, c’est un énorme coup de cœur !

Dès 1850, les jeunes amérindiens étaient internés de force dans des pensionnats catholiques pour les assimiler à la nation américaine. En 1900, la population des natifs en Amérique du Nord avait diminué de 93%. La plupart étaient morts de nouvelles maladies importées par les colons, d’exterminations subventionnés par l’état, et lors des déportations.

Georges est un jeune Lakota élevé par le pasteur qui administre sa réserve. Acculturé, le jeune garçon oublie peu à peu ses racines et rêve d’un futur inspiré du modèle américain, en pleine expansion. Il va croiser la route de Little Knife, amérindien froid et violent à la recherche du meurtrier de sa mère. Au fil de leur voyage, l’homme et le garçon vont s’ouvrir l’un à l’autre et trouver ce qui leur est essentiel.

roman graphique

Nellie Bly – Dans l’antre de la folie (2021)

Auteure : Virginie Ollagnier

Illustratrice : Carole Maurel

Editeur : Glénat

Pages : 162

Après la série de Roseline Pendule, Nellie & Phileas – Détectives Globe-Trotters, j’avais très envie d’en savoir plus sur Nellie Bly, cette femme incroyable qui a marqué son époque et ouvert la porte du journalisme d’investigation. Concernée par la condition des femmes et déterminée à changer les choses, elle n’aura de cesse de dénoncer le traitement qui leur est réservé, que ce soit sur leur lieu de travail ou dans de soi-disant instituts de santé.

New York, 1887. Une jeune femme paie pour le gite et le couvert dans ce qui semble être une pension de famille pour femmes. Rapidement elle montre des signes de confusion et d’instabilité. Au matin, la police a été appelé par la logeuse et l’emmène au tribunal. Jugée folle, elle passe facilement toutes les étapes qui conduisent à l’asile de l’île de Blackwell, géré par la municipalité. Cette jeune femme est Nellie Bly, une journaliste de terrain qui cherche à se faire embaucher par le New York World. Elle vient de s’infiltrer, sans aucune difficulté, dans l’antre de la folie, pour enquêter sur les conditions de détention des femmes qui y sont retenues.

Si vous avez lu Le Bal des Folles de Victoria Mas, ou vu son adaptation par Mélanie Laurent, vous avez une assez bonne idée de ce qui se passe entre les murs de Blackwell. Humiliation, violence physique et psychologique, mauvais traitement, hygiène déplorable, rien n’est épargné à ces femmes dont la seule faute est d’être pauvres. Saines d’esprit, elles sont placées dans cette institut par un membre de leur famille, généralement un homme, mais y viennent parfois d’elle-même, car elles sont un poids financier pour un père ou un fils, voir parfois un mari… Le froid, la faim et l’ennui les privent peu à peu de leur humanité ; cassées par les matonnes, médicamentées sans raison, la plupart finissent par trouver refuge dans la folie.

Nellie Bly aura passé dix jours dans cet institut, dix jours qui lui parurent une éternité. Convaincue du bien fondée de son action et, suite à la publication de son article, elle devient le visage et la voix de toutes ces femmes pour qui elle entend bien changer les choses. Unique témoin elle monte au tribunal pour révéler les rouages qui conduisent à Blackwell et les conditions inhumaines que l’on réserve aux pensionnaires sur place. Pionnière du journalisme d’investigation, elle n’aura de cesse de s’infiltrer dans des milieux divers pour défendre les droits des femmes.

Sublime roman graphique qui nous entraîne dans une époque difficile pour les femmes qui ne sont encore que très peu considérées. On y découvre une jeune femme élevée dans l’amour d’un père qui pensait que les femmes devaient aussi recevoir une instruction. Sa mort prématurée va mettre en avant l’injustice d’une société faite par et pour les hommes. Le travail de recherches de l’auteure est retranscrit avec justesse et on prend plaisir à suivre Nellie dans son enquête entre-coupée de flashback qui nous racontent son enfance et ses premières expériences journalistiques. Le dossier de fin d’ouvrages complète l’ensemble pour nous en dire plus.

Le travail graphique n’est pas en reste avec ses teintes sépia qui nous plongent dans l’époque. La folie est par ailleurs superbement représentée par des apparitions fantomatiques et des formes tentaculaires qui disent toute la tension et l’emprise psychologique qui règnent en ce terrible lieu. Par ailleurs, le travail sur les expressions rendu très réaliste, permet de s’attacher à ces femmes de tous âges en suscitant empathie et compassion. L’ensemble est un roman graphique percutant à découvrir ne serait-ce que pour en savoir plus sur cette femme qui a marqué son époque.

POUR MENER SON ENQUETE, ELLE SE FAIT PASSER POUR FOLLE. Nellie Bly serait complètement folle. Sans cesse, elle répète vouloir retrouver ses « troncs ». Personne n’arrive à saisir le sens de ses propos, car en réalité, tout cela n’est que mystification : Nellie cherche à se faire interner dans l’asile psychiatrique de Blackweel, à New York, dans le but d’y enquêter sur les conditions de vie de ses résidentes. Y parvenant avec une facilité déconcertante, elle découvre un univers glacial, sadique et misogyne, où ne pas parfaitement remplir le rôle assigné aux femmes leur suffit à être désignée comme aliénée. L’HISTOIRE VRAIE DE LA PIONNIERE DU JOURNALISME D’INVESTIGATION ET DU REPORTAGE CLANDESTIN.

BD/manga

Les Godillots (2011 à 2018)

Les Godillots de Olier & Marko, Bamboo édition

Voilà une petite série qui aborde la Première Guerre Mondiale avec une certaine légèreté, rendant la lecture accessible à un public relativement jeune. Si vous avez lu La guerre des Lulus, vous savez que cette série jeunesse s’intéresse au point de vue des civiles, Les Godillots eux, nous entraînent dans les tranchées, au cœur même du danger, en compagnie d’un régiment chargé du ravitaillement des troupes françaises.

Véritable tour de force de la part d’Olier qui arrive à relater des évènements assez terribles : les méthodes barbares des compagnies franches, la perte d’esprit de certains soldats fragilisés par les horreurs du champ de bataille… , avec un certain recule et un détachement qui permettent d’évoquer les horreurs de la guerre sans sombrer dans la boucherie.

On note d’ailleurs que les uniformes restent plutôt propres au fil des années et gardent ce gris bleu du début à la fin, donnant aux illustrations la même légèreté et le même regard sur le parcours des poilus. De même, la colorisation reste lumineuse et on sent que Marko a tenté de préserver la légèreté relative du texte. Un texte porté par des personnages hauts en couleur qui donnent à leur régiment des allures de folie, comme si on avait réuni les plus loufoques des engagés dans un seul et même régiment.

On apprécie aussi l’humour omniprésent, le duo Palette – Le Bourhis, l’humanité des personnages, leur naturel, le trait de Marko et tant de choses qui font que Les Godillots est une série de qualité. On pourra cependant regretter une chronologie qui part dans tous les sens et l’inégalité scénaristique d’un volume à l’autre. Mais cela n’enlève rien au plaisir de la lecture ni à l’émotion ressentie.

A noter, en fin de chaque volume un petit dossier qui revient sur les faits historiques, des événements qui servent de base au scénario essentiellement et même un jeu de rôle.

Au cours de la Grande Guerre, dans une escouade de seconde ligne, deux soldats sont chargés de s’occuper de la « roulante », la cuisine itinérante, et du ravitaillement en nourriture des tranchées du front. Pour y acheminer la soupe, le café et les patates, ils doivent malheureusement traverser une zone placée sous le feu d’un mitrailleur ennemi surnommé « le Croquemitaine » par les Poilus en raison du grand nombre de victimes qu’il a déjà infligées dans les rangs français. Mais, dans ce no-man’s-land, ils font une rencontre inattendue qui va bouleverser leur destin et leur permettre de mettre au jour une sinistre combine au sein de la tranchée B12…