Prix littéraire·roman·roman ado·roman young adult

Nous traverserons des orages (2023)

Auteure : Anne-Laure Bondoux

Editeur : Gallimard Jeunesse

Pages : 496

Pépite d’Or 2023 du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse

Prix Sorcières 2024 – Carrément Passionnant Maxi

Saga familiale, Nous traverserons des orages est aussi une véritable fresque historique qui retrace, sur quatre générations de la famille Balaguère, un siècle d’Histoire, de la Première Guerre Mondiale à aujourd’hui. En cherchant à comprendre la violence qui l’anime, la narrateur en vient à chercher l’origine de la violence en général. Est-elle ancrée en chacun d’entre nous ? Se transmet-elle génétiquement ? Est-elle l’expression de quelque chose de plus important ? Trouve-t-elle son origine dans les atrocités du monde telles que les guerres ?

Alors c’est ça ? La France envoie sa jeunesse au casse-pipe en attendant que les vieux cessent de se cramponner à un passé révolu ?

En un peu moins de cinq cents pages, Anne-Laure Bondoux balaie donc les grands événements de l’histoire à laquelle ses personnages participent. A une échelle plus locale, elle aborde les changements sociétaux qui peuvent faire tellement plus que les guerres. On assiste ainsi à l’évolution des droits des femmes ou des homosexuel.le.s tout en regardant le progrès simplifier le quotidien de tout un chacun, les campagnes se vident et les villes se remplissent, la mondialisation est en marche ainsi que les bouleversements climatiques ou l’émergence de nouvelles maladies.

Et c’est parce que la grande histoire s’insère dans la petite, celle de la famille Balaguère, que cela nous la rend si forte et intéressante car tous ces événements nous concernent tous et ont touché toutes les familles. Avec ses secrets de famille, ses non-dits mais aussi ses amours contraints ou passionnels et ses traumatismes divers, la famille Balaguère prend l’apparence d’une famille ordinaire portée par des hommes et des femmes terriblement humains.

Comme je te l’ai dit, Saule, il n’y a pas de héros dans notre histoire. Seulement des hommes que la violence du monde laisse sans voix.

Cette deuxième rencontre avec l’écriture d’Anne-Laura Bondoux me permet de vraiment en apprécier la forme même si ce n’était pas gagné. En effet, si dès le début le texte se lisait très bien, il manquait d’émotions ; l’auteure maintenait une certaine distance, énonçant des faits, énumérant des événements sans s’impliquer émotionnellement. Mais je crois que j’ai fini par comprendre que le point de vue étant celui du narrateur, quatrième génération de la famille, il ne pouvait en être autrement. L’émotion s’invite peu à peu, quand l’histoire se rapproche de la sienne et implique des personnes avec lesquelles il a ou a eu une vraie connexion. C’est vraiment fort et parfaitement maitrisé dans l’écriture et la narration.

De même, les sauts dans le temps sont parfois déroutants en prenant la forme d’une liste d’événements qui se sont déroulés pendant que les enfants grandissait, les parents vieillissaient, les grands-parents mourraient… Cela manque définitivement d’émotions mais appuie le fait que le temps ne s’arrête pas et que l’Histoire est en marche, quoi qu’il arrive à l’échelle individuelle. Cela met aussi en avant la travail de recherches de l’auteure pour ne passer à côté de rien et donner du relief à son récit en montrant aussi l’importance que les événements traversés, selon l’époque vécue, peuvent impacter notre existence toute entière, nos émotions, notre caractère en faisant parfois ressurgir ce qu’il y a de pire en nous.

Et même après cent ans de malheurs, même si j’ai commis l’irréparable moi aussi, je ne désespère pas que nous apprenions enfin à prendre la parole plutôt que les armes.

D’autres avis à découvrir : Lucie, LiraLoin et Isabelle.

***

Voici l’histoire que je dois te raconter, Saule. C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. Elle commence à la veille d’une guerre planétaire, dans une ferme de hameau qu’on appelle Les Chaumes. Elle s’achèvera un siècle plus tard, au même endroit. Entre ces deux époques, tu verras vivre ici quatre générations hantées par des secrets et des fantômes. Tu verras changer les saisons, les habitudes, les lois et les gouvernements. Tu verras des hommes tomber amoureux, rêver de grandes choses, partir à la guerre et en revenir sans mot et sans gloire. Jusqu’à moi. Jusqu’à toi.

manga

Mars – Perfect Edition (2024)

Mars, bunbokan (2006)

Auteure : Fuyumi Soryo

Traductrice : Xavière Daumarie

Editeur : Panini Manga

Collection : Shojo

Pages : 346

Volume : 3/8 (en cours)

Rei tire un trait sur les amis qu’il avait au collège et les enjoint à ne pas vivre dans le passé. Mais il reste hanté par le souvenirs de son frère et doit faire le point sur sa relation avec Kira qui, de son côté, est prête à accepter une simple amitié si tant est que Rei garde le sourire. Cependant, les deux adolescents trouvent la force d’affronter les difficultés et d’avancer en se soutenant mutuellement, c’est dans la chaleur de l’autre qu’ils se sentent le plus en sécurité et entretiennent le désir de protéger l’autre.

Devant lui, je peux sangloter en toute sécurité. Mais Rei… Quand pleure-t-il ? Où est-ce qu’il se sent assez en sécurité pour pleurer ?

Un nouvel élève vient confronter leur couple à la noirceur de Rei et à la profondeur de la distorsion qui l’habite. Makio Kirishima semble fragile et sensible au premier abord, mais Rei saisit immédiatement la solidité des nerfs du jeune homme et la force qui émane de lui. On découvre bientôt que Makio a longtemps été victime d’un camarade d’enfance qu’il a fini par tuer dans une affaire conclue comme étant de la légitime défense. Alors que Kira se rapproche du jeune homme, Rei la met en garde face au danger que représente Makio. Mais ce dernier, cherchant à pousser Rei dans ses retranchements les plus sordides, est bien décidé à utiliser Kira pour atteindre celui qui le fascine.

Ce troisième tome est l’occasion pour Fuyumi Soryo d’aborder plus en profondeur les nuances qui caractérisent la personnalité de Rei. Comme le disait Kira dès leur rencontre, elle perçoit de la noirceur en lui tout autant que de la lumière, et alors qu’elle se sent attirée par sa lumière et la chaleur que Rei dégage, Makio vient lui chercher sa noirceur. Il voit d’ailleurs dans le tableau qu’a peint Kira et qu’elle a intitulé « MARS », une allégorie au dieu grecque de la guerre, cruel et rusé, alors que Kira cherchait justement à exprimer la personnalité du jeune homme au travers de la double fonction du dieu, également gardien des cultures.

Une double fonction qui s’exprime très clairement au travers de Rei. D’abord protecteur de son frère, il reprend ce rôle auprès de Kira. En parallèle, il a tendance à avoir trop facilement recours à la violence et se confronte régulièrement au danger ne serait-ce qu’au travers de sa passion pour les courses de moto, mais aussi dans son mode de vie en général. Mais cette ambivalence s’exprime dans toute les facettes de sa personnalité, c’est ce qui le rend humain et attachant. Il lutte contre lui-même car il a conscience de la distorsion qui l’anime mais ne souhaite pas pour autant éteindre toute étincelle de vie qui brûle en lui.

Moi, je sais qu’il y a surtout de la gentillesse et de la chaleur en toi.

A l’inverse, Makio nourrit et entretien sa part sombre, il est dénué d’empathie et de chaleur. Les violences qu’il a subi et l’incapacité qu’il avait à s’en protéger l’ont contraint à bâtir une barrière de protection autour de lui qui trouve sa force dans les émotions négatives et se nourrit de son dégoût de l’être humain. Contrairement à Rei qui, malgré une famille dysfonctionnelle, a su s’entourer de personnes qui veillent sur lui, Makio est complètement seul. Cela amène une réflexion pertinente sur l’importance de s’entourer d’amis, de sa famille, de personnes capables de nous protéger, mais aussi de personnes qui nous poussent à affronter les difficultés plutôt qu’à les laisser nous submerger.

Ce ne sont ni la beauté ni la gentillesse qui font palpiter le cœur des gens. Elles les émeuvent, certes, mais ces émotions ne perdurent que peu de temps. En revanche, la colère et la tristesse sont différentes. Elles laissent comme des traces d’ongle indélébiles. Même si ces blessures parviennent à guérir, on ne peut en oublier complètement la douleur.

Ce troisième tome nous entraine un peu plus loin dans la compréhension de son héros masculin tout en interrogeant toujours plus sa relation à Kira. L’auteure ne les ménage pas en invitant des personnages secondaires qui viennent toujours un peu plus les confronter à leur passé et à leur douleur propre tout en questionnant leur rapport aux autres et la capacité de l’être humain à survivre à l’hostilité du monde.

MARS – Kira Asou

Kira Asou est une jeune fille très renfermée sur elle-même, qui cherche sans cesse à éviter le contact avec autrui. Sa rencontre avec Rei Kashino, le garçon le plus populaire du lycée, mais aussi le plus casse-coup, lui sera déterminante. C’est ce garçon qui aime la vie plus que tout, lui qui n’a pas peur des sensations fortes, qui parviendra à la faire sortir de son cocon. Leur rencontre se passe dans un jardin public. Alors que Kira dessinait, le jeune homme vient l’aborder pour lui demander son chemin. Celle-ci lui dessine un plan au dos de sa feuille. C’est alors que le dessin l’émeut, de par sa beauté et son symbolisme: une mère avec un enfant, quoi de plus naturel ? Sauf que pour quelqu’un qui n’a jamais eu réellement de mère, c’est une chose merveilleuse. C’est ainsi qu’il fait tout pour se rapprocher de la jeune fille. Plusieurs obstacles viendront se dresser entre eux, mais cela ne fera que renforcer leur amour déjà grand dès les premiers jours. 

album·Service Presse

Le monde est immense (2024)

Auteure : Anne Cortey

Illustratrice : Marion Cocklico

Editeur : Grasset Jeunesse

Collection : Lecteurs en herbe

Pages : 32

Sortie ce mercredi 24 janvier 2024

Découvrir le monde à hauteur d’enfant, c’est ce que proposent Anne Cortey et Marion Cocklico dans ce bel album aux couleurs pétillantes. Des espaces mesurés et rassurants de l’intérieur à l’immensité de l’extérieur, l’enfant nourrit sa curiosité au travers de la fenêtre avant d’enfin oser poser le pied dehors.

Les collages de Marion Cocklico jouent sur la profondeur des plans pour montrer toute l’immensité du monde. Là où le texte d’Anne Cortey se met à hauteur d’enfant pour montrer la difficulté de s’affranchir de la sécurité de son foyer pour aller découvrir le vaste monde. Ainsi la fenêtre semble inatteignable et demande à l’enfant de la ressource et du courage pour y accéder.

Avec sa couverture en carton épais, ses illustrations colorées et son petit héros courageux à la bouille toute ronde, Le monde est immense est un album à découvrir dès 2 ans, cet âge des découvertes où l’enfant prend conscience que son corps s’étend au-delà de ses parents, cet âge où il commence à s’ouvrir au monde sous le regard protecteur de ceux dont les bras restent encore un cocon rassurant.

Je remercie les éditions Grasset pour l’envoi de ce très joli album en Service Presse.

Le monde est immense et très haut, aussi.
Je me hisse sur la pointe des souliers.
Au dessus, il y a la fenêtre.
De l’autre côté, il y a l’univers…
En voici un bel album pour les petits !
Le monde est immense, surtout lorsque l’on est tout petit… De l’intérieur à l’extérieur, de la curiosité à la découverte, de l’absence à la présence, du foyer au
cocon, ce livre doudou au texte poétique et aux couleurs vives est un ravissement tant pour les yeux que pour le cœur !

Beaux Livres·Docu

Oiseaux – Sentinelles de la nature (2023)

Auteur : Frédéric Archaux

Editeur : Quæ

Pages : 184

Prix de l’Académie Vétérinaire de France 2022

Ornithologue amatrice, j’aime les beaux livres qui parlent d’oiseaux. C’est lors d’une opération Masse Critique que j’ai repéré Oiseaux – Sentinelles de la nature, par sa si jolie couverture.

La particularité de ce titre par rapport aux autres livres que je possède est qu’il ne s’agit pas d’un guide sur les oiseaux, ce n’est pas un outil qui aide à l’observation et à l’identification des espèces. Malgré ces nombreuses photographies qui montrent la grande diversité des espèces aviaires qui peuplent nos contrés, Sentinelles de la nature est plus un ouvrage général que les oiseaux.

Frédéric Archaux fait le choix ici de présenter nos amis à plumes depuis leurs origines préhistoriques jusqu’à l’extinction qui les menace. Le texte va plus loin puisqu’il est aussi question de l’évolution des espèces depuis les dinosaures, mais aussi leur adaptation aux milieux, le principe de sélection naturelle ou encore la classification des espèces. Le tout d’une écriture fluide et accessible qui rend l’ouvrage accessible à tous.

Si certaines données peuvent paraître poussées, les précisions scientifiques ne manquent jamais de clarté et la compréhension en est toujours facilité. On apprend beaucoup au fil des pages sur l’anatomie des oiseaux, les particularités de vol ou de chant de certaines espèces, la composition des plumes ou encore le fonctionnement du système digestif.

Oiseaux – Sentinelles de la nature est un très beau livre, riche en informations, à destination des ornithologues amateurs ou professionnels, mais également des amoureux de la nature qui aimeraient en savoir plus sur ces petits êtres qui nous entourent.

Je remercie Babelio et les éditions Quæ pour l’envoi de ce magnifique ouvrage dans le cadre de Masse Critique.

Y a-t-il plus bel emblème de la nature que les oiseaux ? Non seulement ils peuplent notre imaginaire mais ils sont absolument partout à la surface du globe.
Pourquoi ce succès ? Les oiseaux bénéficient d’un de ces coups de génie de l’évolution, la plume. Elle permet au lagopède alpin de se fondre incroyablement dans le paysage, été comme hiver, comme elle offre au paon une extravagante parure ! Excellent isolant et imperméable, léger et résistant à la fois, le plumage a permis la conquête de l’eau, des terres et bien sûr des cieux ! Grâce à lui, les grands migrateurs sillonnent le monde, avec cette incroyable liberté de pouvoir changer de milieu quand ce milieu change. Mais pour faire face à toutes les contraintes de l’environnement, il a fallu bien d’autres innovations… Creuser le bois avec sa tête sans faire une syncope comme le pic, ne pas mourir de soif en mer comme l’albatros ou dormir en volant tel le martinet… Mais comment font-ils ? Comment la chouette arrive-t-elle à localiser précisément ses proies dans l’obscurité et le jeune rossignol comment apprend-il à chanter ? Qu’est-ce qui pousse l’hirondelle à partir pour l’Afrique et par quelle magie retrouve-t-elle son nid à son retour ?… Et posera-t-elle un jour définitivement ses valises chez nous avec le changement climatique ? La gente ailée est aussi un peuple fragile, que perturbent les activités humaines. Si le pigeon ramier ou le geai s’invitent dans nos villes, des pans entiers de notre avifaune disparaissent avec leurs milieux, jusqu’à notre si proche moineau. Cet ouvrage s’adresse aux ornithologues et à tous les amoureux des oiseaux, sensibles aux formidables capacités d’adaptation et aux beautés et secrets de ces irremplaçables sentinelles de la nature.

Prix littéraire·roman ado

Pony (2023)

Pony (2021)

Auteure : R.J. Palacio

Traductrice : Isabelle Chapman

Editeur : Gallimard jeunesse

Pages : 336

Sélection Prix Sorcières 2024 – Carrément Passionnant Maxi

Silas et Martin Bird vivent aux abords de Boneville. Orphelin de mère, Silas a grandit dans la chaleur de l’amour paternel et dans l’affection de Mittenwool, être spectral qu’il est le seul à voir. Cette faculté de converser avec une entité aussi mystérieuse qu’invisible, en fait un être à part, moqué des autres enfants et des adultes, aussi étroits d’esprits qu’insensibles à la différence.

Toute mon existence, j’ai croisé des individus dans son genre. Bornés et sans imagination. Sans aucune vivacité d’esprit. Alors ils essaient de limiter le monde à des choses dérisoires qui leur paraissent compréhensibles, mais le monde ne peut pas être limité. Le monde est infini ! Et toi, si jeune que tu sois, tu le sais déjà.

Martin Bird officie comme bottier, mais il est surtout connu pour inventer des objets qui facilitent le quotidien. C’est le procédé qu’il a mis au point et qui permet d’imprimer l’image sur du papier plutôt que sur une plaque de cuivre qui attire l’attention de Roscoe Ollerenshaw, faux-monnayeurs recherché, qui espère bien améliorer la qualité de ses faux billets. Père et fils sont séparés et commence pour Silas une grande aventure.

[…]nos vies basculèrent pour toujours, à la suite de la visite avant l’aube de trois cavaliers et d’un poney à la tête sans poils.

Porté par le cheval qui a fuit les brigands qui ont emmené son père, Silas parcourt les paysages immenses de l’Ohio, bientôt accompagné par le Marshall Enoch Farmer. Au travers de leur voyage, c’est tout un pan de l’histoire américaine qui nous est contée alors que la Guerre de Sécession est sur le point d’éclater. Du massacre des Indiens à la conquête de l’Ouest par les européens, en passant par le combat contre les esclavagistes, l’auteure donne une voix aux victimes de ces combats au travers de la faculté de son héros à communiquer avec les fantômes. Mais au-delà de la guerre, il est aussi question de progrès et de découvertes scientifiques. Nous sommes à l’aube de la Révolution Industrielle et des changements majeurs qui en découlent.

[…]la guerre n’est juste que si elle est menée pour apporter la paix. Mais notre gouvernement ne se bat pas pour la paix. Il se bat pour des territoires.

Dans Pony, le lecteur trouvera tous les codes du western et du récit initiatique au travers du parcours de Silas, de ses rencontres et du combat inéluctable entre les bons et les vilains. Mais c’est aussi et avant tout une ode à l’amour, celui qui se poursuit au-delà de la mort et qui trouve ici son apogée dans la relation père-fils. Bien qu’ils soient séparés, le récit se nourrit des souvenirs ou anecdotes de Silas et Martin. Ils aident le jeune garçon à garder le cap et à croire en ce père dont l’histoire se dévoile peu à peu, le poussant à affronter l’histoire de ses origines.

À l’amour. À ce qui nous transcende. L’amour nous guide. L’amour ne nous quitte pas. L’amour est un voyage sans fin.

Comme on le découvre en postface, R.J. Palacio collectionne les daguerréotypes dont certains portraits d’anonymes viennent ouvrir chacune des onze parties qui composent son roman. Ils servent à donner un visage à ses personnages et d’une certaine manière, ils viennent les ancrer dans la réalité en les rendant plus tangibles. Je trouve ce procédé intéressant car la dimension fantastique de son roman joue justement sur la notion de vie et de mort, en confrontant le héros aux âmes restées sur place et en questionnant le lecteur sur la réalité des personnages qui entourent Silas.

Autre fait intéressant, le récit est ponctué de citations ou de références à des classiques de la littérature classique notamment autour des mythes grecques, le roman préféré de Silas étant Les aventures de Télémaque de Fénelon. Si elles servent intelligemment le récit, elles viennent aussi renforcer la nuance entre le réel et l’irréel, Silas prenant conscience au fil de son voyage qu’il a grandit dans un monde très protégé mais complètement déconnecté de la réalité. Cela rend son personnage d’autant plus intéressant et lui donne plus de profondeur.

Pony me permet enfin de découvrir une auteure dont je n’avais encore rien lu, une auteure qui écrit avec l’intelligence de l’esprit et du cœur. Pony est un énorme coup de cœur, un de ces textes qui m’a fait vibrer d’émotions et n’a pas manqué de m’arracher une petite larme.

Ohio, 1860. Silas Bird, douze ans, est réveillé en pleine nuit par trois cavaliers qui enlèvent son père sous ses yeux. Lorsqu’un singulier poney à tête blanche apparaît sur le seuil de sa cabane, Silas n’a plus qu’une idée : partir à cheval à la poursuite des ravisseurs. Accompagné d’un ami étrange et inséparable nommé Mittenwool, il embarque dans un périlleux voyage à travers les grands espaces et la nature sauvage américaine sur les traces de son père… et de son histoire.

album

La maison au bord du canal – L’histoire de la maison d’Anne Frank (2023)

Das alte Haus an der Gracht (2023)

Auteur : Thomas Harding

Illustratrice : Britta Teckentrup

Traducteur : Clément Bénech

Editeur : La partie

Pages : 56

Je tiens tout à d’abord à remercier Isabelle qui m’a fait découvrir cet album jeunesse assez incroyable puisqu’il aborde un sujet délicat en partant d’un point de vue extérieur qui permet de prendre du recule pour aborder la grande Histoire en toile de fond de la petite histoire.

La maison au bord du canal est aujourd’hui connue comme étant la maison d’Anne Frank – Anne Frank Huis. Mais bien avant les drames de la Seconde Guerre Mondiale, elle a connu plusieurs vies, plusieurs familles, toute une histoire. Ainsi, Thomas Harding propose de découvrir cette grande histoire et, se faisant, c’est tout un pan de l’histoire d’Amsterdam qu’il nous raconte. De 1580 à aujourd’hui, du marécage à la nature florissante, où les hommes ont choisi de s’installer, au musée qu’est devenue la maison, il nous propose en quelques pages, un véritable voyage dans le temps.

Tour à tour occupée ou vide, la maison au bord du canal a servi d’habitation, d’écurie ou de cachette ; elle a enduré le grand froid, un incendie, le vol de son plancher ou de sa porte d’entrée ; elle a vu la vie s’épanouir en son sein, avant que la mort ne vienne prendre un mari, la maladie toute une population, les soldats des innocents… Mais toujours elle est restée debout et, pour que jamais les humains n’oublient le drame, un musée a vu le jour en souvenirs d’une jeune fille souriante et de sa famille.

Les illustrations de Britta Teckentrup viennent donner vie à cette histoire avec un charme désuet mais intemporel qui se prête au temps qui passe. J’aime particulièrement sa façon de nous montrer la maison au travers de plans de vue larges qui nous tiennent à distance, puis de plans plus rapprochés, légèrement floutés par la fenêtre à travers laquelle l’illustratrice choisit de nous montrer un instant, comme pour ne pas pénétrer dans l’intimité des familles, avant d’enfin nous emmener à l’intérieur, derrière cette porte dérobée, dans l’annexe où Anne Frank rédigeait son journal.

Beaucoup d’émotions accompagnent la lecture, il est vraiment touchant de suivre toutes ses familles au fil du temps, de découvrir leur façon de vivre ou les événements qu’ils ont traversé. De fait, il est intéressant d’avoir ajouté des informations supplémentaires en fin d’ouvrage, ils permettent d’aller un peu plus loin en mettant un nom sur un architecte, une mère de famille ou encore un artisan… La maison au bord du canal est un album sensible et intelligent à découvrir en famille. Le point de départ qu’est la maison permet d’aborder des événements majeurs de notre Histoire sans risquer de choquer les plus jeunes.

Bravo et merci aux éditions La Partie d’en avoir rendu la lecture accessible en français !

En plein cœur d’Amsterdam, au bord du canal, se trouve une maison. Elle est là depuis quatre cents ans ou presque. Elle a connu le raffinement comme le délabrement total. De riches personnes l’ont habitée, comme de très pauvres. La porte d’entrée était parfois ouverte, parfois fermée – à cause du froid, de la peste noire, ou parce que l’on s’y cachait pour fuir les persécutions. Ce fut le cas de la famille d’une jeune fille juive, qui a écrit son journal intime dans cette « vieille maison sur le canal ». Cette jeune fille s’appelle Anne Frank, et son journal est aujourd’hui mondialement célèbre.

manga

Mars – Perfect Edition (2023)

Mars, bunbokan (2006)

Auteure : Fuyumi Soryo

Traductrice : Xavière Daumarie

Editeur : Panini Manga

Collection : Shojo

Pages : 378 x2

Volume : 2/8 (en cours)

Publié pour la première fois en France entre février 2003 et juin 2005 au format de 15 volumes + un recueil d’histoires courtes, Mars revient dans une nouvelle édition qui s’inscrit dans la lignée des Perfect Edition proposés chez divers éditeurs : un format plus grand dont chaque volume compile deux volumes de la première édition. Pour l’occasion, un travail a été fait avec la traductrice pour revoir et mettre à jour sa traduction.

Fan de la première heure, c’est avec plaisir que je me suis replongée dans les pages de ces deux premiers volumes. Cette réédition m’a tout de suite séduite par son format et la qualité de ses couvertures plus épurées, plus élégantes. Je considère ce titre comme un petit chef d’œuvre du genre shojo manga car, si on y retrouve les clichés de la romance lycéenne, on s’aperçoit assez rapidement de la maîtrise narrative de sa mangaka qui a su apporté une certaine originalité à son récit au travers de personnages à la personnalité forte, nuancée par leurs vécus respectifs et le lien qui se tisse entre eux.

Je perçois de la couleur en Kashino. Une couleur violente et belle… triste, aussi.

Rei est au premier abord un garçon très sociable qui semble détaché de tout, il flirte avec les filles avec la même intensité qu’il parcourt les circuits de courses sur sa moto. Très populaire auprès de ses camarades, il donne l’impression d’être une tête brûlée. De son côté, Kira est très sage, très timide, elle se fait discrète et évite les autres par crainte de se faire remarquer. Passionnée par le dessin, elle semble se complaire dans la solitude et combler les rapports humains dans les émotions que son art lui procure. Si leurs personnalités ne sont à priori pas compatibles, les deux adolescents vont se rapprocher peu à peu, attirés l’un par l’autre par la force que leur confère leur passion respective et la compréhension qu’ils ont l’un de l’autre.

Tu m’as dit que tu m’avais abordée dans le parc avant de réaliser ce que tu faisais. C’est pareil pour moi. Tout à coup, j’étais en train de te parler. Et sans m’en rendre compte, je suis tombée amoureuse de toi.

Ainsi le tome 1 se concentre sur la présentation des personnages principaux et leur entourage proche. L’auteure appuie leurs différences pour renforcer l’impression d’incompatibilité entre eux et notre incompréhension, ainsi que celles de leurs camarades de classe, d’assister à un rapprochement qui, de plus en plus, apparaît comme inévitable. Une amitié s’installe entre les deux protagonistes et, en même temps que se jouent des drames, la force de leur attachement s’intensifie. Confrontés au suicide, aux difficultés familiales ou encore au harcèlement scolaire, Rei et Kira tracent leur chemin main dans la main. Ces sujets majeurs du récit viennent en nourrir la trame et permettent de faire progresser les héros dans le développement de leur personnalité propre mais également dans leur relation à l’autre.

Derrière son apparente insouciance, Rei dévoile peu à peu une personnalité violente et un caractère autodestructeur qui se retrouve dans sa passion pour la course à moto et sa conduite mordante. Bientôt pourtant, la présence de Kira, lui permet de se calmer et de reprendre contact avec la réalité. Car la jeune fille pose un regard dénué de jugement, un regard aiguisé par son sens artistique qui lui permet de voir au-delà des apparences. Rei vient lui apporter du courage et de la force, il lui offre aussi une certaine sécurité et montre aux autres qu’elle n’est pas si dénuée d’émotions ou d’intérêts qu’ils le pensaient. On trouve probablement ici l’origine de leur relation amoureuse, le soutien qu’ils s’apportent respectivement est porteur et leur permet de grandir.

Kyoko disait que les circuits sont habités par des anges et des démons… Seigneur, faites que les anges sourient à Kashino.

Si la fin du volume amène les premiers éléments pour comprendre que toute cette violence trouve probablement ses racines dans la douleur de la perte et un sentiment d’abandon, il faut attendre le tome 2 pour découvrir la tragique histoire de la famille de Rei et la profondeur des blessures qu’il porte en lui comme autant de problèmes non résolus. En effet, alors que Rei participe aux 8 heures de Suzuka – une course d’endurance moto courue sur le circuit de Suzuka – Kira réalise un portrait de lui qui sera exposé dans une galerie. Ce tableau amène de nouveaux personnages tout droit sortis du passé de Rei. Ils viennent introduire l’histoire du jeune homme et de son frère jumeau, Sei, tout en interrogeant sa situation propre et notamment sa capacité à avancer, à grandir, alors qu’il semble avoir fui plutôt que d’avoir fait son deuil.

En même temps ils viennent confronter Kira à ses propres doutes quant à sa place auprès de celui qu’elle aime de plus en plus. Que lui trouve Rei ? Que/Qui voit-il en elle ? N’est-elle pas un substitue ? En tant que lecteur on ne peut que remarquer les similitudes entre Kira et Sei, et se positionner dans un questionnement similaire au sien. Pourtant, la sincérité de Rei et la confrontation direct mettent en avant les dissemblances entre ces deux personnes qui se trouvent essentiellement dans la capacité de Kira à affronter les problèmes de front et à ne pas les laisser la submerger. Elle accepte également Rei avec sa part d’ombre et sa part de lumière sans remettre en question sa passion qui pourtant le confronte au danger.

Pourquoi courir au prix de telles souffrances ?
Si je lui posais la question, ça reviendrait au même que de me demander à moi pourquoi je dessine. Probablement parce que je suis en vie…

J’aurais encore beaucoup à dire sur ces deux premiers volumes. Si l’écriture de ses personnages et de son récit sont déjà de qualité, j’aime aussi énormément le style graphique, précis et pourtant épuré, de Fuyumi Soryo. Son trait est parfaitement maitrisé, qu’il s’agisse de ses personnages ou des différents lieux de l’action, les proportions sont respectées et s’approchent de la réalité. On pourra aussi saluer le travail éditorial sur le choix du papier, le style de la couverture avec ses inscriptions en reliefs, l’ajout d’un marque-page ou encore la préface de début de volume qui ne manque pas d’intérêt. Un seul bémol : l’absence de marge gène parfois la lecture, les bulles de dialogues étant ponctuellement mangées par la zone de reliure.

Kira Asou est une jeune fille très renfermée sur elle-même, qui cherche sans cesse à éviter le contact avec autrui. Sa rencontre avec Rei Kashino, le garçon le plus populaire du lycée, mais aussi le plus casse-coup, lui sera déterminante. C’est ce garçon qui aime la vie plus que tout, lui qui n’a pas peur des sensations fortes, qui parviendra à la faire sortir de son cocon. Leur rencontre se passe dans un jardin public. Alors que Kira dessinait, le jeune homme vient l’aborder pour lui demander son chemin. Celle-ci lui dessine un plan au dos de sa feuille. C’est alors que le dessin l’émeut, de par sa beauté et son symbolisme: une mère avec un enfant, quoi de plus naturel? Sauf que pour quelqu’un qui n’a jamais eu réellement de mère, c’est une chose merveilleuse. C’est ainsi qu’il fait tout pour se rapprocher de la jeune fille. Plusieurs obstacles viendront se dresser entre eux, mais cela ne fera que renforcer leur amour déjà grand dès les premiers jours. 

roman ado

Fé M Fé (2015/2023)

Auteure : Amélie Dumoulin

Editeur : Québec Amérique

Collection : Magellan

Pages : 232

Fé, quatorze ans, vie légèrement en marge du monde dans lequel elle évolue. Elle voue un grand amour à son violoncelle, partage son temps entre les bizarreries de Lucie et le magasin de tissus où elle aide sa mère à choisir les pièces les plus moches possibles dont cette dernière tire des tee-shirts originaux qu’elle vend sur internet. C’est lors d’une de ces virés tissus que Fé découvre un petit salon de coiffure dans un petit coin reculé de la foule, presque coupé du reste du monde. A l’intérieur, Félixe, à peine plus âgé qu’elle, lave les cheveux des clients. L’attirance est immédiate.

Fé M Fé est le récit d’une rencontre et d’un premier amour. Mais c’est aussi un roman « tranche de vie » dans lequel on suit une jeune héroïne atypique et son petit cercle de proches. Amélie Dumoulin nourrit ainsi son environnement de liens familiaux forts et d’amitiés aussi rares que précieuses. Les différents personnages amènent chacun une couleur différente à l’histoire et permettent à l’auteure d’aborder des thèmes divers, éléments perturbateurs ou formateurs tels que la dépression d’un proche ou le besoin de connaître ses racines.

Si les premières pages m’ont surprise, j’ai vite été séduite par la plume de l’auteure, très familière, sincère et naturelle. Le langage coloré du français québécois nous plonge littéralement dans le quotidien de ces personnages vivant dans un quartier de Montréal, le Mile End, ne nous les rendant que plus réels. C’est aussi un excellent moyen de voyager en nous immergeant dans la langue du pays où se déroule l’histoire. Au final on se rend compte que certains mots inconnus n’ont besoin d’aucune traduction tant leur interprétation fait sens. Et pour les mots les plus compliqués, on pourra toujours se rapprocher du lexique proposé en début d’ouvrage.

Je remercie Babelio et les éditions Québec Amérique de m’avoir permis de faire la connaissance de Fé et de son univers coloré.

Félixe remet le bébé pigeon qu’elle vient de trouver dans sa sacoche. Elle m’embrasse d’un côté, s’arrête, me fixe – ses joues sont toutes rouges d’excitation -, elle m’embrasse tout doucement de l’autre côté, puis repart sur son vélo à toute vitesse.
_ Je vais le sauver, Fé, tu vas voir, il va devenir grand, il va aller à l’université !
Je la regarde partir. Je pose la plume sur mon nez. En temps normal, je crois pas que je pourrais tomber en amour avec une fille. Mais une fille qui sauve un pigeon et qui l’appelle Clint, je pense que je vais faire une exception.