roman ado·roman young adult

Wendigo (2023)

Auteure : Rebecca Lighieri

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Médium +

Pages : 256

L’histoire prend place dans un quartier pavillonnaire de Marseille. Selma, treize ans (presque quatorze) nous raconte son frère, Ivo, quinze ans. Toujours à part, différent, il vit sa puberté avec intensité, change physiquement mais aussi de comportement, il semble prendre ses distances avec la famille. De son côté, l’adolescente aborde les changements qui s’opèrent en elle avec plus de simplicité, observant la différence de son frère comme le signe de la fin d’une époque, mais surtout le signe d’un renouveau dans lequel elle n’a pas vraiment sa place.

Mais bien au-delà des changements provoqués par la puberté, ce sont ceux qui s’effectuent sur la planète qui viennent appuyer la transformation d’Ivo et d’autres jeunes en animaux, ou l’apparition de nouvelles espèces végétales à la croissance accélérée. Les adultes semblent à peine conscients des changements climatiques, ils sont complètement aveugles à ces nouveautés que seuls les adolescents constatent. Une façon pour l’auteure de mettre en avant la lucidité des jeunes d’aujourd’hui sur la destruction de notre environnement ?

Oscillant entre la normalité du quotidien de Selma et l’intensité fantastique de celui d’Ivo, le roman tend vers le merveilleux. En utilisant l’hypersensibilité de ses personnages, Rebecca Lighieri aborde le sujet assez méconnu de la thérianthropie qui consiste en la transformation totale ou partielle d’un humain en animal. En faisant des recherches sur les thérians j’ai été très surprise de découvrir que c’est un phénomène qui existe, la transformation est plutôt de l’ordre spirituel et/ou psychique mais cela est considéré comme une dysphorie d’espèce (en France on préfère utiliser le terme transespèces).

Si j’ai vraiment aimé l’utilisation de la transformation animale pour illustrer l’effondrement du monde, le manque d’explications rationnelles a été un frein à un enthousiasme total, la fin du roman basculant complètement dans le fantastique avec l’arrivée de créatures surnaturelles et l’utilisation d’une forme de magie spirituelle. J’ai regretté que cela arrive sans prévenir et change complètement l’ambiance du récit pour aboutir à un final qui laisse pas mal de questions en suspens.

Pour autant, je ne peux pas dire que je n’ai pas apprécié ce roman car Wendigo est écrit d’une plume moderne et agréable qui se lit avec plaisir. J’ai été sensible au message écologique et j’ai vraiment trouvé sympa l’utilisation de la thérianthropie comme expression de l’impact sur l’homme de la destruction de la planète. Le personnage de Selma est agréable, je me suis attachée à elle plutôt facilement, ses réflexions sur les événements qui s’enchainent sont souvent pertinentes et sa relation à son frère façonne définitivement sa personnalité. Les références à l’œuvre de Füssli sont également intéressantes et invitent à la réflexion sur notre rapport à l’art et à la réalité en opposition à l’imagination.

Wendigo est donc un roman que je trouve très actuel et que j’ai pris plaisir à lire. Seule la fin ne m’a pas complètement convaincue. En attendant, je ne manquerai pas de poursuivre l’aventure avec d’autres œuvres qui utilisent la transformation animale comme réponse à l’effondrement avec notamment le film de Thomas Cailley, Le Règne animal ou la série TV Sweet Tooth.

***

Selma s’est habituée aux bizarreries de son grand frère. Ivo a toujours été un peu étrange, différent des autres garçons de son âge. Mais depuis peu, elle le sent s’éloigner d’elle. Elle sait qu’il sort chaque nuit et qu’il rentre au petit matin en catimini, comme si de rien n’était. Où court-il ainsi ? Qui rejoint-il ? Selma est prête à le suivre pour le découvrir. Le secret d’Ivo va la faire basculer dans une autre réalité à la fois merveilleuse et terrifiante.

8 commentaires sur “Wendigo (2023)

  1. Vous êtes plusieurs à avoir des avis mitigés dont les justifications me freinent. Du coup je repousse sans cesse la lecture malgré la brièveté du texte😅

    1. Un avis reste subjectif 😉 Franchement j’ai aimé ma lecture, je l’ai même recommandé à mes filles. Mais il n’empêche que le manque d’explication m’a gêné et que le final ne m’a pas emballée 😀

      1. On est d’accord mais étant assez difficile à ce sujet sur les lectures jeunesse, ça me fait craindre de ressentir la même chose 😅

  2. Je me retrouve à 100% dans ta lecture. Tu évoques très justement la poésie avec laquelle ce roman parle de l’adolescence, mais aussi de la crise écologique et des liens complexes entre humains et animaux. Mais j’ai aussi été dérangée (pas seulement à la fin mais déjà, disons, à partir de la moitié) par le poids accordé à des transformations surnaturelles pour résoudre les énigmes au coeur de l’intrigue. Je n’ai rien contre le surnaturel si c’est sous la forme d’une expérience de pensée : que se passerait-il si certains humains se transformaient en animaux (un peu comme dans Félines de S. Servant, même si ce n’est pas exactement le même propos). Mais ici l’intrigue est construite autour de cette fameuse transformation dont on aspire à cerner les tenants et aboutissants – c’est frustrant de voir tout expliqué (et la suite de l’intriguée tirée) par une série d’événements qui sortent de nulle part !

    1. oui cette fin qui tombe un peu de nulle part m’a dérangé et pas du tout satisfaite. J’attendais des réponses plus précises mais j’ai l’impression que l’auteure avait besoin de garder cette part d’imaginaire très vive jusqu’au point final.

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