roman jeunesse

Skandar et le Vol de la Licorne (2022)

Skandar and the Unicorn Thief

Auteure : A.F. Staedman

Traductrice : Alice Delarbre

Editeur : Hachette

Pages : 464

Skandar touche enfin son rêve du bout des doigts. Il est arrivé sur l’Île afin de découvrir s’il fait parti des élus liés à une licorne depuis la naissance. Si son arrivée n’avait déjà rien de conventionnel, l’adolescent n’est pas au bout de ses surprises et s’apprête à vivre une expérience tout aussi magique que dangereuse.

Je dois bien avouer que la couverture ne m’attirait pas plus que le titre, et je ne l’aurais probablement jamais lu sans de solides recommandations. Pourtant Skandar et le vol de la Licorne n’est pas un mauvais roman avec son récit fantastique dans lequel des adolescents s’apparient à des licornes pour former une duo capable de se battre pour leur survie quand il ne s’agit tout simplement pas de gagner la Course du Chaos censée apporter statut et gloire.

On ne parle pas ici de licornes telles qu’on les voit partout s’afficher en peluche, porte-clé et autres tee-shirt. Non, non ! Loin de la licorne pailletée aux couleurs de l’arc-en-ciel, il est question ici de créatures sanguinaires au tempérament de feu. Elles tirent leurs pouvoirs des éléments dont elles ont un atout partagé avec leur cavalier. Mais je dois bien avouer que je n’ai pas été transporté par le récit qui ressemble à tant d’autres du même genre avec ses créatures fantastiques, son combat pour le bien et son école de formation réservée à une poignée d’élus.

Il y a de jolies choses pourtant, j’ai notamment apprécié que le texte aborde la différence, l’exclusion et le rejet, le harcèlement également, comme autant de sous-thèmes qui portent les personnages à souhaiter se dépasser et montrer qu’ils ont de la valeur. C’est d’autant plus vrai pour Skandar qui porte une différence majeure en plus d’un héritage douloureux à porter. Je ne pense pas lire la suite mais j’ai déjà recommandé ce roman à Juliette qui va, à n’en pas douter, adorer !

Je remercie mes copinautes pour la découverte de ce titre : Isabelle et Lucie.
Et je vous invite à lire également le billet de Tachan.

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Skandar Smith a toujours eu un rêve : chevaucher une licorne. Etre l’un des rares chanceux à faire éclore une licorne. A s’unir à elle pour la vie. A s’entraîner dans le but de remporter avec elle la course la plus prestigieuse. Et devenir un héros.
Mais alors que le rêve de Skandar s’apprête à devenir réalité, les événements prennent un tour très dangereux. Un mystérieux ennemi a volé la licorne la plus puissante de l’Île. Et, tandis que la menace plane, Skandar va découvrir un secret qui pourrait faire voler toute sa vie en éclats…

Lecture à voix haute·roman ado·roman jeunesse

Jefferson fait de son mieux (2022)

Auteur : Jean-Claude Mourlevat

Illustrateur : Antoine Ronzon

Editeur : Gallimard Jeunesse

Pages : 304

Après le succès de Jefferson chez nous – notamment auprès de Juliette qui en a fait son livre de chevet (je suis bien incapable de dire combien de fois elle la relut) – l’annonce d’une suite fut accueillie avec grand enthousiasme. Ma demoiselle la d’ailleurs dévoré dès sa sortie mais il m’aura fallu plus de temps pour me lancer et, si j’ai apprécié la lecture, je n’y ai pas retrouvé le plaisir ressenti à la lecture du premier tome.

Simone, la lapine dépressive rencontrée lors de l’expédition Ballardeau, prend de court Jefferson et Gilbert, son ami de toujours, lorsqu’elle annonce être partie par besoin de changer d’existence et notamment de la remplir de l’amitié et de l’affection qui lui font défaut. Les deux amis se lancent à sa recherche, persuadés que Simone n’est peut-être pas aussi en sécurité qu’elle l’affirme. Bientôt accompagnés du vieux et sage blaireau, Mr Hild et de l’inimitable Walter Schmitt, ils tentent d’élucider le mystère de ce départ précipité en suivant les quelques traces laissées derrière la lapine.

C’est toujours un plaisir de lire Jean-Claude Mourlevat dont la plume séduit par l’ironie discrète qui vient questionner innocemment notre jugement, nous faisant rire en dénonçant des sujets de société graves qui méritent une attention particulière. Cette nouvelle aventure de Jefferson attire l’attention du lecteur sur la solitude et la fragilité dans laquelle elle peut plonger les personnes qui en souffrent. Déstabilisées, elles deviennent des cibles idéales pour des personnes sans scrupules capables de manipuler leurs émotions pour en tirer avantage.

Pourtant, abordé à la manière d’un bon polar et porté par une sacrée équipe de personnages qui ne manquent ni d’humour, ni de ressources, le sujet divertit tout en donnant à réfléchir. Si j’adhère complètement au précédé, le sujet m’a mise mal à l’aise et j’ai vraiment peiner à suivre les aventures du hérisson détective dès lors qu’on comprend qu’il est question de manipulation dans sa forme la plus extrême, bien que le texte ne manque ni de subtilité ni bienveillance. J’imagine que c’est un sujet trop sensible pour moi… En tout cas, Juliette a pris beaucoup de plaisir à retrouver Jefferson et à suivre la petite équipe de détectives, même si elle a nettement préféré le premier.

Je vous invite à lire les avis d’Isabelle et de Lucie.

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Quatre ans après la mémorable expédition Ballardeau, la vie a repris son cours tranquille pour Jefferson. Jusqu’à ce coup de fil de Gilbert, le cochon : « _ Jeff ! Viens vite ! _ Comment ça, viens vite ? Tu es où ? _ Je suis chez Simone. Il y a un lézard. _ Il y a quoi ? _ Un truc qui cloche. Viens. _ Mais c’est où ? J’ai pas de voiture, moi. » Découvrant que la gentille lapine dépressive a disparu, les deux compagnons filent sur ses traces… et au-devant de bien des ennuis.

roman jeunesse

Mémoires de la forêt – Les souvenirs de Ferdinand Taupe (2022)

Auteur : Michaël Brun-Arnaud

Illustratrice : Sanoe

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Neuf

Pages : 301

Ferdinand Taupe arrive à la librairie de Bellécorce pour récupérer le livre qu’il y a laissé des années plus tôt. Atteint de la maladie d’oubli-tout, il a besoin de ses Mémoires d’Outre-Terre pour essayer de retrouver ses souvenirs et son épouse, Maude. Lorsqu’il comprend qu’Archibald Renard vient de le vendre à un acheteur mystérieux, il lui confie l’urgence de sa situation et, à l’aide de quelques photographies, ils organisent leur périple à travers la forêt en quête des souvenirs de la vieille Taupe.

Michaël Brun-Arnaud signe un premier roman emprunt de poésie pour raconter la maladie d’Alzheimer en la mettant à niveau d’enfants. Les mots sont toujours bien choisis et les symptômes de la maladie parfaitement mis en scène. L’auteur ayant exercé pendant dix ans dans l’accompagnement de personnes atteintes de cette maladie, on sent l’impact que cela a eu sur lui et l’influence que cette expérience a pu avoir sur son écriture. Malheureusement cela n’a pas suffit à m’emporter dans le récit…

En effet, j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher aux personnages et à les suivre dans leur voyage. Un voyage qui m’a semblé trop répétitif avec les déplacements d’un lieu vers un autre et le réveil de souvenirs qu’ils engendrent. C’est certes très bien écrit, très bien décrit même et j’ai été touchée par l’évocation de la manifestation des souvenirs, mais il m’a manqué un je ne sais quoi de plus consistant pour donner de l’épaisseur au contexte, aux personnages et à leur histoire.

Mes attentes étaient sans doute trop fortes du fait du succès incontesté et la nomination à divers prix de ce titre. C’est probablement le roman jeunesse de 2022 dont on a le plus parlé, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en librairie, et c’est peut-être ce qui a fait que j’en attendais beaucoup… C’est assez frustrant d’ailleurs car j’ai l’impression d’être passée à côté de quelque chose.

L’objet-livre est par ailleurs magnifique, richement illustré par Sanoe qui a su donner un visage à ces animaux anthropomorphes qui peuplent la forêt. Le choix des couleurs, chaudes et pleines de vie vient illuminer le récit et donner forme à un monde à la végétation luxuriante parmi laquelle sont installés maisons et commerces en tout genre. C’est vraiment très joli !

Un avis en demi-teinte pour ces Mémoires de la Forêt qui ne manquent pourtant ni de charmes ni d’émotions, un texte qui véhicule de très jolies valeurs de solidarité et d’amitié.

D’autres avis à découvrir : LiraLoin, LivresdAvril et Tachan.

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Dans la forêt de Bellécorce, au creux du chêne où Archibald Renard tient sa librairie, chaque animal qui le souhaite peut déposer le livre qu’il a écrit et espérer qu’il soit un jour acheté. Depuis que ses souvenirs le fuient, Ferdinand Taupe cherche désespérément à retrouver l’ouvrage qu’il a écrit pour compiler ses mémoires, afin de se rappeler les choses qu’il a faites et les gens qu’il a aimés. Il en existe un seul exemplaire, déposé à la librairie il y a des années. Mais justement, un mystérieux client vient de partir avec… À l’aide de vieilles photographies, Archibald et Ferdinand se lancent sur ses traces en forêt, dans un périple à la frontière du rêve, des souvenirs et de la réalité.

masse critique·roman jeunesse

Les clans du ciel, tome 1. La quête d’Ellie (2023)

Skyborn, book 1. Sparrow Rising (2021)

Auteure : Jessica Khoury

Traductrice : Anath Riveline

Editeur : Bayard jeunesse

Pages : 384

Ellie avait six ans lorsqu’une attaque de gargouilles venues du ciel la priva de ses parents. Sauvée in extremis par une guerrière de la garde royale des Ailes d’Or, elle rêve depuis de rejoindre ce corps d’élite. Mais dans le Royaume des clans, chacun a une place dédiée et les beaux discours n’existent que pour apaiser les esprits : Les Moineaux sont des fermiers, leur travail consiste à cultiver et récoler les graines de tournesol pour produire l’huile nécessaire à lustrer les plumes de leurs ailes ; la garde royale est réservée aux clans d’élite tel que les Aigles, les Eperviers ou encore les Balbuzards…

Ellie est née Moineau et, dès les épreuves de sélection, elle se heurte à l’hostilité et aux mépris de sa communauté. Elle décide alors de prendre son envol pour aller au-devant de son rêve et prendre sa destinée en main. En chemin, elle fait la rencontre d’un trio d’enfants de son âge et se joint à eux pour atteindre la capitale, Thelantis. Guide de l’expédition, Nox, jeune Corbeau, interroge ses motivations et sa vision du monde. Sur le trajet, ils se confrontent à divers dangers et font une découverte surprenante qui pourrait redéfinir les limites du monde tel qu’ils le connaissent, et les amène à prendre des décisions qu’ils n’avaient pas imaginer.

Premier volume d’une série qui s’annonce déjà captivante, La quête d’Ellie est un récit fantastique jeunesse qui tire son originalité par son univers peuplé d’humains ailés auxquels l’auteure donne les caractéristiques communes des oiseaux auxquels ils s’identifient, agrémentées d’une bonne dose de préjugés : les moineaux collectent, les aigles sont royaux, les corbeaux volent… A cela s’ajoutent des traits plus personnels ainsi que, pour certains, des facultés particulières, sorte de magie qui trouve ses origines dans un héritage dont on ne nous dévoile rien pour le moment.

Si la construction narrative suit le même schéma que toutes les séries du genre, celle-ci gagne à être lu pour la richesse de l’univers que Jessica Khoury a su développer, en y insufflant une certaine authenticité. Aventure et péripéties sont eu cœur de l’intrigue dont les enjeux semblent reposer sur un pouvoir politique instable et inégalitaire. On en découvre bien peu sur les gargouilles de pierres qui descendent du ciel pour attaquer ce peuple mais l’auteure nous donne suffisamment d’information concernant leur source de pouvoir pour attiser notre curiosité d’un bout à l’autre du récit.

Le quatuor, formé par les jeunes héros, fonctionne parfaitement. J’avoue avoir un petit faible pour Twig, métis arborant les couleurs de ses deux familles, le noir des Moqueurs et le blanc des Grues. Son histoire est particulièrement dramatique et sa faculté à comprendre les autres espèces ne le rend que plus touchant. Mais Gussie n’est pas en reste avec son intelligence exacerbée et son envie de tout comprendre. Née Faucon, son histoire aurait pu être plus heureuse si son clan n’avait pas voulu imposer sa volonté quant à son avenir.

Par ailleurs, le duo Ellie – Nox apporte ce qu’il faut de tensions pour faire évoluer leur relation mais aussi et surtout leur façon de regarder le monde dans lequel ils évoluent. L’innocence d’Ellie confronte la méfiance de Nox à l’égard des adultes et de la justice faisant de La quête d’Ellie un récit initiatique rondement mené. Je suis conquise ! Il ne me reste plus qu’à patienter pour découvrir la suite déjà annoncée, pour janvier 2024.

Je remercie les éditions Bayard Jeunesse et Babelio pour cette lecture offerte par la Masse Critique Privilège.

Bienvenue dans le Royaume des clans. Ici chacun porte des ailes mais craint les menaces venues du ciel… Ellie rêve de rejoindre la garde royale des Ailes d’Or, qui protège la population des attaques de gargouilles, les monstres tapis derrière les nuages. Mais c’est une mission réservée aux castes supérieures de Faucons ou d’Eperviers, et Ellie est née Moineau. Résolue à participer malgré tout à la course de sélection des gardes, Ellie s’échappe de son orphelinant. Elle croise alors le chemin de Nox, un jeune Corbeau. Il l’entraîne malgré elle dans une aventure périlleuse, qui va bouleverser le destin d’Ellie et sa vision du monde…

roman jeunesse·Service Presse

Nellie & Phileas – Détectives Globe-Trotters, tome 3. Kidnapping à Bombay (2023)

Auteure : Roseline Pendule

Illustratrice : Constance Bouckaert

Editeur : Gulf Stream

Collection : 9-12

Pages : 208

Nellie et Phileas poursuivent leur tour du monde, accompagnés de l’incomparable Passepartout. Arrivés en Asie, ils doivent faire face au manque d’argent et avoir recours à leur ingéniosité pour trouver où dormir et de quoi manger. Si Nellie s’accommode aisément de ce mode de vie, c’est bien plus compliqué pour son ami britannique, habitué à plus d’opulence. Alors qu’ils se font embaucher pour participer au carnaval de Bombay, ils assistent impuissants à l’enlèvement d’une jeune fille. Ouda est la fille du plus riche marchand de la ville et les deux compagnons entendent bien la sauver.

Troisième et dernière aventure de la série, Kidnapping à Bombay nous entraîne à travers l’Asie, de l’île Ceylan au Japon en passant par L’inde et la Chine. La plume, moderne et immersive, de Roseline Pendule joue sur la succession des rencontres et des étapes de l’enquête pour dynamiser le récit qui entraîne le lecteur dans une course effrénée pour libérer Ouda. Le suspens est par ailleurs maintenu jusqu’à la toute fin concernant l’avenir incertain de Nellie dans le monde journalistique.

Au fil des pages, l’auteure distille ça et là des informations historiques qui viennent enrichir le texte et rendent l’histoire pertinente. Comme dans Vol à l’Exposition Universelle, on découvre l’emprunte que l’Europe, et notamment l’Empire britannique, a déposé sur cet autre continent par la colonisation. On y voit aussi une forme d’hostilité entre les indiens et les anglais et des différences de traitements. Cela crée d’ailleurs une certaine tension entre Nellie et Phileas qui ont une façon différente de voir les choses de par leurs pays de naissance mais surtout de par leur statut social très différent.

Pourtant, chacun des deux enfants évolue au fil des volumes de la série, Phileas y gagne en empathie et Nellie en maturité. Son regard journalistique s’aiguise et l’on voit apparaître les prémices de l’engagement qui déterminera son chemin. L’humour est toujours omniprésent grâce aux frasques de Passepartout et on prend plaisir à voir les tours qu’ils jouent à Fix. Récit initiatique, roman d’aventures, série d’enquêtes, Nellie & Phileas est une trilogie divertissante et culturellement riche à découvrir dès 9 ans.

Je remercie les éditions GulfStream pour l’envoi de ce titre en Service Presse et pour leur confiance renouvelée. Je remercie également Roseline Pendule pour ce tour du monde plein de surprises.

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Poursuivant leur périple, Nellie et Phileas, accompagnés du fidèle Passepartout et d’un étonnant compagnon, un macaque roux, sont arrivés en Asie. Mais voilà qu’un jeune danseuse indienne est enlevée au beau milieu du carnaval de Bombay ! La demoiselle n’est autre que la fille du puissant marchand de pierres précieuses de la ville… Heureusement, les jeunes détectives sont sur la piste ! Nellie est ravie : c’est l’occasion rêvée de briller en tant que reporter. Encore faut-il qu’ils sortent vivants de cette enquête qui va les entraîner bien loin de l’Inde… Entre le comportement suspect du marchand et les étranges messages laissés par les kidnappeurs, cette nouvelle aventure n’est pas de tout repos !

roman jeunesse

Les gargouilles de Morne-Ecu (2022)

Auteure : Aurélie Magnin

Illustratrice : Caroline Leibel

Editeur : Alice

Collection : Deuzio

Pages : 132

Fan de l’époque médiévale, j’avais hâte de découvrir ce roman jeunesse dont la couverture promettait une héroïne de caractère et des gargouilles plus terrifiées que terrifiantes. Et je peux dire que j’ai vraiment passé un bon moment en compagnie de ces gargouilles. Découpée en deux parties, l’histoire se déroule sur deux époques : le douzième siècle d’un côté, le vingt-et-unième de l’autre.

Au XIIe siècle, le tailleur de pierre Erec peine à gagner sa vie en vendant les gargouilles qu’il taille pour la nouvelle cathédrale de Fabiourg. Les seigneurs de la ville ne lui paient que la moitié de son dû car il vient de la miséreuse Morne-Ecu. Sa fille, Aélis, dirigée par un puissant sentiment d’injustice, s’apprête à commettre un interdit pour venger sa famille et ses voisins des citadins, se condamnant, ainsi que tous ses descendants, à subir une malédiction. Il faudra attendre d’être de nos jours, pour que Camille, la dernière née de cette famille, puisse se confronter aux légendes de sa famille pour tenter de tous les sauver.

Les gargouilles de Morne-Ecu est avant tout un récit fantastique original et drôle, bien qu’il aborde aussi des thématiques plus sombres telles que le poids de l’héritage, les inégalités sociales et de genre ou encore la cruauté envers les animaux. Les gargouilles sont ici des animaux décriés par leur apparente laideur alors qu’elles ne sont que gentillesse et gloutonnerie. Naïves et maladroites, elles sont pourtant très attachantes et sont des personnages essentiels à l’histoire.

Le récit est bien mené, bien pensé et ne manque pas d’originalité. On pourra cependant regretter l’enchainement un peu trop rapide des événements. Je dois bien admettre que, si le saut dans le temps ne m’a pas gêné et m’a même paru très cohérent, j’aurais aimé passer un peu plus de temps au Moyen-Age. Je pense qu’il y avait matière a nourir un peu plus le récit de magie et de vengeance et à donner un peu plus de consistance aux deux personnages féminins pour les rendre plus attachantes. Cela reste une aventure vraiment sympathique pour initier les jeunes lecteurs au récit fantastique, et passer du temps en compagnie d’adorables créatures.

XIIe siècle – dans le foyer d’Erec, le tailleur de pierre, la misère se fait sentir. Son élevage de gargouilles est en danger. Aélis, sa fille, s’apprête à prendre une décision radicale, portée par la colère et un fort sentiment d’injustice…

De nos jours – dans les boutiques de Mornécuens, d’affreuses figurines de gargouilles rappellent la légende régionale : les deniers spécimens auraient vécu au village. Camille, la descendante d’Aélis, n’y croit pas, mais plus pour bien longtemps…

roman jeunesse

L’Apprenti conteur (2022)

Auteur : Gaël Aymon

Illustrateur : Siegfried de Turckheim

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Neuf

Pages : 152

Charles Perrault a décidé d’envoyer son fils à la campagne avec l’espoir qu’il y trouve l’inspiration qui le fera remarquer à cour de Versailles. A douze ans, Pierre n’aime pas la poésie et lorsqu’il rencontre Mariette, il se laisse facilement convaincre que les contes ont le vent en poupe auprès de Mademoiselle, la fille du roi. Il accepte de rencontrer sa nourrice qui lui raconte une histoire assez pauvre après lui avoir arraché la promesse d’une réécriture plus qualitative. Sur le chemin du retour il fait une terrible rencontre, la première d’une série qui tend à se répéter chaque nuit et dont il ressort avec l’envie frénétique d’écrire des pages et des pages sur son cahier.

Gaël Aymon prend pour point de départ les contes de Ma mère l’Oye en se basant sur l’hypothèse selon laquelle Pierre Perrault, dit Darmancour, en aurait écrit l’essentiel ; son illustre père y aurait ensuite apporté quelques modifications, dont on ne connait pas exactement la teneur, avant de les faire publier. Il peuple son univers de personnages terrifiants, poussant son héros à affronter ses peurs les plus terribles et signe un titre aussi sombre que sa couverture.

Les contes contiennent toutes les peurs des enfants afin qu’ils s’en libèrent.

Mais L’Apprenti conteur va bien au-delà du conte de fées et flirte avec le fantastique en plongeant son personnage principal dans un monde chimérique qui le fait douter des limites de son imagination, poussant également le lecteur à s’interroger sur la frontière entre le réel et l’imaginaire, et sur l’existence d’une vie après la mort.

Car il est ici bien question du temps qui passe et de l’emprunte laissée par le souvenirs de notre passage sur Terre lorsque l’on passe de vie à trépas. Ainsi, si Pierre a besoin de l’écriture pour faire le deuil d’un être cher, la nourrice utilise la plume du garçon pour inscrire ses histoires dans la mémoire collective en le poussant à leur donner une substance plus moderne et en adéquation avec son époque ; époque durant laquelle la transmission orale s’est perdue.

Conte fantastique mais également récit initiatique, L’Apprenti conteur est un roman très sombre qui séduira les amateurs de frissons. L’écriture de Gaël Aymon joue sur l’effet de surprise pour effrayer son héros et son lecteur, sentiment renforcé par les illustrations toutes en noir et blanc de Sigfried de Turkheim qui viennent assombrir un peu plus le récit. L’objet livre est par ailleurs magnifique dans sa mise en page qui introduit chaque chapitre par une citation de chacun des huit contes d’origine en les encadrant de ronces.

Je vous invite à lire l’avis de Tachan.

Pas facile d’être le fils du grand Charles Perrault… A douze ans, Pierre est envoyé à la campagne pour y écrire le recueil de poèmes qui le fera remarquer à Versailles. Afin d’échapper à la corvée, le garçon se dit que collecter des contes auprès d’une vieille nourrice puis les retranscrire ne devrait pas lui demander trop d’efforts. Mais la première histoire, celle d’une petite fille croquée par un loup, n’a ni queue ni tête et tient en trois lignes ! Il faut bien davantage pour captiver des lecteurs. Fort heureusement, Pierre a une imagination débordante et de quoi l’alimenter. Chaque nuit, il fait d’étranges rencontres : une petite Mariette habillée d’un chaperon rouge, un messire Leloup qui porte une barbe aux reflets bleutés, sept petites ogresses… De quoi donner des idées à l’apprenti conteur.

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Les lettres du Père Noël

Letters from Father Christmas

Auteur : J. R. R. Tolkien

Traducteurs : Gérard-Georges Lemaire & Céline Leroy

Editeur : Christian Bourgois

Pages : 208

J’ai découvert les Lettres du Père Noël de Tolkien il y a quelques années, réunies dans un format poche. Séduite par l’histoire qui se dessine sur une trentaine de lettres et plus de vingt années, le format ne m’avait pas convaincu. Aussi la réédition en grand format par les éditions Christian Bourgois m’a sautée dans les mains alors que j’arpentais les allées d’une librairie.

Avec son grand format, sa couverture rigide, sa tranche tissée et son signet en tissu, ce recueil se classe dans la catégorie des beaux livres, faits pour durer. Et cela tombe bien car c’est typiquement le genre d’ouvrage qu’on prend plaisir à relire durant l’Avent d’une année sur l’autre, comme une histoire fractionnée qu’on prendrait plaisir à (re)découvrir chaque jour jusqu’à l’arrivée de Noël.

Si les premières lettres adressées à l’aîné de la fratrie Tolkien ne font que quelques lignes, certaines atteignent les quatre ou cinq pages d’écriture dans lesquelles le Père Noël raconte ses aventures au Pôle Nord avec son assistant Ours Polaire, et plus tard l’elfe Ilbereth. Si certaines années il ne se passe rien d’extraordinaire d’autres, la maison s’est écroulée et il a fallu déménagé et d’autres sont marquées par des guerres avec les gobelins des cavernes. Le tout rythmé par les bêtises d’Ours Polaire.

Christopher, troisième né de la fratrie, est probablement celui qui est le plus enthousiaste de cette correspondance et il écrit au Père Noël avec une rigueur que seule la force des choses restreindra. C’est d’ailleurs à ce fils que nous devons ce livre car il a pris soin de conserver les lettres et les illustrations qui les accompagnaient. La richesse de cet ouvrage tient d’ailleurs dans le fait que les lettres, enveloppes et illustrations de la main de J.R.R. Tolkien servent d’illustrations et laissent une emprunte de ce travail d’écriture qui consistait plutôt en un rituel de Noël pour sa famille.

Si l’édition française joue sur la différence de police d’écriture pour différencier la main de chaque personnage ayant contribué à l’écriture, les lettres d’origines nous montrent la créativité de l’auteur pour qui, écrire ces lettres devait représenter un travail énorme, car il écrivait de façon différente pour chaque personnage. L’écriture tremblotante du Père Noël me semble particulièrement difficile à maitriser, même si j’imagine qu’au fil des ans elle fut plus aisée à réaliser.

Plus qu’un récit d’aventures, Les Lettres du Père Noël, sont une immersion dans l’intimité de la famille Tolkien. Une correspondance étalée sur plusieurs années qui voit naître et grandir les enfants, qui nous raconte les petits rituels de Noël avec notamment le bas de laine que les enfants ne sont autorisés à suspendre qu’un temps, et qui nous rappelle combien l’auteur était créatif.

Chaque mois de décembre, une enveloppe portant un timbre du pôle Nord parvenait aux enfants de J.R.R. Tolkien. A l’intérieur se trouvaient une lettre rédigée dans une étrange écriture arachnéenne ainsi qu’un magnifique dessin en couleur. Ces lettres venaient du Père Noël et racontaient de merveilleuses histoires sur la vie au pôle Nord. La fois où tous les rennes se sont échappés et ont disséminé les cadeaux un peu partout ; La fois où l’ours polaire, sujet aux mésaventures, a grimpé au sommet du pôle Nord et est passé par le toit de la maison du Père Noël pour tomber dans la salle à manger ; et toutes les fois où des guerres ont éclaté contre la horde de gobelins qui vivent dans les grottes sous la maison !

De la première lettre adressée au fils aîné de Tolkien en 1920 à la dernière lettre poignante adressée à sa fille en 1943, cette nouvelle édition propose plusieurs éléments inédits tout en faisant la part belle aux reproductions charmantes des lettres, illustrations et enveloppes décorées. Une formidable célébration pour les lecteurs de tous âges.

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Escadrille 80 (1986/2017)

Going Solo

Auteur : Roald Dahl

Illustrateur : Quentin Blake

Traducteurs : Janine Hérisson & Henri Robillot

Editeur : Folio

Collection : Junior

Pages : 272

Après les souvenirs d’enfance relatés dans Moi, Boy, Roald Dahl signe une deuxième récit autobiographique qui nous entraîne dans sa vie de jeune adulte. Il n’a qu’une petite vingtaine d’année lorsqu’il est envoyé en Tanzanie par la compagnie pétrolière qui l’emploie. Quelques temps plus tard, la Seconde Guerre Mondiale est déclarée…

Alors qu’il entre dans la vie active, le tout jeune homme est animé d’un fort désir de voyager à travers le monde, d’aller à la découverte de pays dont il ne connait rien, là où la faune et la flore sont un dépaysement rien que par le nom qu’elles portent, là où il fait chaud et où chaque regard est un émerveillement. L’Afrique représente tout cela à la fois pour le jeune Roald Dahl qui vient chercher l’aventure et l’exotisme.

Avec sa verve habituelle, il nous raconte la beauté des paysages et relate des souvenirs marquants qui ont pimenté son quotidien. Si l’Afrique se révèle pleine de merveilles, Dahl est confronté à plusieurs reprises à sa phobie des serpents. Mais ce n’est pas sans malice qu’il nous raconte comment il a sauvé la vie de son jardinier alors qu’un mamba noir l’approchait par derrière, ou comment le chien de ses voisins fut retrouvé mort alors qu’on tentait de faire sortir un mamba vert de leur maison. Les dangers sont nombreux mais l’auteur réussit toujours à nous faire sourire, voir rire, même dans des situations qui semblent désespérés.

Ces premiers chapitres sont aussi l’occasion de découvrir l’emprunte de l’homme blanc sur le peuple africain. La colonisation est passée par là, et avec elle la soumission d’un peuple privé de sa culture et de son identité. Si l’on perçoit de la bienveillance et une forme de respect dans les relations de Roald Dahl avec son boy ou encore son jardinier, on ne peut que constater que les anglais ont des postes à responsabilités alors que les africains ont des emplois subalternes qui les placent sous la domination de l’homme blanc. Les échanges de l’auteur avec son employé permettent également de mettre en avant la différence culturelle et de valeurs source d’incompréhensions.

Lorsque la guerre est déclarée, le récit se recentre sur Roald Dahl et son enrôlement dans la Royal Air Force, et sur le conflit qui oppose l’Angleterre au reste de l’Europe. Après une formation éclaire, le jeune homme rejoint l’escadrille 80 auquel il est affecté ; les informations erronées du positionnement de son campement sont à l’origine du terrible accident au cours duquel il subit de très graves blessures qui le clouent au lit pendant de longs mois. Après quoi il repart au front, prêt à affronter les nazis et leurs alliés, prêt à défendre la Grèce, le Moyen-Orient et le canal de Suez.

La poésie du texte renvoie à la beauté des paysages qui, vus du ciel, prennent encore un aspect différent. De la haut, il raconte la sensation de liberté, la solitude et l’oubli momentané des conflits. Bien vite rattrapé par les avions ennemis, le soldat n’oublie pas la fragilité de l’existence, la chance d’être en vie et la peur omniprésente de se faire tuer. Il n’oublie pas non plus sa mère, dont les nouvelles se font de plus en plus rares, son désir de la revoir, la prochaine lettre qu’il lui écrira… Roald Dahl semble porté par les anges, confronté à la mort, il revient toujours, il survit et ne peut que s’étonner de sa chance quand la RAF ne se compose que d’une quinzaine d’avions alors que la Luftwaffe en aligne des milliers bien plus performants et mieux équipés.

Le récit nous raconte aussi ces hommes extraordinaires, morts bien trop jeunes, pour des idéaux auxquels ils croyaient réellement, mais souvent à cause de décisions prises par des bureaucrates trop éloignés de la réalité des combats pour en comprendre la portée. Il nous raconte aussi la guerre comme on ne nous l’apprend pas dans les livres d’Histoire : l’implication de la France de Vichy dans la campagne de Syrie, l’envoi de milliers de femmes italiennes aux soldats de Mussolini pour trompés leur ennui, le manque d’informations communiquées aux soldats britanniques loin de chez eux – Roald Dahl découvrira bien tardivement la capture et l’extermination des juifs par les nazis…

Escadrille 80 est un véritable exercice de mémoire, un témoignage de la Seconde Guerre Mondiale raconté par un soldat britannique, un aviateur de la RAF localisé en Afrique orientale, au Moyen-Orient et en Europe du sud. Enrichi de lettres à sa mère, de photographies prises par l’auteur et de pages de son carnet de vol, Escadrille 80 n’en est pas moins une aventure digne d’une aventure de Roald Dahl, remplie de malice et d’ironie, une aventure qui a la particularité de n’avoir rien de fictif.


Pour découvrir un autre pan de la vie de Roald Dahl, on pourra regarder le téléfilm To Olivia qui revient sur la relation de l’auteur avec son épouse, Patricia Neal, au moment de la perte de leur fille ainée suite à des complications liées à la rougeole. Si le film n’a rien d’exceptionnel, il permet de comprendre comment l’écriture a permis à Dahl de faire son deuil.


Pour découvrir d’autres faits majeurs des combats opposants l’armée britannique aux allemands en Afrique du Nord durant la Seconde Guerre Mondiale, je recommande la série SAS : Rogue Heroes qui revient sur la mise en place de la formation des Special Air Services menés par l’officier David Stirling.

L’aventure mène le jeune Roald Dahl de Londres jusqu’en Afrique orientale. Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, il devient pilote de la RAF. Sillonner les airs à bord d’un Tiger Moth, croiser de mortels mambas verts ou des lions affamés, s’écraser en avion avant de devenir écrivain… Après Moi, Boy, le récit d’un destin haletant, passionnant, et vrai du début à la fin !

(auto)biographie·roman ado·roman jeunesse

Moi, Boy (1984/2017)

Boy, Tales of childhood

Auteur : Roald Dahl

Illustrateur : Quentin Blake

Traductrice : Janine Hérisson

Editeur : Folio

Collection : Junior

Pages : 224

Ce n’est pas vraiment une autobiographie que signe Roald Dahl, mais plutôt une compilation de souvenirs d’enfance, s’appuyant sur sa mémoire, des photographies et surtout une correspondance de plus de quatre cents lettres qu’il a écrite à sa mère et qu’elle a conservé précieusement. Une correspondance régulière mise en place dès l’âge de neuf ans lorsqu’il entre à l’internat ; imposée par le chef d’établissement, c’est une habitude qu’il conservera dès qu’il sera loin de la maison familiale.

A la lecture de Moi, Boy, on constate que, malgré les difficultés, le futur auteur a vécu une enfance heureuse et confortable. Orphelin de père à l’âge précoce de trois ans, il grandit au Pays de Galles auprès de sa mère et de ses frère et sœurs, et passe ses étés en Norvège où la famille rend visite aux grand-parents maternelles. Ces vacances aux allures de robinsonnades semblent faire parties des meilleurs souvenirs de Dahl qui nous raconte les balades en bateau, la visite des îles, la pêche et la consommation du poisson avec beaucoup de précisions et d’émotions.

Ces souvenirs nous permettent de découvrir l’auteur et de penser à l’inspiration qu’ils ont pu être pour ses romans. Mais ils nous permettent aussi de découvrir une époque révolue à laquelle on enlevait les végétations sans anesthésie et l’appendice sur la table du salon, une époque où les jeunes enfants pouvaient se rendre seul à l’école sur leur tricycle sans risquer d’être percutés par une voiture, mais aussi une époque où les petits garçons recevaient des coups de canne à l’école et subissaient toutes sortes de privations, d’humiliations ou de punitions atroces quand ils logeaient à l’internat.

Oui, Roald Dahl nous raconte son enfance avec les bons souvenirs et les moins bons, mais il en parle sans amertume, plus comme d’expériences qui lui ont forgé le caractère et, en grandissant, lui ont permis de nourrir une réflexion sur l’église, la religion et ses préceptes. Loin de cautionner ces méthodes, elles font parties de lui et, en tant que lecteur, on ressent combien les adultes de son enfance lui ont inspiré ceux de ses romans, comment la cruauté et la violence lui ont donné envie de dénoncer ces comportements en se moquant ouvertement de ce type de personnes ou d’institutions dans ses écrits.

Moi, Boy, une autobiographie originale pour découvrir un auteur et revenir aux origines de ses récits. Le tout, illustré par Quentin Blake, de photos de familles et d’extrait de lettres.

L’avis de Lucie.

Toutes sortes de choses extraordinaires sont arrivées à Roald Dahl quand il était petit. Il y a eu la fois où, avec quatre camarades de classe, il s’est vengée de l’abominable Mrs Pratchett dans sa boutique de confiseries. Il y a eu les histoires de vacances en bateau, les aventures africaines et les jours de test des nouvelles inventions de la chocolaterie Cadbury. Vous découvrirez aussi d’affreux écoliers cruels et tyranniques, et l’accident de voiture où le nez de Roald a failli être coupé net… Voyage au cœur des souvenirs de Roald Dahl douloureux ou drôles, mais tous vrais !