Lecture à voix haute·roman ado·roman jeunesse

Jefferson fait de son mieux (2022)

Auteur : Jean-Claude Mourlevat

Illustrateur : Antoine Ronzon

Editeur : Gallimard Jeunesse

Pages : 304

Après le succès de Jefferson chez nous – notamment auprès de Juliette qui en a fait son livre de chevet (je suis bien incapable de dire combien de fois elle la relut) – l’annonce d’une suite fut accueillie avec grand enthousiasme. Ma demoiselle la d’ailleurs dévoré dès sa sortie mais il m’aura fallu plus de temps pour me lancer et, si j’ai apprécié la lecture, je n’y ai pas retrouvé le plaisir ressenti à la lecture du premier tome.

Simone, la lapine dépressive rencontrée lors de l’expédition Ballardeau, prend de court Jefferson et Gilbert, son ami de toujours, lorsqu’elle annonce être partie par besoin de changer d’existence et notamment de la remplir de l’amitié et de l’affection qui lui font défaut. Les deux amis se lancent à sa recherche, persuadés que Simone n’est peut-être pas aussi en sécurité qu’elle l’affirme. Bientôt accompagnés du vieux et sage blaireau, Mr Hild et de l’inimitable Walter Schmitt, ils tentent d’élucider le mystère de ce départ précipité en suivant les quelques traces laissées derrière la lapine.

C’est toujours un plaisir de lire Jean-Claude Mourlevat dont la plume séduit par l’ironie discrète qui vient questionner innocemment notre jugement, nous faisant rire en dénonçant des sujets de société graves qui méritent une attention particulière. Cette nouvelle aventure de Jefferson attire l’attention du lecteur sur la solitude et la fragilité dans laquelle elle peut plonger les personnes qui en souffrent. Déstabilisées, elles deviennent des cibles idéales pour des personnes sans scrupules capables de manipuler leurs émotions pour en tirer avantage.

Pourtant, abordé à la manière d’un bon polar et porté par une sacrée équipe de personnages qui ne manquent ni d’humour, ni de ressources, le sujet divertit tout en donnant à réfléchir. Si j’adhère complètement au précédé, le sujet m’a mise mal à l’aise et j’ai vraiment peiner à suivre les aventures du hérisson détective dès lors qu’on comprend qu’il est question de manipulation dans sa forme la plus extrême, bien que le texte ne manque ni de subtilité ni bienveillance. J’imagine que c’est un sujet trop sensible pour moi… En tout cas, Juliette a pris beaucoup de plaisir à retrouver Jefferson et à suivre la petite équipe de détectives, même si elle a nettement préféré le premier.

Je vous invite à lire les avis d’Isabelle et de Lucie.

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Quatre ans après la mémorable expédition Ballardeau, la vie a repris son cours tranquille pour Jefferson. Jusqu’à ce coup de fil de Gilbert, le cochon : « _ Jeff ! Viens vite ! _ Comment ça, viens vite ? Tu es où ? _ Je suis chez Simone. Il y a un lézard. _ Il y a quoi ? _ Un truc qui cloche. Viens. _ Mais c’est où ? J’ai pas de voiture, moi. » Découvrant que la gentille lapine dépressive a disparu, les deux compagnons filent sur ses traces… et au-devant de bien des ennuis.

Lecture à voix haute·Première lecture·Service Presse

Le vieux et vilain bonhomme dans sa si grande et sinistre bicoque (2022)

Auteur : Jérémy Semet

Illustratrice : Clémentine Pochon

Editeur : Voce Verso

Collection : Ginko

Pages : 24

La collection Ginko des éditions Voce Verso propose des livres accessibles aux enfants qui débutent en lecture. Classées en trois niveaux de difficulté, les histoires visent un lectorat d’âge divers tant par son contenu que par la quantité d’écriture. Le vieux et vilain bonhomme est une histoire de niveau trois et s’adresse donc à des enfants déjà lecteurs.

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Le grand et vilain bonhomme, écrivain en panne d’inspiration, est un être déprimé vivant seul dans une vieille maison délabrée, entouré des personnages de papier qui peuplent ses histoires : un vampire, un zombi, un yéti et un loup-garou. Des créatures fantastiques issues d’un folklore sombre et morbide qui renvoient à la tristesse du vieux et vilain bonhomme et appuient le sentiment de perte et de deuil qui l’entoure. Il faut attendre l’apparition du fantôme d’une petite fille pour faire remonter des souvenirs, des émotions et faire revenir l’inspiration.

Jérémy Semet signe un récit qui aborde le sujet grave de la perte avec justesse et pudeur. Son écriture joue sur un effet de répétitions rythmant l’histoire d’une sorte de mélodie agréable à l’oreille. Les filles et moi-même avons apprécié la musicalité des mots lors de la lecture à voix haute qui, d’une certaine manière, apporte un sentiment de réconfort tout en maintenant une note d’optimisme au fil des pages.

A l’image de la couverture du livre, deux couleurs viennent teinter les illustrations de Clémentine Pochon, prenant de plus en plus de place au fur et à mesure que le vieux et vilain bonhomme reprend goût à la vie. Cela ajoute encore à la musicalité de l’histoire, la couleur se posant telle des notes de musique sur la partition.

Le vieux et vilain bonhomme dans sa si grande et sinistre bicoque est un roman touchant et sensible à lire seul dès 7/8 ans… ou en famille.

Je remercie les éditions Voce Verso pour leur confiance et l’envoie de cette jolie lecture.

Un vampire, un zombi, un yéti et un loup-garou essaient de tenir compagnie à un vieux et vilain bonhomme, un écrivain dont l’inspiration s’est perdue à travers les années et les lames de son plancher. Pourtant, là, au-dessus de l’escalier, flotte un petit fantôme qui peut réveiller même…

album·Lecture à voix haute

Gaston Grognon (2018/2020)

Grumpy Monkey

Auteure : Suzanne Lang

Illustrateur : Max Lang

Traductrice : Eva Grynszpan

Editeur : Casterman

Pages : 34

Non mais regardez-moi cette couverture ! Comment résister ? Ce singe a une trogne absolument irrésistible qui annonce la couleur d’une histoire qui ne pourra que faire rire. Pourtant on ressent la mauvaise humeur sur ce visage très expressif, un sentiment renforcé par la couleur rouge qui laisse peu de place à la surprise.

Les albums sur les émotions commencent à se faire nombreux et il est intéressant de voir que c’est un sujet qui se renouvelle, le petit lecteur étant désormais encourager à exprimer ses sentiments, à les accueillir comme ils viennent et à les accepter. C’est bien entendu le cas avec ce Gaston Grognon qui s’est visiblement levé du mauvais pied. Il a beau dire que tout va bien, ses amis sentent bien qu’il est de méchante humeur. Pourtant la journée est si belle ! Quel dommage de ne pas en profiter pour s’amuser…

Suzanne Lang signe un titre irrésistible qui rappelle qu’être de mauvaise humeur est acceptable, même si le ciel est bleu et que le soleil brille. De même il est acceptable de ne pas savoir pourquoi on se sent grognon. Après tout quand on est joyeux, sait-on forcément pourquoi ? C’est drôle, c’est bienveillant et c’est terriblement réaliste. Les illustrations de Max Lang sont par ailleurs magnifiques, ces personnages sont très expressifs et ne manquent pas d’humour.

Gaston Grognon a su faire rire toute la famille et nous avons hâte de découvrir les autres titres de la série.

Aujourd’hui, Gaston le chimpanzé a le dos tassé et le front tout froissé. Il n’a envie de rien. Alors non, malgré ce que disent ses amis, ce n’est pas une belle journée.

Lecture à voix haute·roman ado·roman jeunesse

Anne de Redmond (1915/2021)

Anne of the Island

Auteure: Lucy Maud Montgomery

Traductrice : Laure-Lyn Boisseau-Axmann

Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Collection : Monsieur Toussaint Laventure

Pages : 335

Ce troisième tome de la Saga d’Anne marque définitivement la fin de l’enfance. Alors que ses amis se fiancent ou se marient, Anne part étudier sur le continent à l’Université de Redmond, en Nouvelle-Écosse. Sur place, la jeune femme tissent de nouvelles amitiés et découvrent la vie estudiantine, la vie en pension puis la colocation. Il est assez curieux parfois de découvrir qu’impatiente de rentrer à Green Gables, elle n’y trouve finalement plus sa place et n’aspire qu’à revenir à Kingsport auprès de ses nouvelles amies dans la Maison de Patty. Ces visites restent cependant indispensables pour le lecteur car elles sont l’occasion d’avoir des nouvelles de ceux restés sur l’Île-du-Prince-Édouard.

On sent au fil des pages qu’Anne a besoin d’autres choses et que sa nouvelle vie lui apporte bien plus que l’ancienne. Elle conserve cependant des liens forts avec sa famille et certains amis auprès de qui elle prend toujours plaisir à passer un peu de temps. Même si Diana n’est plus la jeune fille romantique d’autrefois et qu’elle prend une direction différente à celle de son amie de cœur, elle n’en reste pas moins une véritable âme sœur.

La quête du grand amour prend soudain une place très importante dans le quotidien de tous ces jeunes gens qui, bien qu’étudiants, pensent déjà à l’après. Anne semble déterminer à finir vieille fille mais espère encore rencontrer son idéal romanesque au détour d’un chemin. Et comme chacun le sait, l’amour peut prendre les formes les plus inattendues et il suffit parfois de regarder bien plus près de soi que l’on ne le pensait pour le trouver.

Anne de Redmond est le volume de la maturité, celui qui marque un tournant décisif dans la vie des héros de Lucy Maud Montgomery. L’auteure semble prendre beaucoup de plaisir à tourmenter ses lecteurs en repoussant le moment où Anne prendra conscience de la direction que prend son cœur. Un choix qui sert à faire évoluer son personnage plus qu’à maintenir le suspens, les signes étant nombreux depuis le volume précédent pour que la question ne se pose.

La lecture à voix haute de ce troisième volume nous a beaucoup plu même s’il nous a parfois semblé que l’ensemble s’essouffle un peu. Nous avons pris bien du plaisir à suivre les nouvelles aventures d’Anne et il est agréable de voir grandir un personnage. Souvent les romans s’arrêtent alors que l’on aimerait garder les personnages un peu plus auprès de soi, savoir ce qu’ils vont devenir et Lucy Maud Montgomery nous permet d’avoir accès à cet après. C’est agréable même s’il est parfois dommage qu’elle s’éloigne de certains personnages auxquels nous nous sommes attachées. Cela ne nous empêchera pas de poursuivre l’aventure aux côtés d’Anne dans la suite de la série, Anne de Windy Willows.

L’avis d’Isabelle est ICI.

Les mots ne s’inventent pas, ils éclosent. – Lucy Maud Montgomery –

Classiques·Lecture à voix haute·roman jeunesse

Anne d’Avonlea (1909/2021)

Anne of Avonlea

Auteure : Lucy Maud Montgomery

Traductrice : Isabelle Gadoin

Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Collection : Monsieur Toussaint Laventure

Pages : 344

Anne a choisi de rester auprès de Marilla à Green Gables et d’enseigner à l’école d’Avonlea tout en poursuivant ses études par correspondance. Il n’est pas si loin le temps où elle parcourait la nature avec Diana à imaginer des histoires digne des contes de fées les plus fous. Pourtant, on sent que la jeune fille gagne en maturité, elle devient plus sage et sait où vont ses priorités. Entre l’enfance et l’âge adulte, Anne est, à l’image des jeunes filles de son époque, la tête pleine de projets et de rêves. Mais ses rêves sont parfois source de réflexions complexes qu’elle n’est pas toujours prête à affronter car, contrairement à Diana, elle sait qu’elle ne pourra se contenter de la sécurité d’un mariage, elle a aussi besoin de s’épanouir dans ses études et de se réaliser.

Deuxième volet de la saga, Anne d’Avonlea, nous amène à nouveau sur l’île du Prince Edouard auprès de l’inimitable Anne Shirley. Entre son nouveau voisin au mauvais caractère, les jumeaux recueillis par Marilla qui lui mènent la vie dure et ses nouvelles amitiés, Anne continue à s’entourer d’âmes sœurs et à profiter de la vie sur sa belle île. L’écriture est toujours aussi agréable; les émotions sont dépeintes avec beaucoup de réalisme et de pudeur; l’humour omniprésent apporte beaucoup à l’ensemble et allège des situations parfois plus sombres et difficiles. Anne n’a pas fini de nous étonner et c’est toujours un bonheur que de la suivre.

Les descriptions très nombreuses empreignent le texte, l’asseyant dans le monde de son auteure. En effet, Lucy Maud Montgomery, originaire de l’île, dépeint les paysages et la vie de ses habitants avec de nombreux détails donnant une valeur documentaire à son roman qui nous en apprend toujours plus sur les us et coutumes de l’époque. L’héritage culturel et religieux est très fort et guide les personnages dans leur quotidien et leur éducation. Si Anne a des idées novatrices pour l’époque en terme d’éducation, prônant la bienveillance et l’égalité enfant/adulte, elle s’appuie beaucoup sur les textes bibliques pour asseoir des valeurs de respect et d’entraide, d’amour et de tolérance. Cela est déroutant parfois mais fait sens avec le personnage et son histoire.

Anne d’Avonlea est un second tome intéressant qui a su séduire ma demoiselle qui en redemandait toujours plus, faisant de cette lecture à voix haute un moment de partage très enthousiasmant pour nous deux ; un moment qui n’aura durer que peu de jours mais que nous avons prolonger en sortant le troisième tome.

L’avis d’Isabelle est à lire ICI.

A quoi bon avoir de l’imagination, si ce n’est pour voir la vie à travers les yeux des autres ?

Classiques·Lecture à voix haute·roman jeunesse

Anne de Green Gables (1908/2020)

Anne of Green Gables

Auteure : Lucy Maud Montgomery

Traductrice : Hélène Charrier

Editeur : Monsieur Toussaint Louverture

Pages : 382

Chronique du 20 Février 2021

Anne Shirley est une héroïne pleine de vie et d’imagination. Intelligente et pétillante, elle a tôt fait de se faire une place dans la communauté d’Avonlea. Au fil des saisons et des rencontres, Anne nous fait découvrir la vie insulaire sur l’île-du-Prince-Edouard, province de l’est du Canada, d’une communauté au début du vingtième siècle. Féministe involontaire, Anne est à l’image de la jeune femme moderne de son époque, une jeune fille résolument optimiste et tournée vers l’avenir, un avenir qu’elle se dessine grâce à sa persévérance et son imagination illimitée.

Écrite en 1908, l’histoire est un magnifique témoignage de vie qui reste indémodable de part les thématiques abordées et la personnalité pétillante et attachante de sa jeune héroïne. Les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous propose une réédition de qualité avec une couverture cartonnée magnifiquement illustrée par Paul Blow. Recouverte d’un papier irisé, elle reflète magnifiquement les couleurs du couchant. Par ailleurs, le choix du papier et les pages cousues en font un ouvrage de qualité fait pour durer. On attend la suite avec impatience.


MISE À JOUR – Mars 2022

Avant d’attaquer la lecture du deuxième tome, je me suis lancée dans une lecture à voix haute de ce premier volume afin de faire découvrir à Gabrielle ce texte si cher à mon cœur. Un texte que je prends toujours autant de plaisir à relire au fil des années, plaisir rendu encore plus grand par la qualité de cette édition dont la couverture suscite toujours autant d’admiration. Comme je le disais récemment dans le billet Premières lignes #19, Gabrielle aime beaucoup ce genre de textes classiques mais elle n’apprécie pas souvent de les lire de son côté car, si la beauté du texte et des mots est au rendez-vous, elle trouve malgré tout assez lourd le côté désuet et le langage qui ne reflète plus notre époque.

Trop bavarde, Anne est pleine de cette exubérance que Gabrielle apprécie peu chez les gens en général, des gens trop bruyants à son goûts et qui prennent trop de place au détriment des personnes plus réservées. Très romantique, Anne Shirley a pourtant su toucher son cœur, même si ses dialogues interminables lui ont souvent fait lever les yeux au ciel. Elle a su reconnaître les qualités de cœur de l’héroïne, sa bonté et sa volonté à s’améliorer sans pour autant taire celle qu’elle est. Je peux affirmer que Gabrielle a su se retrouver en Anne sur bien des aspects notamment sur son amour des « grands » mots, sa maladresse, son besoin d’être aimée et cette façon de réagir de façon colérique.

Son désir de m’écouter lire la suite dans la foulée prouve qu’elle a vraiment apprécié Anne de Green Gables, un roman qui l’aura touché et bien fait rire.

Âme de feu et de rosée, elle ressentait les plaisirs et les peines de la vie avec une intensité décuplée.

Lecture à voix haute·roman ado

La cité des brumes oubliées (1980/2021)

Kiri no mukou no fushigina machi

Auteure : Sachiko Kashiwaba

Traducteur : Nesrine Mezouane

Editeur : Ynnis

Pages : 144

Depuis quelques temps maintenant, les éditions Ynnis étoffe leur catalogue de titres rendus célèbres par leur adaptation pour le cinéma par le studio Ghibli. A l’origine du film d’Hayao Miyazaki, Le Voyage de Chihiro, il existe ce petit roman de moins de cent cinquante pages, La cité des brumes oubliées. Ce roman fantastique est le premier récit d’une auteure qui aura par la suite publiée plus de soixante-dix ouvrages. A ce jour, elle n’avait jamais été traduite en français. Ce qui est assez surprenant car son récit s’inspire clairement de récits occidentaux dont l’auteure explique avoir été influencée dès l’enfance.

Alors qu’elle passe habituellement les vacances d’été à Nagano, Lina est envoyée dans la Vallée des brumes où une connaissance de son père l’attend. Accueillie par une vieille femme au caractère épouvantable, Lina comprend rapidement qu’elle ne passera pas l’été à s’amuser. Grand-mère Picotto entend bien la faire travailler pour gagner sa pitance. Au fil des jours et des lieux où elle est envoyée travailler, Lina découvre que la Rue Extravagante n’abrite que quelques résidents permanents, descendants de sorciers qui, tous, vivent sous l’adage :

Qui ne travaille pas ne mange pas !

La cité des brumes oubliées et Le Voyage de Chihiro sont clairement deux œuvres différentes qui n’ont que peu de choses en commun : un univers magique, une fillette pleurnicheuse, un grand-mère acariâtre, une pièce surchauffée, un florilège de personnages aussi divers qu’attachants. Là où Miyazaki inscrit son film dans le folklore japonais tout en incluant de nombreuses références occidentales, Sachiko Kashiwaba encre son récit dans la culture occidentale dont la littérature a accompagné son enfance, développé son imaginaire et donné le goût de la lecture et de l’écriture.

L’écriture intemporelle et le lexique rendent la lecture accessible dès que l’enfant est capable de lire seul de façon fluide. Alors que le film, lui, ne passe pas toujours facilement auprès des plus jeunes : les esprits et divers créatures pouvant paraître effrayantes. Après la lecture, Gabrielle et moi avons pris le temps de regarder le film. Ce film est vraiment très beau mais je n’arrive jamais à être complètement séduite par l’ambiance parfois horrifique. Par contre Gabrielle, qui ne l’avait vu qu’une seule fois, et n’en gardait aucun autre souvenirs que celui d’avoir eu peur – sans doute était elle trop jeune – a vraiment apprécié même si elle n’aime pas Kaonashi, le sans-visage, dont le comportement est assez déroutant et dégoutant.

La cité des brumes oubliées est au final un roman fantastique où la magie prend une place importante mais laisse s’exprimer de belles valeurs plus humaines : récit initiatique, il fait appelle à la sensibilité et à la générosité pour venir en aide à son prochain. Lina apprend de son expérience et de ses rencontres qui lui permettent d’acquérir la maturité et l’autonomie qui lui faisaient défaut. C’est une lecture qui séduira toute la famille pour peu que l’on prend le texte comme une œuvre à part entière. Il est dommage que le récit soit si court car, comme Lina, on aurait aimé que ce moment dure un peu plus longtemps.

Si vous aimez l’univers de Miyazaki, je vous conseille fortement cette série de podcast en huit épisodes : Philosopher avec Miyazaki, réalisée par FranceCulture.


L’avis de Gabrielle

J’ai bien aimé. On pourrait penser que le livre serait pareil au Voyage de Chihiro de Miyazaki, mais pas du tout ! C’est dans un univers assez différent que ma mère m’a plongée lors de cette lecture à voix haute. Amusant, le livre nous a apportées beaucoup de fous rires à ma sœur, qui écoutait un chapitre de temps en temps, et moi. C’était trop bien !

Partie seule dans un lieu reculé pour les vacances, Lina se perd dans un épais brouillard. Lorsque la brume se dissipe enfin, la jeune fille découvre au cœur de celle-ci un village incongru… peuplé de personnages mystérieux et hauts en couleur. Coincée dans la pension d’une vieille mégère à la tête bien trop grosse, Lina va alors travailler dans des boutiques plus extravagantes les unes que les autres pour regagner sa liberté au cours d’un voyage d’apprentissage rythmé par des rencontres inoubliables.

Classiques·Lecture à voix haute·roman

Arsène Lupin contre Herlock Sholmès (1908/2022)

Auteur : Maurice Leblanc

Editeur : Gallimard jeunesse

Collection : Folio Junior – Textes classiques

Pages : 336

Avec Gabrielle, nous continuons notre découverte des aventures d’Arsène Lupin. Ce deuxième recueil avait un attrait supplémentaire pour la demoiselle puisque notre gentleman cambrioleur y affronte Herlock Sholmès. Il est évident dès les premières pages que cette version du célèbre détective anglais n’est qu’une pâle copie, que dis-je, une carricature, du héros créé par Sir Arthur Conan Doyle. On comprendra que ce dernier n’aie pas apprécié de voir ses héros tournés en ridicule.

Arsène Lupin contre Herlock Sholmès est un recueil de deux nouvelles qui font suite à la dernière publiée dans Arsène Lupin Gentleman cambrioleur, Herlock Sholmès arrive trop tard. Dans la première, intitulée La Dame Blonde, Herlock Sholmès est appelé à l’aide quand la police française se trouve confronté à un vol qui devient bientôt une affaire plus complexe impliquant un enlèvement, un assassinat et un bijou volé… Dans la seconde nouvelle, La Lampe juive, le détective est appelé en France par le baron d’Imblevalle, à qui on a volé une lampe contenant un précieux bijou. Alors que Lupin demande à Holmès de ne pas intervenir dans cette affaire, le jeu n’en est que plus tentant et il accepte l’enquête dont le résultat ira à l’encontre des intérêts du cambrioleur qui, cette fois-ci, voulait aider la famille du baron.

Dans ce deuxième recueil, on retrouve un Arsène Lupin au meilleur de sa forme. Il fait preuve d’espièglerie dans ses rapports à Herlock Sholmès, ne manquant jamais d’humour et d’esprit pour arriver à ses fins. Il aime tourner en dérision la police française et ce cher inspecteur Ganimard qui en arrive à le laisser faire comme il l’entend, préférant garder la tête haute que de devenir la risée de l’opinion publique toute à Lupin et ses méthodes. La rencontre entre Sholmès et Lupin est un moment délicieux pour le lecteur, une discussion autour d’un verre dans un restaurant, un échange cordiale, un défi lancé comme une invitation à jouer, comme pour pimenter une affaire trop facile.

On pourrait regretter que Herlock Sholmès et son fidèle ami Wilson ne soient que la parodie des héros de Conan Doyle, pourtant, tout à la lecture et au plaisir de lire les aventures d’Arsène Lupin, cela ne nous a pas gênées. Je crois que nous avons pris ces deux personnages comme s’ils n’existaient que sous cette identité. J’avoue avoir pensé au début que Maurice Leblanc devait être un grand amateur de Sherlock Holmes et souhaitait rendre hommage à son auteur mais il apparait rapidement que c’est plutôt une façon de se moquer et peut-être aussi de se détacher de ce surnom, que lui aurait donné son éditeur pour le motiver, de « Conan Doyle français ».

En tout cas, pour nous Arsène Lupin contre Herlock Sholmès est un récit humoristique qui ne nous a ni fait perdre notre intérêt pour la série de Maurice Leblanc, ni nous détourner de celle de Conan Doyle. Après tout, nous avons affaire à deux grands auteurs qui s’illustrent dans des registres proches en se positionnant dans des camps opposés. La finesse de l’écriture et l’intelligence des enquêtes nous ont a nouveau conquises, de même qu’Arsène Lupin nous a de nouveau séduites par sa nonchalance apparente, son charme et son humour caustique.

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Qui a volé le célèbre diamant bleu ? Arsène Lupin, bien sûr ! Pour coincer l’insaisissable détective du monde, l’Anglais Herlock Sholmès en personne. Entre ces génies s’engage un duel où tous les coups sont permis !

album·anglais·Lecture à voix haute

How the Grinch Stole Christmas (2016)

Auteur : Dr. Seuss

Illustrateur : Dr. Seuss

Editeur : HarperCollins

Pages : 56

Au pays des Whos, il est un individu solitaire et grincheux qui vit seul dans une caverne au nord de la ville, le Grinch. Chaque année, l’approche de Noël rend les Whos heureux car tous les Whos aiment Noël. Le Grinch, lui, déteste Noël. Personne ne sait vraiment pourquoi mais il a vraiment du mal à supporter la période de l’Avent et encore plus les festivités qui vont avec. Aussi cette année, il a l’idée diabolique d’empêcher Noël d’arriver en volant aux Whos leur fête. Mais une fois son forfait accompli, le Grinch est surpris par la réaction de ses voisins.

Grand classique de la littérature enfantine américaine, How the Grinch Stole Christmas ! est né de l’imagination du Dr. Seuss, qui n’était absolument pas médecin puisqu’il travaillait comme caricaturiste pour la presse américaine. Il s’est cependant rendu célèbre en écrivant pour les enfants suite à la lecture d’un article sur l’analphabétisme qui concluait qu’ils n’apprenaient pas à lire car les livres étaient ennuyeux. En réduisant à 250 mots une liste de mots usuels indispensables, il écrit The Cat in the Hat qui sera suivi d’autres ouvrages du même acabit.

Ce qui surprend agréablement à la lecture du texte anglais est la forme rythmique du phrasé. En effet, bien que limité en mots, le récit est écrit en vers ce qui ajoute une touche humoristique et musicale à la poésie du texte. Par ailleurs, le trait caricatural du Dr. Seuss est conservé pour donner vie à des personnages qui ne manquent ni d’originalité ni de vie. Le Grinch, avec sa couleur verte et ses airs démoniaques, se révèle intelligent et drôle. Manipulateur, menteur, il surprend cependant par son opportunisme qui révèle un fond meilleur qu’il n’y parait. How the Grinch Stole Christmas ! est un album à découvrir pour sa forme langagière, son humour caustique et ses valeurs.

Every Who Down in Who-ville Liked Christmas a lot…

But the Grinch, Who lived just north of Who-ville, Did NOT !

Lecture à voix haute·roman jeunesse

L’affaire du cheval qui savait compter (2021)

Auteure : Natacha Henry

Editeur : Rageot

Pages : 192 pages

Berlin, la foule se presse dans une cour de la rue Griebenow pour assister au spectacle de Hans, le cheval. Tapant le sabot sur le sol, l’animal répond aux questions de son maître. Sans jamais se tromper, Hans le malin répond à des questions de calcul, de lecture ou d’harmonie musicale. Son propriétaire, Wilhelm von Osten, ancien enseignant, l’a éduqué comme il l’aurait fait avec ses élèves. Parmi les spectateurs, on rencontre Théo, un jeune homme qui travaille à l’université aux côtés du scientifique, Oskar Pfungst.

Mais il y a surtout Charlotte, une jeune fille qui rêve de faire les études que la mort de son père a interrompues faute de moyens. Curieuse par nature, la jeune fille mène son enquête, bientôt admise, disons plutôt tolérée, dans le cercle de scientifiques venus étudier le célèbre cheval. Car si Oskar Pfungst l’accepte et reconnaît son intelligence, ce n’est pas le cas des autres messieurs qui pensent que la science et les femmes n’ont rien en commun et doivent être tenus à distance. Nous sommes en 1904 et si l’on peut avoir des doutes sur l’intelligence d’un cheval, pour de nombreux hommes, il n’y en a aucun sur son absence chez la femme.

Heureusement, Charlotte est bien entourée. Et grâce à une cliente régulière de l’épicerie familiale, un nouveau monde va s’ouvrir à elle, un monde qui donne l’accès à la culture à tous, gratuitement : la bibliothèque. Bona Peiser a en effet était la première bibliothécaire allemande et a contribué à la professionnalisation des jeunes filles dans ce métier.

Dans L’affaire du cheval qui savait compter, Natacha Henry aborde différentes thématiques en s’inspirant de faits réels qui s’inscrivent dans une époque en plein changement. Si la science, et notamment l’intelligence animale, est au cœur de récit, l’auteure n’en profite pas moins pour intégrer une thématique que l’on retrouve dans l’ensemble de ses titres jeunesses : la place des femmes dans la société. Le lien ténu entre les deux domaines se fait naturellement au travers de Charlotte qui s’intéresse à la psychologie animale et cherche à améliorer son existence en exerçant un métier qu’elle aurait choisi et qui la placerait au cœur d’un monde plus riche culturellement. L’amour du livre prend également une place importante tant pour sa valeur éducative que pour les liens sociaux et culturels qu’ils tissent.

L’affaire du cheval qui savait compter est un roman captivant et accessible qui se lit très rapidement. L’écriture est dynamique et le récit ne manque pas d’intérêt. Lu à voix haute cette lecture, partagée avec mes deux filles, nous a séduites par la diversité des thèmes qui se croisent et rappellent le chemin parcouru sur l’intégration des femmes dans la société et sur le rapport homme-animal étroitement lié à la compréhension de l’intelligence de ce dernier.

En fin d’ouvrage, un dossier sur l’histoire de Hans et son propriétaire, sur Oskar Pfungst et Bona Peiser viennent compléter l’ouvrage, prolongeant un peu plus la lecture en l’inscrivant un peu plus dans la réalité.

1904. Berlin, Rue Griebenow. Charlotte se presse parmi la foule venue admirer le pur-sang Hans, qui fait sensation. Du sabot, le cheval compte juste et répond aux questions de son maître ! Animal génial ou bien spectacle truqué ? Pour en avoir le cœur net, la jeune fille enquête. Des sociétés savantes étudient le cheval prodigieux. Un jour, un scientifique invite Charlotte à tester Hans…