(auto)biographie·roman ado·roman jeunesse

Escadrille 80 (1986/2017)

Going Solo

Auteur : Roald Dahl

Illustrateur : Quentin Blake

Traducteurs : Janine Hérisson & Henri Robillot

Editeur : Folio

Collection : Junior

Pages : 272

Après les souvenirs d’enfance relatés dans Moi, Boy, Roald Dahl signe une deuxième récit autobiographique qui nous entraîne dans sa vie de jeune adulte. Il n’a qu’une petite vingtaine d’année lorsqu’il est envoyé en Tanzanie par la compagnie pétrolière qui l’emploie. Quelques temps plus tard, la Seconde Guerre Mondiale est déclarée…

Alors qu’il entre dans la vie active, le tout jeune homme est animé d’un fort désir de voyager à travers le monde, d’aller à la découverte de pays dont il ne connait rien, là où la faune et la flore sont un dépaysement rien que par le nom qu’elles portent, là où il fait chaud et où chaque regard est un émerveillement. L’Afrique représente tout cela à la fois pour le jeune Roald Dahl qui vient chercher l’aventure et l’exotisme.

Avec sa verve habituelle, il nous raconte la beauté des paysages et relate des souvenirs marquants qui ont pimenté son quotidien. Si l’Afrique se révèle pleine de merveilles, Dahl est confronté à plusieurs reprises à sa phobie des serpents. Mais ce n’est pas sans malice qu’il nous raconte comment il a sauvé la vie de son jardinier alors qu’un mamba noir l’approchait par derrière, ou comment le chien de ses voisins fut retrouvé mort alors qu’on tentait de faire sortir un mamba vert de leur maison. Les dangers sont nombreux mais l’auteur réussit toujours à nous faire sourire, voir rire, même dans des situations qui semblent désespérés.

Ces premiers chapitres sont aussi l’occasion de découvrir l’emprunte de l’homme blanc sur le peuple africain. La colonisation est passée par là, et avec elle la soumission d’un peuple privé de sa culture et de son identité. Si l’on perçoit de la bienveillance et une forme de respect dans les relations de Roald Dahl avec son boy ou encore son jardinier, on ne peut que constater que les anglais ont des postes à responsabilités alors que les africains ont des emplois subalternes qui les placent sous la domination de l’homme blanc. Les échanges de l’auteur avec son employé permettent également de mettre en avant la différence culturelle et de valeurs source d’incompréhensions.

Lorsque la guerre est déclarée, le récit se recentre sur Roald Dahl et son enrôlement dans la Royal Air Force, et sur le conflit qui oppose l’Angleterre au reste de l’Europe. Après une formation éclaire, le jeune homme rejoint l’escadrille 80 auquel il est affecté ; les informations erronées du positionnement de son campement sont à l’origine du terrible accident au cours duquel il subit de très graves blessures qui le clouent au lit pendant de longs mois. Après quoi il repart au front, prêt à affronter les nazis et leurs alliés, prêt à défendre la Grèce, le Moyen-Orient et le canal de Suez.

La poésie du texte renvoie à la beauté des paysages qui, vus du ciel, prennent encore un aspect différent. De la haut, il raconte la sensation de liberté, la solitude et l’oubli momentané des conflits. Bien vite rattrapé par les avions ennemis, le soldat n’oublie pas la fragilité de l’existence, la chance d’être en vie et la peur omniprésente de se faire tuer. Il n’oublie pas non plus sa mère, dont les nouvelles se font de plus en plus rares, son désir de la revoir, la prochaine lettre qu’il lui écrira… Roald Dahl semble porté par les anges, confronté à la mort, il revient toujours, il survit et ne peut que s’étonner de sa chance quand la RAF ne se compose que d’une quinzaine d’avions alors que la Luftwaffe en aligne des milliers bien plus performants et mieux équipés.

Le récit nous raconte aussi ces hommes extraordinaires, morts bien trop jeunes, pour des idéaux auxquels ils croyaient réellement, mais souvent à cause de décisions prises par des bureaucrates trop éloignés de la réalité des combats pour en comprendre la portée. Il nous raconte aussi la guerre comme on ne nous l’apprend pas dans les livres d’Histoire : l’implication de la France de Vichy dans la campagne de Syrie, l’envoi de milliers de femmes italiennes aux soldats de Mussolini pour trompés leur ennui, le manque d’informations communiquées aux soldats britanniques loin de chez eux – Roald Dahl découvrira bien tardivement la capture et l’extermination des juifs par les nazis…

Escadrille 80 est un véritable exercice de mémoire, un témoignage de la Seconde Guerre Mondiale raconté par un soldat britannique, un aviateur de la RAF localisé en Afrique orientale, au Moyen-Orient et en Europe du sud. Enrichi de lettres à sa mère, de photographies prises par l’auteur et de pages de son carnet de vol, Escadrille 80 n’en est pas moins une aventure digne d’une aventure de Roald Dahl, remplie de malice et d’ironie, une aventure qui a la particularité de n’avoir rien de fictif.


Pour découvrir un autre pan de la vie de Roald Dahl, on pourra regarder le téléfilm To Olivia qui revient sur la relation de l’auteur avec son épouse, Patricia Neal, au moment de la perte de leur fille ainée suite à des complications liées à la rougeole. Si le film n’a rien d’exceptionnel, il permet de comprendre comment l’écriture a permis à Dahl de faire son deuil.


Pour découvrir d’autres faits majeurs des combats opposants l’armée britannique aux allemands en Afrique du Nord durant la Seconde Guerre Mondiale, je recommande la série SAS : Rogue Heroes qui revient sur la mise en place de la formation des Special Air Services menés par l’officier David Stirling.

L’aventure mène le jeune Roald Dahl de Londres jusqu’en Afrique orientale. Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, il devient pilote de la RAF. Sillonner les airs à bord d’un Tiger Moth, croiser de mortels mambas verts ou des lions affamés, s’écraser en avion avant de devenir écrivain… Après Moi, Boy, le récit d’un destin haletant, passionnant, et vrai du début à la fin !

(auto)biographie·roman graphique

Le Passage intérieur – Voyage essentiel en Alaska (2022)

Auteur : Maxime de Lisle

Illustrateur : Bach Mai

Editeur : Delcourt

Pages: 80

A ce moment de son existence où il sent qu’il a besoin d’un changement, Maxime de Lisle organise avec ses amis une expédition en kayak à la découverte du Passage Intérieur, qui s’étend au-delà de l’Alaska jusqu’en Colombie Britannique, au Canada. Si leur objectif avoué est de voir des baleines et des ours, les trois hommes vont pourtant aller à la rencontre de leur moi intérieur et revenir transformés. Par ailleurs, ce voyage va bien au-delà de la découverte d’un espace sauvage ; en quittant la France, Maxime et ses amis vont aussi faire le constat du dérèglement climatique, ce qui va engendrer une réflexion et un besoin d’action.

Avant tout autobiographique, Le Passage Intérieur – Voyage essentiel en Alsaka est aussi un guide pratique à destination de tous ceux qui souhaiteraient entreprendre l’aventure. Avec ses pages informatives, la bande dessinée prend aussi la forme d’un carnet de voyage superbement illustré. Bach Mai a un trait réaliste qui semble poser sur le papier visages expressifs et paysages à couper le souffle comme s’il captait l’instant présent et le photographiait. Le choix d’utiliser le noir et blanc ponctué de couleurs renforce l’impression de journal intime tenu au jour le jour, illustré d’aquarelles à l’image de la faune et de la flore locale, de photographies et agrémenté de notes pratiques et de citations d’auteurs. Cela procure un sentiment d’intimité qui captive et entraîne dans l’immensité des paysages, desquels l’illustrateur retranscrit toute la beauté dans ces pages. Les planches en double pages sont carrément époustouflantes – celle de la danse des baleines m’a littéralement mise les larmes aux yeux.

Ce voyage au bout du monde civilisé amène une réflexion écologique forte lorsque les comparses découvrent que la main de l’homme se tend aussi loin que possible, dénaturant les grandes forêts dans les coins les plus reculés et provoquant inévitablement un bouleversement des écosystèmes. Le réchauffement climatique, visible dans des lieux encore sauvage, interroge les hommes qui, soucieux de sauver ce qui peut encore l’être, en oublieraient presque le froid, la fin et la fatigue auxquels ils s’exposent par ce voyage aux limites du monde et d’eux-mêmes.

Premier livre des deux auteurs, Le Passage intérieur se présente comme un guide pour celles et ceux qui rêvent de se lancer dans l’aventure. C’est surtout le journal intime d’un moment essentiel, la prise de conscience de l’extrême fragilité de notre planète bleue.

(auto)biographie·roman ado·roman jeunesse

Moi, Boy (1984/2017)

Boy, Tales of childhood

Auteur : Roald Dahl

Illustrateur : Quentin Blake

Traductrice : Janine Hérisson

Editeur : Folio

Collection : Junior

Pages : 224

Ce n’est pas vraiment une autobiographie que signe Roald Dahl, mais plutôt une compilation de souvenirs d’enfance, s’appuyant sur sa mémoire, des photographies et surtout une correspondance de plus de quatre cents lettres qu’il a écrite à sa mère et qu’elle a conservé précieusement. Une correspondance régulière mise en place dès l’âge de neuf ans lorsqu’il entre à l’internat ; imposée par le chef d’établissement, c’est une habitude qu’il conservera dès qu’il sera loin de la maison familiale.

A la lecture de Moi, Boy, on constate que, malgré les difficultés, le futur auteur a vécu une enfance heureuse et confortable. Orphelin de père à l’âge précoce de trois ans, il grandit au Pays de Galles auprès de sa mère et de ses frère et sœurs, et passe ses étés en Norvège où la famille rend visite aux grand-parents maternelles. Ces vacances aux allures de robinsonnades semblent faire parties des meilleurs souvenirs de Dahl qui nous raconte les balades en bateau, la visite des îles, la pêche et la consommation du poisson avec beaucoup de précisions et d’émotions.

Ces souvenirs nous permettent de découvrir l’auteur et de penser à l’inspiration qu’ils ont pu être pour ses romans. Mais ils nous permettent aussi de découvrir une époque révolue à laquelle on enlevait les végétations sans anesthésie et l’appendice sur la table du salon, une époque où les jeunes enfants pouvaient se rendre seul à l’école sur leur tricycle sans risquer d’être percutés par une voiture, mais aussi une époque où les petits garçons recevaient des coups de canne à l’école et subissaient toutes sortes de privations, d’humiliations ou de punitions atroces quand ils logeaient à l’internat.

Oui, Roald Dahl nous raconte son enfance avec les bons souvenirs et les moins bons, mais il en parle sans amertume, plus comme d’expériences qui lui ont forgé le caractère et, en grandissant, lui ont permis de nourrir une réflexion sur l’église, la religion et ses préceptes. Loin de cautionner ces méthodes, elles font parties de lui et, en tant que lecteur, on ressent combien les adultes de son enfance lui ont inspiré ceux de ses romans, comment la cruauté et la violence lui ont donné envie de dénoncer ces comportements en se moquant ouvertement de ce type de personnes ou d’institutions dans ses écrits.

Moi, Boy, une autobiographie originale pour découvrir un auteur et revenir aux origines de ses récits. Le tout, illustré par Quentin Blake, de photos de familles et d’extrait de lettres.

L’avis de Lucie.

Toutes sortes de choses extraordinaires sont arrivées à Roald Dahl quand il était petit. Il y a eu la fois où, avec quatre camarades de classe, il s’est vengée de l’abominable Mrs Pratchett dans sa boutique de confiseries. Il y a eu les histoires de vacances en bateau, les aventures africaines et les jours de test des nouvelles inventions de la chocolaterie Cadbury. Vous découvrirez aussi d’affreux écoliers cruels et tyranniques, et l’accident de voiture où le nez de Roald a failli être coupé net… Voyage au cœur des souvenirs de Roald Dahl douloureux ou drôles, mais tous vrais !