Elles sont trois sœurs. Les filles de la folle. Unies par la force des choses et dans l’adversité. Submergées par une mère qui pleure celui qu’elle a aimé et perdu, elles craignent de reproduire les erreurs de celle qui leur a donné la vie, de se confronter aux mêmes choix, aux mêmes tentations et au même oubli.
Poétique et brutal, Stéphane Servant nous raconte l’adolescence et les émotions dévastatrices qui submergent les corps en pleine transformation, le désir qui nait au creux des corps qui grandissent, des corps bousculés qui se cherchent dans l’abandon sauvage de l’étreinte amoureuse comme pour affirmer un désir de vivre. En peu de mots, il se fait le témoin de ces sœurs qui s’éloignent pour se découvrir, et se retrouvent pour affronter le monde et ses tentations.
Les illustrations en noir et blanc de Lisa Zordan expriment toute la poésie et le lyrisme des émotions qui accompagnent le passage à l’âge adulte, dans ce qu’il a de plus pur et de plus animal. Deuxième voix, elles jouent un rôle entier de narration, appuyant la noirceur des émotions qui bouleversent et la lumière des corps qui s’épanouissent hors de leur chrysalide.
Je vous invite à faire un tour sur L’île aux trésors pour découvrir l’avis éclairé de son capitaine.
« Nous, blotties, crasseuses. Un seul et unique pelage d’enfance. Nous sommes trois sœurs. Les trois filles de la folle. »
La langue poétique de Stéphane Servant rencontre les images fantasmagoriques de Lisa Zordan pour un roman qui nous parle d’amour, de déchirures et de tempêtes, avec une force brute et une beauté rare.
Avec ses cinq montagnes l’île de Turbin est déjà reconnaissable mais lorsqu’on s’en approche, c’est pourtant le brouhaha permanent qui indique sa position. Sans relâche, les habitants travaillent pour répondre aux demandes, que dis-je, aux ordres du roi Dontontairalenom qui attend de ses sujets constance et régularité. La rêverie et la flânerie ne font pas partis de son plan économique. Pinces à mollets, suppositoires-aux-orties et potirons dodus sont là pour booster les troupes en leur donnant un bon coup de fouet et ne surtout pas lambiner. Lasses de ne pouvoir lire les livres qu’ils fabriquent, les habitants finissent pas se mettre en grève !
A l’heure où le gouvernement vient de réformer les retraites en reculant notamment l’âge légal du retrait du monde du travail, les éditions Rue du Monde ont remis en avant, sur leurs réseaux sociaux, ce texte d’Alain Serres qui interroge le monde du travail et la consommation, et fait l’éloge du temps libre et de la lecture en particulier. Si la forme m’a séduite de par un texte drôle qui tend vers la satyre sociale, critiquant la société consumériste, et les illustrations tout aussi comiques de PEF, je reste moins convaincue par le fond qui m’a semblé peut-être un peu trop formel et didactique pour être totalement pertinent.
TRAVAILLER moins pour LIREplus n’en est pas moins un titre accrocheur qui donne à réfléchir au monde dans lequel nous souhaitons vivre, un monde qui laisse de la place aux loisirs et aux vacances…Par ailleurs, valoriser la lecture comme moyen de s’évader et de s’épanouir en dehors du travail ne peut être qu’une très belle idée ! A bon entendeur…
Sur l’île Turbin, on fabrique des livres, beaucoup de livres mais, on n’a pas le temps d’en lire un seul ! Il faut toujours travailler plus ; c’est le bon roi Dontontairalenom qui l’exige. Mais un jour, pourtant, un grand rêve ose traverser l’île : TRAVAILLER MOINS POUR LIRE PLUS…
Deuxième semaine des vacances d’hiver durant laquelle la Tv a pris le dessus sur la lecture. Gabrielle était seule à la maison, Juliette étant en stage d’escrime.
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Que lisent-elles à 13 ans 1/2 ?
Pour Gabrielle donc, il y a eu la lecture de la suite tant attendue de Spy x Family, elle s’est essayée à la bande dessinée Furieuse qui ne l’a pas du tout convaincue et a surtout pris le temps de commencer le préquel d’un roman qu’elle avait adoré et il semblerait que celui-ci la transporte tout autant puisqu’elle a du mal à le poser quand elle prend un moment pour lire…
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Que regardent-elles à 13 ans 1/2 ?
La semaine a été plutôt riche en films puisque Gabrielle a profité de l’absence de sa sœur pour voir des films qui lui faisaient envie depuis plus ou moins longtemps. Il y a tout d’abord eu Ratatouille, revu dans le cadre du rituel « dimanche animation », suivi d’une séance cinéma pour voir Les Têtes givrées, un film à portée écologique sympathique. Nous avions Cher Evan Hansen dans la liste de livre à acheter mais c’est finalement le film qui nous est d’abord tombé entre les mains. Enorme coup de cœur pour la demoiselle qui a pour la première fois apprécié une comédie musicale. Il faut dire que l’ambiance teen-movie portée par un ado différent a un certain attrait à ses yeux. Elle écoute la bande son en boucle depuis, elle attend le livre avec impatience. Enfin, elle a enfin vu Gladiator qu’elle rêvait de voir depuis un moment déjà et qui lui a beaucoup plus même si la fin a été difficile d’un point de vue émotionnel ; elle souhaitait revoir Les secrets de Dumbledore c’est chose faite… Du côté des séries, elle a juste attaqué la troisième saison de Kaguya-Sama : Love is War, avec son frère.
Seize affiches, associées chacune à un texte, pour un peu plus de seize enfants et adolescents qui viennent parler de leur rêve d’un monde plus juste dans lequel il y aurait plus de place pour s’amuser et où les enfants pourraient décider de ce qui est bon pour eux, que ce soit dans l’assiette ou dans leur vie de tous les jours. Certains appellent à la fin des frontières tandis que d’autres veulent être plus libres, des filles veulent les mêmes droits que les garçons et d’autres veulent être libre d’aimer qui elles veulent.
S’inspirant des affiches révolutionnaires telles qu’on les voit encore dans livres d’Histoire, Alex Cousseau et Henri Meunier proposent un album qui invite à repenser le monde, à en redéfinir les limites afin que chacun puisse accéder à la culture, à l’éducation, que chacun puisse être aimer pour ce qu’il est, aimer qui il veut, choisir son destin et voyager sans se soucier des frontières. Au fil des textes on se prend à rêver avec eux d’un monde plus juste.
A quoi rêve-t-on aux quatre coins du monde quand on a 7, 9, 13 ou même 16 ans ? De s’amuser plus, de partir en vacances, de contester l’autorité abusive, d’abolir les frontières… Parfois, le rêve consiste juste à s’évader du cauchemar de la vie réelle.
Il est son ami d’enfance, son meilleur ami, celui avec qui elle a tant partagé depuis la petite enfance, mais cette année, il n’est plus le même. Il a grandi, il est devenu plus beau et elle a d’avantage conscience de sa présence. Ce n’est pas seulement parce que la cage d’ascenseur lui parait plus petite, c’est surtout son cœur qui bat plus vite, les papillons qui volent dans son ventre. Il est tellement plus qu’un ami… Mais comment le lui dire ? Et s’il ne ressentait pas la même chose ? Elle tente de lui écrire une lettre, de poser les mots sur le papier pour rendre ses émotions palpables. Mais s’il la rejetait ? Si elle le perdait ?
Je ne dirai pas le mot raconte le premier amour, les émotions que cela soulève et la difficulté de les exprimer par les mots, par peur qu’ils ne soient pas partagés. Aimer n’est qu’un mot mais l’exprimer est bien plus difficile que de le dire. Madeleine Assas parvient à nous faire revivre les sensations d’un premier amour avec les doutes et les craintes qui l’entourent, mais aussi avec tout le courage qu’il faut pour embrasser ce nouveau sentiment en osant enfin lui donner une chance d’exister. Son héroïne s’interroge sur le poids des mots dans la construction d’une relation, tout en se confrontant à la réalité d’un attachement qui n’a pas besoin d’être nommé pour exister. Un texte plein de justesse !
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Ils sont amis d’enfance et habitent le même immeuble. Depuis quelques temps, son regard sur lui a changé, et elle a l’impression que lui non plus ne la regarde pas pareil. Comme si entre eux, inexplicablement, tout était différent. Ou est-ce qu’elle se fait des idées ? SMS effacés, brouillons de lettre qui finissent à la poubelle… Et si mettre un mot – LE mot – sur ce sentiment nouveau, c’était prendre le risque de le perdre ?
Dans la foule matinale qui se presse vers la gare, un manteau rouge attire le regard. C’est Béatrice, jeune vendeuse de gants dans une boutique des Galeries La Brouette. La sourire aux lèvres, elle semble affronter sa routine quotidienne un livre à la main, comme pour tromper l’ennui de sa solitude. Un sac rouage abandonné sur les quais attise sa curiosité. Jusqu’à ce que cette dernière soit la plus forte et que la jeune femme emporte l’objet subtilisé chez elle. Elle y découvre un album photos emplis des souvenirs d’un jeune couple ayant vécu dans les années 30. Béatrice tente alors de rassembler les souvenirs de cette jeune femme qui lui ressemble et de celui qui fut son époux.
Album sans textes, Béatrice est une bande dessinée qui déroule son histoire à la manière d’un storyboard avec ses visuels pris sous différents angles qui permettent de nous faire entrer dans le récit en tant que spectateur et acteur. Les illustrations s’imposent pour nous raconter cette histoire qui s’inscrit dans le temps au travers d’une héroïne qui semble chercher la vie dans le souvenirs d’une autre existence. Parcourant les rues de Paris à la recherche de lieux disparus ou transformés par les années, Béatrice semble combler sa solitude en vivant la vie d’une autre, et alors qu’elle semble enfin avoir trouver le seul lieu encore existant, l’histoire bascule, mélangeant réalité et imaginaire, présent et passé.
Pour son premier titre, Joris Mertens frappe fort en livrant un récit qui joue uniquement que le visuel pour transmettre les émotions fortes et justes de la solitude et du désir de vivre et d’aimer. Au travers de sa jeune héroïne, il raconte aussi l’enfermement et les risques de se couper du monde en vivant une vie qui ne nous appartient pas. L’alternance couleurs/noir et blanc permet de jouer sur le temps et la répétition d’une situation à travers les époques, le sac devenant le portail et gardien des souvenirs d’une vie passée. Béatrice séduit sur le fond et la forme, et encourage à découvrir les futurs titres de l’auteur.
Béatrice prend chaque jour le train pour se rendre au travail. Dans la cohue de la gare, un sac à main rouge attire son attention. Jour après jour, à chaque passage dans la gare, il semble l’attendre. Succombant à sa curiosité dévorante, Béatrice, en emportant l’objet chez elle, ouvre les portes d’un monde nouveau…
Ferdinand Taupe arrive à la librairie de Bellécorce pour récupérer le livre qu’il y a laissé des années plus tôt. Atteint de la maladie d’oubli-tout, il a besoin de ses Mémoires d’Outre-Terre pour essayer de retrouver ses souvenirs et son épouse, Maude. Lorsqu’il comprend qu’Archibald Renard vient de le vendre à un acheteur mystérieux, il lui confie l’urgence de sa situation et, à l’aide de quelques photographies, ils organisent leur périple à travers la forêt en quête des souvenirs de la vieille Taupe.
Michaël Brun-Arnaud signe un premier roman emprunt de poésie pour raconter la maladie d’Alzheimer en la mettant à niveau d’enfants. Les mots sont toujours bien choisis et les symptômes de la maladie parfaitement mis en scène. L’auteur ayant exercé pendant dix ans dans l’accompagnement de personnes atteintes de cette maladie, on sent l’impact que cela a eu sur lui et l’influence que cette expérience a pu avoir sur son écriture. Malheureusement cela n’a pas suffit à m’emporter dans le récit…
En effet, j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher aux personnages et à les suivre dans leur voyage. Un voyage qui m’a semblé trop répétitif avec les déplacements d’un lieu vers un autre et le réveil de souvenirs qu’ils engendrent. C’est certes très bien écrit, très bien décrit même et j’ai été touchée par l’évocation de la manifestation des souvenirs, mais il m’a manqué un je ne sais quoi de plus consistant pour donner de l’épaisseur au contexte, aux personnages et à leur histoire.
Mes attentes étaient sans doute trop fortes du fait du succès incontesté et la nomination à divers prix de ce titre. C’est probablement le roman jeunesse de 2022 dont on a le plus parlé, que ce soit sur les réseaux sociaux ou en librairie, et c’est peut-être ce qui a fait que j’en attendais beaucoup… C’est assez frustrant d’ailleurs car j’ai l’impression d’être passée à côté de quelque chose.
L’objet-livre est par ailleurs magnifique, richement illustré par Sanoe qui a su donner un visage à ces animaux anthropomorphes qui peuplent la forêt. Le choix des couleurs, chaudes et pleines de vie vient illuminer le récit et donner forme à un monde à la végétation luxuriante parmi laquelle sont installés maisons et commerces en tout genre. C’est vraiment très joli !
Un avis en demi-teinte pour ces Mémoires de la Forêt qui ne manquent pourtant ni de charmes ni d’émotions, un texte qui véhicule de très jolies valeurs de solidarité et d’amitié.
Dans la forêt de Bellécorce, au creux du chêne où Archibald Renard tient sa librairie, chaque animal qui le souhaite peut déposer le livre qu’il a écrit et espérer qu’il soit un jour acheté. Depuis que ses souvenirs le fuient, Ferdinand Taupe cherche désespérément à retrouver l’ouvrage qu’il a écrit pour compiler ses mémoires, afin de se rappeler les choses qu’il a faites et les gens qu’il a aimés. Il en existe un seul exemplaire, déposé à la librairie il y a des années. Mais justement, un mystérieux client vient de partir avec… À l’aide de vieilles photographies, Archibald et Ferdinand se lancent sur ses traces en forêt, dans un périple à la frontière du rêve, des souvenirs et de la réalité.
Il était une fois un homme fatigué de courir tout le temps, fatigué de travailler sans jamais prendre le temps de se poser, de prendre du temps pour lui. Lorsqu’un matin il prend conscience qu’il a tout oublié, jusqu’à son propre nom, il se rend chez le médecin qui lui dit qu’à force de trop courir, il a fini par distancer son âme au point de la perdre. Un seul remède est possible, ralentir et attendre qu’elle lui revienne.
Invitation à ralentir, Une âme égarée dresse le constat de vies humaines passées à courir pour remplir ses journées au point d’oublier de s’arrêter juste un moment pour penser à soi, faire quelque chose pour soi, voir ne rien faire du tout et juste profiter du moment qui s’offre à nous. Et l’objet-livre nous offre d’ailleurs l’opportunité de vivre l’un de ces moments où l’on prend plaisir à se poser avec un beau livre entre les mains.
Si quelqu’un pouvait nous regarder d’en haut, il verrait que le monde est rempli de gens pressés, qui courent dans tous les sens, fatigués, en sueur, mais il verrait aussi leurs âmes égarées, à la traîne…
Raconté à deux voix, ce conte polonais se lit certes par les mots d’Olga Tokazrczuk mais ce sont principalement les illustrations de Joanna Concejo qui lui donnent sa consistance et offrent au lecteur le plaisir contemplatif propre aux livres illustrés. Lorsque l’on se laisse happer par les dessins au crayon, c’est tout un récit qui s’ouvre devant nous. Là où l’auteure nous raconte la douleur de la perte puis la prise de conscience, l’illustratrice nous raconte le temps passé à courir, puis le temps passé à attendre le retour de cette âme égarée qui, une fois de retour, amène la couleur dans les pages en même temps que de la lumière dans la vie de cet homme qu’il faut arrêter de courir après le temps.
Lorsque l’on prend conscience que les illustrations nous racontent littéralement l’histoire de cet homme, il est aisé de comprendre que cet album en fut récompensé en 2018 par la Mention prix Bologna Ragazzi. Des illustrations qui par ailleurs sont très réalistes et prennent des formes divers qui laissent beaucoup de place aux souvenirs et à la végétation. Impression renforcée par l’utilisation d’un papier à petits carreaux, jauni par le temps, qui donne à l’ensemble des airs de cahier ou de journal familial dans lequel on aurait consigné des souvenirs faits de quelques mots, de dessins ou de photographies. C’est tout simplement magnifique !
C’est une histoire à deux voix, celle de la romancière polonaise Olga Tokarczuk (parmi les plus traduites au monde, lauréate du Man Booker International Prize) et de Joanna Concejo, qui a créé un univers narratif parallèle, merveilleusement illustré par ses dessins captivants et pleins de secrets. Une réflexion profondément émouvante sur notre capacité de vivre en paix avec nous-mêmes, de rester patients, attentifs au monde…
Première semaine des vacances d’hiver placée avant tout sous le signe des devoirs et des sorties avec les copains. Mais on garde de la place pour la culture et, malgré l’arrivée de Hogwarts Legacy qui occupe un peu tout le monde, il y a de belles lectures et un peu de temps réservé à la TV.
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Que lisent-elles à 13 ans 1/2 ?
La bande dessinée est une fois de plus très représentée avec de nouveaux arrivages en médiathèque et dans notre bédéthèque personnelle. Ainsi Gabrielle a découvert le premier volume de Maya, qui interroge le monde qui nous entoure et Le printemps de Sakura qui lui faisait envie depuis très longtemps ; elle a aussi repris la série Olive avec les deux premiers tomes, le quatrième venant d’arriver à la maison. De son côté, Juliette a aimé le premier tome de La légende oubliée de Perceval. Et toutes deux se sont fait plaisir avec la relecture du premier tome des Géants, la lecture du deuxième tome de Ninn et du troisième du Château des animaux.
Du côté des mangas, elles avancent la série jeunesse Quand Takagi me taquine et la série du Vieil homme et son chat qui les amuse beaucoup. Gabrielle a aussi dévoré le quinzième tome de Moriarty.
Et parce qu’elles m’ont vu lire et aimer cet album, elles ont pris le temps de le lire et se sont régalées.
Enfin, parce qu’elle apprécie le format « lecture courte », Gabrielle a pris le temps de lire deux nouvelles. Trois sœurs était sur sa liste d’envie depuis longtemps, fan de Stéphane Servant, elle suit ses publications avec attention. Quant à Je ne dirai pas le mot lui a bien plu pour la beauté des mots et des émotions qui prennent vie sur le papier. Elle est d’ailleurs en demande de ce genre de textes courts qui lui permettent de garder un pied dans la lecture non illustrée sans pour autant lui prendre des semaines car elle manque de temps. Nous allons donc nous pencher sur cette collection « d’une seule voix » et sans doute également élargir ses découvertes sur la collection « court toujours » dont elle a déjà apprécié quelques textes. Mais si vous avez des suggestions, nous sommes preneuses.
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Que regardent-elles à 13 ans 1/2 ?
Du côté des séries, Gabrielle a enfin pris le temps de finir une série d’animation qu’elle regardait avec son frère. N’ayant pas eu l’occasion d’avancer Wednesday elle a profité que son père et moi soyons au même épisode qu’elle pour en voir un de plus. Elle n’a pourtant pas voulu nous suivre sur les derniers de la saison.
Deux petits films ont été vu cette semaine, un film en stop motion pour notre rituel « dimanche animation », petit coup de cœur familial qui aborde l’amitié, le courage et la vie après la mort avec beaucoup de sensibilité et d’humour. Même les souris vont au paradis est adapté d’un livre d’Iva Prochazkova et a fait l’unanimité. Dans un autre style, nous avons vu une autre adaptation d’un roman de Vincent Cuvelier, un film familial plutôt sympathique.
Les rentrées, Zoé connait. Depuis la mort de sa mère, son père a la bougeotte et elle le suit selon les offres d’emploi qui se présentent à lui. Professeur de ukulélé, il vient justement de se faire engager dans un conservatoire qui souhaite élargir son offre de cours. Le ukulélé, ils en partagent le plaisir du jeu. Pour l’adolescente la musique est aussi un moyen de canaliser ses tensions et de se réaliser, d’apporter du concret à sa vie… et d’enchanter celle des autres.
Parmi ces autres, il y a Gloria, sa nouvelle meilleure amie, qui regarde le monde à travers l’objectif de son appareil photo, capturant ce qu’il a de plus beau, et saisissant ces instants de la vie qui donnent envie de se battre et qui permettent d’oublier la maladie, cette assassine qu’elle refuse de nommer pour ne pas lui donner plus de pouvoir qu’elle n’en a déjà.
Il y a aussi Achille, si discret et pourtant si concerné par ce qu’il voit. Très protecteur, il veille sur les plus fragiles et s’assure que tout va bien. Passionné par le skate, il n’aime rien tant que faire des figures pour enchanter le monde de Gloria et lui mettre des étoiles plein les yeux, des yeux qui derrière l’objectif savent si bien voir la beauté artistique qui se dessine sous les pieds de son ami.
Et enfin il y a Ugo dont la mère enseigne le violoncelle dans le même conservatoire que le père de Zoé. Il déverse sa colère sur les autres et connaît mieux le bureau de la CPE que les murs de la salle de classe. Pourtant si on gratte un peu la surface, on découvre un être sensible et bien plus fragile qu’il ne souhaite le montrer. Il n’a pas encore trouvé l’instrument qui lui permettra de s’accorder aux autres mais il sait déjà à quel rythme il doit avancer.
Quatre adolescents, quatre tempos qui tendent à s’accorder sur un même rythme pour avancer côte à côte, car c’est bien connu, à plusieurs on est plus fort. L’écriture poétique et touchante d’Anne Cortey – je découvre cette auteure avec ce titre et je compte bien lire d’autres textes après celui-ci – et ses mots ont littéralement résonné en moi. J’ai vraiment pris plaisir à suivre la balade de ces quatre jeunes qui se cherchent et se trouvent dans l’art. L’art qui prend différentes formes mais tient une place essentielle pour chacun d’eux, entraînant le lecteur sur son passage.
Outre la beauté du texte, j’ai aimé la justesse des émotions dépeintes dans ces figures de l’adolescence, de ces jeunes comme j’aimerais en croiser plus dans la littérature jeunesse, des adolescents qui avancent malgré les coups durs, qui savent se prendre en main et s’entourer d’amis dont les notes résonnent en accords avec les leurs. L’univers artistique me touche tout particulièrement ainsi que la forme du texte qui se déroule aussi naturellement que l’attachement se fait entre les héros.
Par ailleurs, j’aimerais aussi saluer le travail éditorial pour le choix de mettre des pages colorées, vertes en l’occurrence, pour marquer le changement de narration quand chacun des personnages se livre sur son histoire personnelle. Ca peut paraître simple mais ça fait un effet incroyable. Sans oublier les deux illustrations de Cyril Pedrosa, également artiste de la couverture, qui viennent apporter une forme de lumière artistique sur l’ensemble. L’effet est saisissant et fait de cet objet-livre une petite beauté.
Vous l’aurez compris, aucune fausse note pour Les désaccordés. C’est un énorme coup de ❤ !
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Dans la vie il faut se battre. Zoé le sait bien en arrivant dans ce nouveau lycée, avec tous ces nouveaux camarades. A chacun ses manières de se réaliser, contre ses parents, contre la maladie, contre soi-même parfois. Et à chacun ses instruments : un appareil photo pour capturer la beauté du monde, un ukulélé pour l’enchanter, un skate pour le parcourir. Mais seul, c’est toujours plus difficile. Pour Zoé, le moment est venu de jouer collectif.