album

La Cape magique (2022)

Auteure : Nadine Brun-Cosme

Illustratrice : Sibylle Delacroix

Editeur : l’école des loisirs

Collection : Kaléidoscope

Pages : 36

Le Loup quitte sa tanière à la recherche d’un repas de qualité pour se sustenter. Le vent souffle très fort dans la forêt, ralentissant sa progression. Lorsqu’il aperçoit le Petit Chaperon rouge, il croit avoir trouvé son déjeuner, mais l’enfant semble insaisissable. Le vent vient d’ailleurs à sa rescousse pour jouer de drôles de tours au Loup qui, voyant changer la forme de la personne cachée sous le capuchon, en vient à saliver de plaisir à l’idée de dévorer ce festin toujours plus appétissant. Cette cape est-elle donc magique ?

Les réécritures de contes ont cela de merveilleux qu’elles offrent un regard plus jeune, souvent plus drôle à leur support d’origine, et permettent de réhabiliter le loup en cassant cette image négatif qui lui fut donné. En reprenant les héros qui ont pour habitude de se confronter au Grand Méchant Loup, Nadine Brun-Cosme nous entraîne dans une balade en forêt cocasse au cours de laquelle le Loup devient la victime d’un vent violent créant des situations qui ne manqueront pas de faire rire les petits lecteurs. Au fil des rencontres, il perd son regard sanguinaire, devenant l’élément comique, et finit par se régaler d’un met auquel il n’avait pas pensé.

Les illustrations de Sibylle Delacroix s’inscrivent dans l’univers du conte en reprenant la forme des gravures d’époque, une grande illustration pleine page en noir et blanc. Elle ne s’autorise que la couleur rouge pour faire ressortir le capuchon qui vient guider le Loup, tel le phare guidant le bateau à bon port. Son trait généreux donne une véritable épaisseur à la forêt, la rendant très sombre par contraste avec les personnages aux rondeurs blanchâtres. Le résultat est saisissant de réalisme et de beauté !

La cape magique est une réécriture de conte drôle qui séduit par la répétition des événements qui repoussent toujours un peu plus le moment où le Loup se saisira de son repas. La chute finale est heureuse et permet de faire de ce soit disant grand méchant, un simple personnage de mauvais caractère lorsque la faim le tenaille… Ca ne vous rappelle personne ?

Pas convaincus ? La critique de Tachan est ICI.

Prenez un loup affamé, un Petit Chaperon rouge appétissant, deux moutons insouciants, trois cochons dodus, une tempête menaçante… et vous obtiendrez un conte décoiffant où tel est pris qui croyait prendre !

roman graphique

HOKA HEY ! (2022)

Auteur/Illustrateur : Neyef

Editeur : Rue de Sèvres

Collection : Label 619

Pages : 224

Sélection officielle 2023 et Sélection Fauve des lycéens – Festival d’Angoulême

Lorsqu’il croise le chemin de Little Knife, No Moon et de l’irlandais Sully, Georges ne connait rien à la culture Lakota. Parqué dans une réserve indienne, il a été élevé par le pasteur qui l’administre selon les préceptes de la Bible, avec l’espoir d’en faire un homme « presque aussi intelligent qu’un blanc ». Entre l’éliminer ou l’emmener avec eux, le groupe choisit de poursuivre la route avec lui, une route semée d’embuches et au bout de laquelle, Little Knife entend assouvir sa soif de vengeance en tuant l’assassin de sa mère. Le voyage permet à Georges de découvrir la culture de son peuple Lakota : la chasse, la spiritualité, le rapport à la nature et à toutes les créatures vivants en sein, et d’interroger ses origines.

Conquête de l’ouest, vengeance, voyage initiatique et quête d’identité sont les thèmes centraux de ce western qui nous entraîne dans un Far West digne des meilleurs films du genre. Porté par des personnages attachants, le récit alterne les scènes violentes et d’autres plus contemplatives. Ces dernières permettent de découvrir les personnages, leur histoire et de vraiment saisir la complexité d’appartenir à deux cultures différentes, à deux mondes qui s’opposent, surtout quand l’une est persuadée d’être dans son bon droit en faisant disparaître l’autre. Natifs américains et irlandais puisent leur force dans le désir de garder leur identité et de sauver ce qu’il leur reste d’humanité.

La mise en page suit la forme en cases traditionnelles des bandes dessinées mais Neyef joue avec la profondeur des plans pour inviter son lecteur à plonger au cœur même du récit et être toujours au plus près de ses héros. Par ce biais, il nous fait également voyager dans des paysages incroyables, encore sauvages pour la plupart, mais souvent déjà fracturés par le passage du chemin de fer. Le choix des couleurs vient appuyer les émotions et sensations en leur donnant plus ou moins de profondeur, et en dynamisant la lecture par un jeu d’ombre et lumière du plus bel effet. L’ensemble est un véritable petit bijou d’esthétisme.

Hoka Hey !, « En avant ! », est un cri de guerre, qui prend tout son sens dans ce récit palpitant au cours duquel, des âmes esseulées vont s’ouvrir les unes aux autres pour trouver qui elles sont et veulent être. Avec des thématiques très actuelles, ce roman graphique s’inscrit dans l’actualité en interrogeant notre rapport aux autres et à la nature. Par ces personnages attachants, il interroge nos actions et notre Histoire, car s’identifier à un personnage et vibrer avec lui, c’est aussi apprendre à se mettre à la place de l’autre. Pour Gabrielle et moi, c’est un énorme coup de cœur !

Dès 1850, les jeunes amérindiens étaient internés de force dans des pensionnats catholiques pour les assimiler à la nation américaine. En 1900, la population des natifs en Amérique du Nord avait diminué de 93%. La plupart étaient morts de nouvelles maladies importées par les colons, d’exterminations subventionnés par l’état, et lors des déportations.

Georges est un jeune Lakota élevé par le pasteur qui administre sa réserve. Acculturé, le jeune garçon oublie peu à peu ses racines et rêve d’un futur inspiré du modèle américain, en pleine expansion. Il va croiser la route de Little Knife, amérindien froid et violent à la recherche du meurtrier de sa mère. Au fil de leur voyage, l’homme et le garçon vont s’ouvrir l’un à l’autre et trouver ce qui leur est essentiel.

Le coin de Gaby·Le coin de Ju

Culture adolescente #10

Cette semaine a été très chargée pour les filles entre préparation d’épreuves communes et compétition pour l’une, préparation pour un concert et réflexion d’orientation pour l’autre… Juliette avait une compétition d’escrime sur Besançon le week-end dernier et pour une fois je n’y suis pas allée ; j’ai proposé à Gabrielle de partager des activités culturelles ensemble : nous avons assisté à une représentation d’Edmond, une pièce de théâtre d’Alexis Michalik qui revient avec humour sur la création de Cyrano de Bergerac. Une troupe amateur de notre ville jouait cette pièce dont l’ensemble des gains était reversé à une association caritative. Et nous sommes allées écouter un concert classique, toujours dans notre ville, un octuor à vents qui nous a régalées de Hummel, Beethoven et Mozart.

Comme il n’y a rien de télévisuel cette semaine, j’ai fait une présentation des lectures un peu différente, par individualité plutôt que par catégorie…

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Que lisent-elles à 13 ans 1/2 ?

Gabrielle n’a lu que deux ouvrages perso. Un roman de Laurent Gaudé se déroulant dans les tranchées de Verdun ; et un roman graphique qu’on m’avait recommandé de lui faire lire, adaptation d’un essai de Thomas Piketty, qui explique d’où viennent les inégalités et pourquoi elles perdurent. Contre toute attente, elle a apprécié cette lecture qu’elle a trouvé vraiment intéressante pour comprendre ce qui se passe autour d’elle.

Juliette a pris plaisir à relire le douzième tome du Journal d’un dégonflé (lecture doudou) ainsi que la suite des enquêtes de Philippine Lomar et du Roi Cerf. Elle a ensuite tenté deux nouveautés BDs, trouvées en médiathèque, et a pris bien du plaisir avec les deux.

Et parce qu’elles partagent un même goût pour les belles choses, elles ont lu en commun : un roman graphique, adaptation du roman de Flore Vesco, pour la beauté des mots ; et un album jeunesse, pour la beauté des illustrations.

roman graphique

Nellie Bly – Dans l’antre de la folie (2021)

Auteure : Virginie Ollagnier

Illustratrice : Carole Maurel

Editeur : Glénat

Pages : 162

Après la série de Roseline Pendule, Nellie & Phileas – Détectives Globe-Trotters, j’avais très envie d’en savoir plus sur Nellie Bly, cette femme incroyable qui a marqué son époque et ouvert la porte du journalisme d’investigation. Concernée par la condition des femmes et déterminée à changer les choses, elle n’aura de cesse de dénoncer le traitement qui leur est réservé, que ce soit sur leur lieu de travail ou dans de soi-disant instituts de santé.

New York, 1887. Une jeune femme paie pour le gite et le couvert dans ce qui semble être une pension de famille pour femmes. Rapidement elle montre des signes de confusion et d’instabilité. Au matin, la police a été appelé par la logeuse et l’emmène au tribunal. Jugée folle, elle passe facilement toutes les étapes qui conduisent à l’asile de l’île de Blackwell, géré par la municipalité. Cette jeune femme est Nellie Bly, une journaliste de terrain qui cherche à se faire embaucher par le New York World. Elle vient de s’infiltrer, sans aucune difficulté, dans l’antre de la folie, pour enquêter sur les conditions de détention des femmes qui y sont retenues.

Si vous avez lu Le Bal des Folles de Victoria Mas, ou vu son adaptation par Mélanie Laurent, vous avez une assez bonne idée de ce qui se passe entre les murs de Blackwell. Humiliation, violence physique et psychologique, mauvais traitement, hygiène déplorable, rien n’est épargné à ces femmes dont la seule faute est d’être pauvres. Saines d’esprit, elles sont placées dans cette institut par un membre de leur famille, généralement un homme, mais y viennent parfois d’elle-même, car elles sont un poids financier pour un père ou un fils, voir parfois un mari… Le froid, la faim et l’ennui les privent peu à peu de leur humanité ; cassées par les matonnes, médicamentées sans raison, la plupart finissent par trouver refuge dans la folie.

Nellie Bly aura passé dix jours dans cet institut, dix jours qui lui parurent une éternité. Convaincue du bien fondée de son action et, suite à la publication de son article, elle devient le visage et la voix de toutes ces femmes pour qui elle entend bien changer les choses. Unique témoin elle monte au tribunal pour révéler les rouages qui conduisent à Blackwell et les conditions inhumaines que l’on réserve aux pensionnaires sur place. Pionnière du journalisme d’investigation, elle n’aura de cesse de s’infiltrer dans des milieux divers pour défendre les droits des femmes.

Sublime roman graphique qui nous entraîne dans une époque difficile pour les femmes qui ne sont encore que très peu considérées. On y découvre une jeune femme élevée dans l’amour d’un père qui pensait que les femmes devaient aussi recevoir une instruction. Sa mort prématurée va mettre en avant l’injustice d’une société faite par et pour les hommes. Le travail de recherches de l’auteure est retranscrit avec justesse et on prend plaisir à suivre Nellie dans son enquête entre-coupée de flashback qui nous racontent son enfance et ses premières expériences journalistiques. Le dossier de fin d’ouvrages complète l’ensemble pour nous en dire plus.

Le travail graphique n’est pas en reste avec ses teintes sépia qui nous plongent dans l’époque. La folie est par ailleurs superbement représentée par des apparitions fantomatiques et des formes tentaculaires qui disent toute la tension et l’emprise psychologique qui règnent en ce terrible lieu. Par ailleurs, le travail sur les expressions rendu très réaliste, permet de s’attacher à ces femmes de tous âges en suscitant empathie et compassion. L’ensemble est un roman graphique percutant à découvrir ne serait-ce que pour en savoir plus sur cette femme qui a marqué son époque.

POUR MENER SON ENQUETE, ELLE SE FAIT PASSER POUR FOLLE. Nellie Bly serait complètement folle. Sans cesse, elle répète vouloir retrouver ses « troncs ». Personne n’arrive à saisir le sens de ses propos, car en réalité, tout cela n’est que mystification : Nellie cherche à se faire interner dans l’asile psychiatrique de Blackweel, à New York, dans le but d’y enquêter sur les conditions de vie de ses résidentes. Y parvenant avec une facilité déconcertante, elle découvre un univers glacial, sadique et misogyne, où ne pas parfaitement remplir le rôle assigné aux femmes leur suffit à être désignée comme aliénée. L’HISTOIRE VRAIE DE LA PIONNIERE DU JOURNALISME D’INVESTIGATION ET DU REPORTAGE CLANDESTIN.

album·poésie

Madame Automne et cætera (2018)

Auteure : Palina

Illustratrice : Baptistine Mésange

Editions : du Jasmin

Collection : Points de Suspension

Pages : 50

Recueil de quatre poèmes, les textes s’étalent sur le papier telles les saisons sur une année. Madame Automne ouvre le bal dans sa robe lisière avant de céder la place aux saisons suivantes qui se succèdent dans une ronde autour du monde, formant un tout, formant un cycle de vie, une boucle temporelle.

Palina propose de découvrir la poésie autour du sujet vaste mais intemporel des saisons, chacune se parant des couleurs, sensations et événements qui en font le charme et en rythment le temps qui passe. Avec une infinie douceur, les mots habillent madame Automne, monsieur Hiver, mademoiselle Printemps et monsieur Eté, leur donnant consistance et vitalité.

Mais la poésie et la douceur se retrouvent aussi dans le trait de Baptistine Mésange. L’artiste varoise habille les textes de la poétesse de formes rondes et de couleurs pastelles qui viennent parer les saisons d’aquarelles plus ou moins diluées, laissant apparaître le blanc du papier, appuyant la luminosité et la poésie du trait.

J’avais besoin de douceur et de tendresse, Madame Automne et cætera a comblé toutes mes attentes, et donné envie de lire un peu plus de poésie. C’est un énorme coup de cœur que je partage avec ma fille, Gabrielle.

Quatre poèmes. Un par saison, et l’on commence par l’automne, ce qui suivra le calendrier des écoliers. Des couleurs, des sensations, des images fortes et du ressenti pour suivre cette ronde du temps, ballet farandole qui n’en finit pas de tourner…

roman jeunesse·Service Presse

Nellie & Phileas – Détectives Globe-Trotters, tome 3. Kidnapping à Bombay (2023)

Auteure : Roseline Pendule

Illustratrice : Constance Bouckaert

Editeur : Gulf Stream

Collection : 9-12

Pages : 208

Nellie et Phileas poursuivent leur tour du monde, accompagnés de l’incomparable Passepartout. Arrivés en Asie, ils doivent faire face au manque d’argent et avoir recours à leur ingéniosité pour trouver où dormir et de quoi manger. Si Nellie s’accommode aisément de ce mode de vie, c’est bien plus compliqué pour son ami britannique, habitué à plus d’opulence. Alors qu’ils se font embaucher pour participer au carnaval de Bombay, ils assistent impuissants à l’enlèvement d’une jeune fille. Ouda est la fille du plus riche marchand de la ville et les deux compagnons entendent bien la sauver.

Troisième et dernière aventure de la série, Kidnapping à Bombay nous entraîne à travers l’Asie, de l’île Ceylan au Japon en passant par L’inde et la Chine. La plume, moderne et immersive, de Roseline Pendule joue sur la succession des rencontres et des étapes de l’enquête pour dynamiser le récit qui entraîne le lecteur dans une course effrénée pour libérer Ouda. Le suspens est par ailleurs maintenu jusqu’à la toute fin concernant l’avenir incertain de Nellie dans le monde journalistique.

Au fil des pages, l’auteure distille ça et là des informations historiques qui viennent enrichir le texte et rendent l’histoire pertinente. Comme dans Vol à l’Exposition Universelle, on découvre l’emprunte que l’Europe, et notamment l’Empire britannique, a déposé sur cet autre continent par la colonisation. On y voit aussi une forme d’hostilité entre les indiens et les anglais et des différences de traitements. Cela crée d’ailleurs une certaine tension entre Nellie et Phileas qui ont une façon différente de voir les choses de par leurs pays de naissance mais surtout de par leur statut social très différent.

Pourtant, chacun des deux enfants évolue au fil des volumes de la série, Phileas y gagne en empathie et Nellie en maturité. Son regard journalistique s’aiguise et l’on voit apparaître les prémices de l’engagement qui déterminera son chemin. L’humour est toujours omniprésent grâce aux frasques de Passepartout et on prend plaisir à voir les tours qu’ils jouent à Fix. Récit initiatique, roman d’aventures, série d’enquêtes, Nellie & Phileas est une trilogie divertissante et culturellement riche à découvrir dès 9 ans.

Je remercie les éditions GulfStream pour l’envoi de ce titre en Service Presse et pour leur confiance renouvelée. Je remercie également Roseline Pendule pour ce tour du monde plein de surprises.

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Poursuivant leur périple, Nellie et Phileas, accompagnés du fidèle Passepartout et d’un étonnant compagnon, un macaque roux, sont arrivés en Asie. Mais voilà qu’un jeune danseuse indienne est enlevée au beau milieu du carnaval de Bombay ! La demoiselle n’est autre que la fille du puissant marchand de pierres précieuses de la ville… Heureusement, les jeunes détectives sont sur la piste ! Nellie est ravie : c’est l’occasion rêvée de briller en tant que reporter. Encore faut-il qu’ils sortent vivants de cette enquête qui va les entraîner bien loin de l’Inde… Entre le comportement suspect du marchand et les étranges messages laissés par les kidnappeurs, cette nouvelle aventure n’est pas de tout repos !

album

Le marchand de bonheur (2020)

Auteur : Davide Cali

Illustrateur : Marco Somà

Editeur : Sarbacane

Pages : 28

Après avoir questionner le pouvoir dans La reine des grenouilles ne peut pas se mouiller les pieds, Davide Cali et Marco Somà reviennent en force pour, cette fois, interroger le bonheur. L’auteur nous raconte comment Monsieur Pigeon se déplace, tel un colporteur, pour vendre du bonheur.

Comment ça ? Ca se vend, le bonheur ? Mais bien sûr ! En petit pot, en grand ou même, en format familial.

Chaque oiseau s’attache à acheter du bonheur selon ses besoins : amis, famille nombreuse…, et ses possibilités. Certains se refusent à en acheter par principe – avant d’aller s’en procurer sur internet – ou pour préserver une âme d’artiste. Mais dans tous les cas, le bonheur ne se brade pas et pour en obtenir il faudra aligner la monnaie…

Davide Cali nous sert une fois de plus une fable philosophique pour faire réfléchir au bonheur et ses valeurs. De sa plume juste et concise, il parvient à questionner l’idée que consommer et posséder accorde du bonheur, remettant ainsi notre société de consommation en question. Ici, l’auteur véhicule plutôt des valeurs de partage invitant le lecteur à offrir le bonheur plutôt que de tenter de l’accumuler pour soi.

On retrouve le style rétro aux couleurs fanées de Marco Somà mais, si j’ai aimé découvrir l’univers qu’il a créé, la richesse onirique et poétique des maisons d’oiseaux, j’ai été moins séduites par ses personnages. Je les ai trouvé plutôt figés et leur manque de réalisme m’a aussi gêné. Cela n’enlève rien au charme suranné de l’ensemble et me donne très envie de découvrir d’autres collaborations de ces deux artistes.

C’est l’histoire d’un colporteur pas comme les autres…

album

Le garçon de papier (2022)

Auteur : Nicolas Digard

Illustrateurs : Kerascoët

Editeur : Glénat jeunesse

Pages : 32

Malmené, bousculé par les autres enfants, le petit garçon de papier souffre de cette différence qui en fait une victime. Trop faible, trop à part du groupe, il se sent bien seul et personne, pas même sa maman, ne comprend à quel point il aimerait être comme les autres. Mais a-t-il vraiment besoin d’être comme les autres ? Ne peut-il tirer de la force de cette différence ?

Nicolas Digard signe un titre touchant sur la différence et bouleversant dans son interprétation graphique. Le collectif Kerascoët déploie une palette de bleus, de verts, de gris, pour créer l’oppression, la peur et la tristesse de ce petit garçon victime de harcèlement. Car c’est bien le harcèlement qui est au cœur de ce récit qui s’adresse à tous ces petits êtres rejetés, chahutés, bousculés pour la seule raison qu’ils ne répondent pas aux normes sociales établies.

La couleur arrive dans la seconde moitié de l’histoire, porteuse d’espoir et de joie de vivre lorsque le petit garçon découvre qu’étant de papier, il peut se plier à volonté, et prendre des formes variées qui lui ouvrent de nouveaux horizons et de nombreuses perspectives d’action. A lui la liberté et la richesse des sensations.

Le petit garçon de papier est un album sensible et percutant dans lequel le petit garçon apprend à accepter sa différence pour en faire une force. Il est cependant regrettable que l’auteur n’est pas choisi de montrer que le travail d’acceptation passe aussi dans le regard des autres au travers de l’éducation et de la sensibilisation à la différence.

Rejeté par les autres enfants, le garçon de papier est fragile dans un monde dominé par les forts. Lassé d’être froissé et gribouillé, il s’enfuit de chez lui et réalise que sa singularité est aussi une force.

Le coin de Gaby·Le coin de Ju

Culture adolescente #9

Une nouvelle semaine s’achève et c’est l’heure du bilan de mes demoiselles qui en ont bien profité.

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Que lisent-elles à 13 ans 1/2 ?

Les romans semblent se réinstaller dans leur quotidien. Cette semaine il y a eu la suite d’une série « première lecture » dont elles sont complètement fan ; Gabrielle s’est lancée dans un nouveau roman qui lui faisait envie depuis un moment – merci les offres 2 achetés -1 offert ; Juliette poursuit ses lectures chouchous mais il y a aussi eu l’arrivée du troisième volet des aventures de Tête de Fesses enfin disponible en médiathèque.

Les bandes dessinées constituent toujours une lecture de choix entre suite de série, nouveauté et lecture plus culturelle…

Idem du côté des manga, chacune poursuit la lecture d’une série commencée il y a plus ou moins longtemps et toutes deux ont pris plaisir à découvrir le 7e et dernier volume de la série Alpi et la suite de la Petite faiseuse de Livres.

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Que regardent-elles à 13 ans 1/2 ?

Gabrielle continue d’avancer dans des séries ; elles ont vu un film pour le dimanche animation en famille.

album

La reine des grenouilles ne peut pas se mouiller les pieds (2013)

A rainha des rãs não pode molhar os pés

Auteur : Davide Cali

Illustrateur : Marco Somà

Traducteur : Alain Serres

Editeur : Rue du Monde

Pages : 40

Davide Cali enchante une fois de plus par la qualité de sa plume, nous servant ici un conte philosophique qui questionne sur le pouvoir et ses dérives. Il nous raconte comment une grenouille ordinaire fut faite reine par ses conseillers parce qu’elle fut la plus rapide à récupérer cette jolie couronne tombée au fond de la mare. Prise par le goût des avantages octroyés, elle finit par s’attirer l’hostilité de ses subordonnés qui en vinrent à contester la légitimité de sa couronne.

Superbement illustré par Marco Somà, La reine des grenouilles ne peut pas se mouiller les pieds se pare de couleurs fanées qui lui donnent un petit côté rétro parfaitement raccord avec cet écosystème foisonnant qu’est la mare. Elles viennent appuyer le fabuleux de cette histoire portée par des grenouilles anthropomorphes qui m’ont fait penser au crapaud du roman de Kenneth Grahame, Le vent dans les saules. Il crée un univers gorgé d’inventivité (regardez ces poisons lanternes) et de poésie.

La comparaison s’arrête là, l’album de Davide Cali étant une porte ouverte à la réflexion sur ce qu’est le pouvoir, comment l’exercer, le partager… pour éviter des débordements et les dérives vers l’autoritarisme. Mais il soulève également la question de la couronne, de ce qu’elle est et représente. La reine des grenouilles ne peut pas se mouiller les pieds est un album intelligent à partager en famille.

Il était une fois un étang où des grenouilles vivaient paisiblement leur vie de grenouilles jusqu’au jour où l’une d’entre elles trouva une couronne de reine, de reine des grenouilles, bien sûr…